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02/05/2014 | FRANCE | N°14NT00055

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 02 mai 2014, 14NT00055


Vu, I, sous le n° 14NT00055, le recours, enregistré le 10 janvier 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103432 en date du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme F... D..., la décision du 9 mars 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre le refus opposé le 7 mars 2010 par les autorités consulaires françaises à Moscou à sa demande de visa

long séjour pour établissement familial en qualité d'ascendant à charge de...

Vu, I, sous le n° 14NT00055, le recours, enregistré le 10 janvier 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103432 en date du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme F... D..., la décision du 9 mars 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre le refus opposé le 7 mars 2010 par les autorités consulaires françaises à Moscou à sa demande de visa long séjour pour établissement familial en qualité d'ascendant à charge de ressortissant français ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- il a produit à l'appui de ses observations en défense une attestation du président de la commission de recours relative à la régularité de sa composition lors de sa séance du 9 mars 2011 ; M. E..., nommé par décret à la tête de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, était habilité à en attester la régularité de la composition ; la décision de la commission porte la signature de son président ; le moyen tiré d'un vice de procédure manque en fait ; en outre, Mme D... n'a à aucun moment produit d'éléments susceptibles de démontrer l'irrégularité de la composition de la commission de recours ; le tribunal a entaché son jugement d'erreur manifeste d'appréciation et sa décision encourt l'annulation ;

- les autres moyens de première instance de Mme D... doivent être rejetés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2014, présenté pour Mme D..., demeurant au..., par Me Dalibard, avocat au barreau de Tours, qui conclut au rejet du recours ;

elle soutient que :

- le jugement n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; elle a soulevé en première instance que la commission de recours n'était pas régulièrement composée lors de la séance du 9 mars 2011 ; il a été demandé au ministre de justifier de la composition régulière de la commission ; l'attestation du 18 septembre 2013 du président de la commission, alors même qu'il aurait été nommé par décret, n'établit pas cette régularité, alors que la charge de la preuve incombe à l'administration ; le moyen tiré de ce que la décision de la commission serait signée par son président est à cet égard inopérant ;

- le procès-verbal de la séance n'ayant pas été produit, les premiers juges ont jugé à bon droit que le ministre n'établissait pas que la commission de recours s'était réunie dans une composition régulière ; la requête d'appel doit, dès lors, être rejetée ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 10 mars 2014, présenté pour Mme D... qui conclut, à titre principal, au rejet du recours du ministre, à titre subsidiaire, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 7 mars 2011, se substituant aux décisions précédentes, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de lui délivrer le visa sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en tout état de cause, à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- ses ressources, limitées à une maigre pension de retraite d'environ 220 euros par mois, ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins, ce qui a d'ailleurs justifié sa demande de visa long séjour en qualité d'ascendante à charge de ressortissant français ; son fils, professeur d'université, perçoit un traitement mensuel supérieur à 4 000 euros et pourvoit régulièrement à son entretien depuis 2009 ; du moins, il justifie des ressources nécessaires pour ce faire ; la commission a omis le caractère alternatif de ce dernier critère ; en excluant sa qualité " d'ascendante à charge ", la commission de recours a, dès lors, entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- son époux est décédé en 2002 et M. C... A...est son enfant unique ; elle se retrouve donc isolée en Russie et son âge lui interdit les longs déplacements ; il appartenait à la commission de constater que son droit au respect de la vie privée et familiale aurait dû conduire le consul à lui délivrer le visa sollicité, sauf à entacher sa décision d'une disproportion manifeste, contraire aux stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu, II, sous le n° 14NT00086, le recours, enregistré le 17 janvier 2014, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1103432 du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme D..., la décision du 9 mars 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre le refus opposé par les autorités consulaires françaises à Moscou de lui délivrer un visa de long séjour pour établissement familial en qualité d'ascendant à charge de ressortissant français, et a enjoint à l'administration de délivrer ce visa ;

il soutient que :

- la condition mise au sursis par l'article R. 811-17 du code de justice administrative est remplie, dès lors que l'exécution de l'injonction prononcée par le jugement aurait des conséquences difficilement réparables ;

- le tribunal administratif de Nantes a commis une erreur manifeste d'appréciation en jugeant que le ministère de l'intérieur n'établissait pas la régularité de la composition de la commission ayant, le 9 mars 2011, rejeté le recours de Mme D... ;

Vu le jugement dont le sursis à exécution est sollicité ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2014, présenté pour Mme D..., demeurant au..., par Me Dalibard, avocat au barreau de Tours, qui conclut au rejet de la demande de sursis à exécution présentée par le ministre de l'intérieur ;

elle soutient que :

- la demande de sursis est irrecevable, au regard de l'article R. 811-17-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle n'était pas accompagnée du recours en appel du ministre ;

- les conditions de l'octroi du sursis font défaut ; le ministre n'établit pas les conséquences difficilement réparables que pourrait induire l'exécution du jugement rendu le 22 novembre 2013 ; les moyens développés à l'appui de la requête n'apparaissent pas sérieux pour remettre en cause le jugement querellé ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2014 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Meunier, substituant Me Dalibard, avocat de Mme D... ;

1. Considérant que les recours nos 14NT00055 et 14NT00086 présentés par le ministre de l'intérieur présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer l'annulation et le sursis à exécution du jugement en date du 22 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme D..., la décision du 9 mars 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de cette dernière contre la décision de refus des autorités consulaires françaises à Moscou de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour pour établissement familial en qualité d'ascendant à charge de ressortissant français et a enjoint à l'administration de lui délivrer ce visa ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France : " [La commission] délibère valablement lorsque le président et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs, sont réunis " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de la séance du 9 mars 2011 au cours de laquelle elle a examiné le recours de Mme D..., la commission de recours réunissait le président et quatre membres, et que le quorum était ainsi atteint ; qu'aucune disposition législative ou règlementaire, ni aucun principe général, n'imposait à la décision contestée de porter mention de la composition de la commission lors de cette séance ; que le moyen tiré de ce que la décision de la commission aurait été adoptée au terme d'une procédure irrégulière manque ainsi en fait ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que la régularité de sa composition n'était pas établie, pour annuler la décision du 9 mars 2011 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... ;

5. Considérant, en premier lieu, que, lorsqu'elle est saisie d'un recours contre le refus d'accorder un visa de long séjour au bénéfice d'un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge de ressortissant français, la commission peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire ; qu'ainsi, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait commis une erreur en droit en fondant sa décision sur un tel motif ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D..., âgée de 72 ans, percevait à la date de la décision contestée une pension de retraite de 9 592 roubles, soit une somme d'environ 252 euros par mois ; que cette retraite était, à la date de sa demande de visa, supérieure au montant moyen de la pension de retraite russe (8 180 roubles au 1er avril 2010) et représentait le double du minimum vital fixé par la Fédération de Russie pour les retraités (4 395 roubles au 1er juillet 2010) ; que l'intéressée disposait, par ailleurs, d'économies sur divers comptes d'épargne ; qu'ainsi, ces ressources lui permettaient de vivre en Russie de manière autonome ; qu'en outre, il n'est nullement établi que son fils aurait régulièrement pourvu à ses besoins avant l'intervention de la décision contestée ; que, dans ces conditions, alors même que M. C... A... disposait des ressources pour le faire et a, d'ailleurs, complété la pension de sa mère par des virements réguliers à compter de cette date, en estimant que Mme D... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de son fils, la commission de recours pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission ait commis une erreur manifeste d'appréciation en se fondant, en revanche, sur l'insuffisance des ressources de Mme D... pour faire face aux frais liés à un séjour en France de plus de trois mois, en qualité d'ascendant non à charge ; que la décision de la commission de recours n'est pas entachée de contradiction sur ce point ;

8. Considérant, enfin, que Mme D... vit séparée de son fils unique depuis de nombreuses années et notamment depuis le décès de son époux en 2002 ; qu'elle n'établit pas être isolée en Russie où elle a toujours vécu ; que si l'intéressée fait état de son âge, qui limiterait ses possibilités de déplacement, elle a bénéficié et bénéficie encore de visas de court séjour pour rendre visite à sa famille en France ; qu'en outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que son fils serait dans l'impossibilité de lui rendre visite en Russie ; qu'ainsi, en l'absence de circonstances particulières, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de visa de long séjour en France aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 9 mars 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la demande à fin d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme D... tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de lui délivrer le visa d'entrée et de long séjour sollicité, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance n° 14NT00055, la somme que demande Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

12. Considérant que le présent arrêt statue sur l'appel du ministre de l'intérieur tendant à l'annulation du jugement du 22 novembre 2013 du tribunal administratif de Nantes ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur son recours n° 14NT00086 tendant au sursis à exécution du même jugement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du recours n° 14NT00086.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F...D....

Délibéré après l'audience du 23 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2014.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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Nos 14NT00055, 14NT00086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00055
Date de la décision : 02/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : SELARL WALTER et GARANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-05-02;14nt00055 ?
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