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30/04/2014 | FRANCE | N°13NT00784

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 avril 2014, 13NT00784


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2013 et régularisée le 21 mai 2013, présentée pour Mme C...B..., demeurant au..., par Me de Clerck, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006192 du 5 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 septembre 2010 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision de refus opposée par les autorit

és consulaires à ses enfants Axel Boris F...A...et Laetitia KengneA..., a...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2013 et régularisée le 21 mai 2013, présentée pour Mme C...B..., demeurant au..., par Me de Clerck, avocat au barreau de Paris ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006192 du 5 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 septembre 2010 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision de refus opposée par les autorités consulaires à ses enfants Axel Boris F...A...et Laetitia KengneA..., au titre du regroupement familial ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de délivrer à Axel Boris F...A...et à Laetitia Kengne A...un visa de long séjour aux fins de regroupement familial dans les 20 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation en considérant que les actes de naissance produits sont frauduleux ; ces actes de naissance sont corroborés par les déclarations de naissances, établies par un infirmier du centre médical ou sont nés les enfants, ainsi que par des attestations d'existence de souche dans les archives de la commune de l'arrondissement de Yaoundé 3ème, établies par le 4ème adjoint au maire ;

- un jugement supplétif du tribunal de premier degré de Yaoundé établit sa filiation avec l'enfant Laetitia KengneA... ;

- les décisions contestées ont des conséquences dramatiques sur sa situation familiale, ainsi que sur celle de ses enfants ; l'intensité, la stabilité et la réalité de ses liens avec ses enfants est incontestable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 août 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ;

il soutient que :

- les actes de naissance produits par la requérante dans le cadre de sa demande de visas de long séjour au bénéfice de ses enfants allégués sont frauduleux ; la vérification de ces actes par les autorités consulaires a conduit à constater que l'acte de naissance de l'enfant Axel Boris F...A...a été rajouté et collé dans le registre de l'état civil, tandis que le numéro de celui de l'enfant Laetitia Kengne A...a conduit à la délivrance de l'acte de naissance d'une tierce personne ;

- le jugement de reconstitution est appuyé sur l'acte de naissance frauduleux, ce qui constitue un motif d'ordre public de rejet de la requête ;

- la requérante n'apporte pas la preuve qu'elle entretiendrait avec ces enfants des relations régulières ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 décembre 2013, présenté pour Mme B... qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen que la véracité de l'acte et de la déclaration de naissance est confirmée par la production d'un test ADN daté du 8 juillet 2013, réalisé sur autorisation du tribunal de première instance de Yaoundé, qui constate sa filiation biologique avec Laetitia KengneA... ;

Vu la décision du 15 avril 2013 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Nantes refusant à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C... A..., épouse B..., est entrée en France en 2002, et a obtenu la nationalité française par déclaration en 2012 ; qu'elle a entrepris des démarches afin que M. E... F... A... et Mlle D... F... A..., respectivement nés en 1992 et 1997, qu'elle présente comme ses enfants, puissent la rejoindre ; qu'une autorisation de regroupement familial a été délivrée le 22 décembre 2009 par le préfet des Hauts de Seine ; que, toutefois, contestant l'authenticité des documents d'état civil produits pour établir la filiation de l'intéressée avec ces enfants, les autorités consulaires françaises à Yaoundé ont refusé de délivrer les visas sollicités ; que cette décision a été confirmée par une décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 2 septembre 2010 ; que Mme A..., épouse B...relève appel du jugement du 5 février 2013, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que pour rejeter les demandes de visas présentées au bénéfice des enfants Axel Boris et Laetitia, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a retenu que les actes d'état civil produits présentaient un caractère frauduleux ;

3. Considérant que lorsque la venue de personnes en France a été autorisée au titre de la procédure du regroupement familial, l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;

5. Considérant, en premier lieu, que, sur le fondement des dispositions précitées, les

autorités consulaires françaises ont procédé, auprès des autorités locales, à la vérification de l'authenticité des documents d'état civil produits à l'appui des demandes de visas ; que ces vérifications ont révélé que l'acte de naissance produit par la requérante pour l'enfant Axel Boris F...A..., portant le n° 00686/1992, a été rajouté et collé dans le registre d'état civil de la mairie de Yaoundé III ; que, dans ces circonstances, si la requérante produit une attestation d'existence de souche dans les archives de la commune d'arrondissement de Yaoundé III de cet acte, dont le caractère frauduleux a été établi, ainsi qu'une déclaration de naissance n° 02/1992 au nom du même enfant, mentionnant avoir été établie à Yaoundé le 23 janvier 1992, ces éléments sont insuffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; qu'ainsi, cette commission n'a pas fait une appréciation erronée des circonstances de l'affaire en estimant que l'acte de naissance de l'enfant Axel Boris était un acte de complaisance ne permettant pas d'établir de façon probante le lien de filiation avec la requérante ; que dès lors, en l'absence de lien de filiation établi avec Axel Boris F... A..., Mme B... ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 3, §1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

6. Considérant, en second lieu, qu'à l'occasion d'une demande de visa, la filiation peut être établie par tout moyen ; que la requérante produit, outre un jugement supplétif d'acte de naissance du 23 février 2012 émanant du tribunal de premier degré de Yaoundé, les résultats, non contestés par le ministre, de tests génétiques pratiqués sur Mme B... et sur la jeuneG... A..., par un laboratoire d'analyses médicales agréé en la matière au Cameroun ; que ces tests ont, préalablement à leur réalisation, été autorisés par le président du tribunal de première instance de Yaoundé ; qu'il ressort des résultats produits qu'il existe une correspondance dans toutes les régions d'ADN analysées entre les échantillons prélevés chez ces deux personnes, et que Mme B... est bien la mère biologique de Laetitia KengneA... ; que, dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B... est fondée à soutenir qu'en refusant de délivrer à Laetitia Kengne A...le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a commis une erreur d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 septembre 2010, en tant qu'elle concerne la demande de visa de long séjour présentée pour Laetitia KengneA... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant, d'une part, qu'eu égard à la circonstance qu'à la date du présent arrêt Mme B... réside à l'étranger, il y a seulement lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa sollicité pour Laetitia Kengne A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

9. Considérant, d'autre part, que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées pour Axel Boris F...A...n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de lui délivrer le visa sollicité ou de réexaminer sa situation, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B..., et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 février 2013 et la décision du 2 septembre 2010 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés, en tant qu'ils concernent Laetitia KengneA....

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de visa présentée pour Laetitia KengneA..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2014.

Le rapporteur,

J-F. MILLET Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 13NT00784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00784
Date de la décision : 30/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : DE CLERCK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-30;13nt00784 ?
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