Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2014, présentée pour Mme E... F..., demeurant..., par Me Beyreuther Minkov, avocat au barreau de Paris ; Mme F... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1109498 du 10 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 avril 2011 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que de la décision du 25 août 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant son recours hiérarchique ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la décision contestée a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision n'est motivée que par un séjour irrégulier en France entre 2001 et 2006 alors que le préfet a été condamné par le tribunal administratif à lui délivrer un titre de séjour ;
- le refus de naturalisation porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
- il y a lieu d'ordonner la production de son entier dossier ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la requête est irrecevable, car elle ne contient aucune critique du jugement attaqué ni aucun moyen d'appel ;
- les conclusions présentées contre la décision du préfet du 18 avril 2011 sont irrecevables ;
- la requérante ne conteste pas la matérialité de son séjour irrégulier pendant cinq ans ; elle n'a pas séjourné régulièrement en France antérieurement à la délivrance d'un titre de séjour accordée suite au jugement du tribunal administratif ;
- elle ne conteste pas sérieusement la précarité de son autonomie économique et matérielle ;
- elle ne peut se prévaloir des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il n'appartient pas au juge administratif de se substituer à l'administration pour accorder la nationalité française ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2014 :
- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;
1. Considérant que Mme F..., de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 10 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 avril 2011 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que de la décision du 25 août 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant son recours hiérarchique ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision préfectorale :
2. Considérant qu'en conséquence du caractère obligatoire du recours hiérarchique devant le ministre chargé des naturalisations, la décision de ce dernier en date du 25 août 2011 s'est substituée à celle du préfet ; que, dès lors, ainsi que le rappelle le jugement attaqué, les conclusions tendant à l'annulation de cette dernière sont irrecevables ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision ministérielle :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par décret du 15 juillet 2009, régulièrement publié au Journal officiel de la République française du 16 juillet 2009, M. C... D... a été nommé directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté au ministère chargé des naturalisations et que par décision du 9 août 2011, régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 11 août 2011, M. A... B..., chef du premier bureau des naturalisations, a reçu délégation de ce dernier à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions qui lui sont confiées, au nombre desquelles figurent les décisions d'ajournement des demandes de naturalisation ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, son degré d'insertion professionnelle ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;
5. Considérant que, pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par Mme F..., le ministre s'est fondé sur la double circonstance que l'intéressée avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 2001 à 2006 en méconnaissant ainsi la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et que son activité professionnelle ne lui permettait pas de disposer de revenus suffisants pour subvenir durablement à ses besoins ;
6. Considérant, d'une part, que s'il est constant que Mme F... a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en 2006 à la suite du réexamen de sa situation par le préfet des Hauts-de-Seine, ordonné par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 21 septembre 2005, il n'est pas sérieusement contesté qu'elle se trouvait en situation irrégulière entre 2001 et 2006, sans que l'intéressée ne puisse se prévaloir de l'annulation par ce jugement de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ; qu'eu égard à la date à laquelle ce séjour irrégulier a pris fin, ces faits n'étaient pas anciens lorsque la décision contestée a été prise ; que, d'autre part, il n'est pas contesté, qu'à la date de la décision litigieuse, Mme F... exerçait une activité professionnelle à temps partiel ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a déclaré à l'administration fiscale respectivement que 3 666 euros, 6 238 euros et 5 555 euros au titre des revenus perçus pour les années 2007 à 2009 ; que, dès lors la requérante n'établit pas disposer de revenus suffisants lui permettant de subvenir durablement à ses besoins ; que dans ces conditions, et alors même qu'elle fait valoir qu'elle a vécu en France jusqu'à l'âge de 19 ans, où elle a effectué sa scolarité, qu'elle élève un enfant handicapé et que son père a combattu pour la France, le ministre, qui a procédé à un examen de l'ensemble de sa situation personnelle, a pu ajourner à deux ans sa demande de naturalisation pour les deux motifs susmentionnés, sans entacher sa décision d'erreur de fait, d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant, enfin, que les moyens invoqués par Mme F... et tirés tant de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que de l'atteinte portée à sa vie personnelle et familiale sont inopérants à l'encontre de la décision contestée dont l'objet n'était pas de refuser à l'intéressée un titre de séjour mais d'ajourner sa demande d'acquisition de la nationalité française ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par le ministre de l'intérieur, et sans qu'il y ait davantage lieu de procéder à la mesure d'instruction sollicitée, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par Mme F... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par Mme F... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... F...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2014.
Le président-assesseur,
J.-F. MILLET
Le président-rapporteur,
B. ISELIN Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00036