Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2012, présentée pour la société de construction et de promotion Eric Mélois (Socoprem), dont le siège est situé à La Gaudière à Betton (35830), par Me Balat, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société Socoprem demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901931 du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Saint-Lunaire soit condamnée à lui verser la somme de 11 547,81 euros en réparation du préjudice subi au titre du paiement indu d'une facture en date du 31 janvier 2001 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Lunaire la somme de 11 547,81 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2008, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Lunaire une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- le jugement, qui ne respecte par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, est irrégulier ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ; les travaux qui ont été mis à sa charge avaient été décidés avant le dépôt de l'autorisation de lotit et ne constituent pas en conséquence une opération de branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics ; ces travaux étaient donc à la charge de la commune ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 7 novembre 2012 à Me Collet, avocat de la commune de Saint-Lunaire, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2012, présenté pour la commune de Saint-Lunaire, représentée par son maire en exercice, par Me Collet, avocat au barreau de Rennes, qui conclut au rejet de requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Socoprem au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- le jugement est régulier en la forme et suffisamment motivé ;
- le système d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales réalisé comporte deux réseaux parallèles, dont l'un a vocation à recevoir exclusivement les eaux usées et les eaux pluviales du lotissement ; leur qualification d'équipement propre résulte du programme des travaux qui figure dans le dossier d'autorisation de lotir ;
- il n'existe aucun lien de causalité entre le préjudice invoqué et une éventuelle faute de la commune ; les travaux réalisés trouvent leur origine dans les engagements contractés par le gérant de la société avec l'entreprise qui a réalisé les travaux ;
- la prescription de la créance était acquise à la date à laquelle la société Socoprem a sollicité son remboursement, soit au titre de la prescription quadriennale, soit au titre de la prescription quinquennale de l'action en répétition de l'indu prévue à l'article L. 332-20 du code de l'urbanisme ;
Vu l'ordonnance en date du 23 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 21 février 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 février 2014, présenté pour la société Socoprem qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que sa requête ;
elle fait valoir que :
- la viabilisation du lotissement n'a nécessité aucune extension ni renforcement des réseaux existants sur le domaine public ;
- la prescription quadriennale ne peut être opposée pour la première fois en appel ;
- la prescription par cinq ans de l'action en répétition n'est pas applicable, l'action engagée par la société ne pouvant être assimilée à une action en répétition d'une participation qu'elle aurait indument réglée à la commune ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2014, présenté pour la commune de Saint-
Lunaire qui conclut par les mêmes moyens au rejet de la requête ;
Vu l'ordonnance en date du 21 février 2014 portant réouverture de l'instruction en application de l'article 613-4 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., substituant Me Collet, avocat de la commune de Saint-Lunaire ;
1. Considérant que par un arrêté du 26 décembre 2000, le maire de Saint-Lunaire a délivré à la société Socoprem une autorisation de lotir pour la réalisation de huit lots sur un terrain situé lieu-dit " La Croix Mignon ", cadastré section AX nos 225, à 228 ; que l'entreprise Boscolo a effectué des travaux dénommés " extension de réseau et travaux d'assainissement complémentaires et nécessaires à la viabilisation du lotissement " en 2001, lesquels ont donné lieu à l'émission d'une facture en date du 31 janvier 2001 d'un montant de 11 547,81 euros que la société Socoprem a réglée le 12 décembre 2003 en exécution d'un jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 7 octobre 2003, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 20 janvier 2005 ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 décembre 2008, la société Socoprem a demandé à la commune de Saint-Lunaire de lui rembourser la somme de 11 547,81 euros qu'elle estime ne pas être à sa charge ; que par lettre du 10 février 2009, le maire de Saint-Lunaire a rejeté cette demande ; que la société Socoprem relève appel du jugement du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Saint-Lunaire soit condamnée à lui verser la somme de 11 547,81 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi au titre du paiement indu de cette facture ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, que si l'expédition du jugement du 16 février 2012, adressée à la société Socoprem, ne contient pas l'analyse des moyens soulevés par les parties, la minute du même jugement la contient et a donc été établie, conformément aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
3. Considérant, d'autre part, que la société Socoprem reproche aux premiers juges de ne pas avoir motivé leur jugement en n'indiquant pas les raisons pour lesquelles ils estimaient devoir écarter l'argumentation développée devant eux relative à la qualité d'ouvrage public des canalisations en cause, alors que celles-ci traversent un terrain appartenant à la commune de Saint-Lunaire, destiné à l'extension du cimetière de la commune, et sont susceptibles de servir à l'évacuation des eaux pluviales de ce cimetière ; qu'il ressort toutefois du jugement attaqué que les premiers juges, qui ont mentionné ce moyen dans les visas, après avoir rappelé " que les travaux dits d'" extension de réseau et travaux d'assainissement complémentaires et nécessaires à la viabilisation du lotissement " facturés par l'entreprise Boscolo le 31 janvier 2001 et mis à la charge de la société Socoprem portaient sur la réalisation des réseaux intérieurs d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales du lotissement et de leur raccordement aux réseaux publics existants " et relevé qu'il ne résultait pas de l'instruction " que la construction du réseau public d'évacuation des eaux pluviales du cimetière communal ait été en tout ou partie prise en charge par la société Socoprem ni que les canalisations réalisées par l'entreprise Boscolo soient également destinées à l'évacuation des eaux du cimetière communal ", ont estimé " qu'ainsi, les travaux exécutés par cette entreprise et mis à la charge de la société requérante ont été effectués uniquement en vue de répondre aux besoins nouvellement créés par l'assainissement du lotissement autorisé sur le territoire de la commune par l'arrêté en date du 26 décembre 2000 " et que " les ouvrages réalisés doivent dès lors être regardés comme des équipements propres au lotissement au sens des dispositions précitées de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme " ; qu'il en résulte que les premiers juges ont suffisamment répondu à ce moyen ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement ne peut qu'être écarté ;
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de l'autorisation de lotir délivrée à la société Socoprem, l'autorité qui délivre une telle autorisation exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés ; que ces obligations s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le programme des travaux annexé à l'arrêté du 26 décembre 2000 par lequel le maire de la commune de Saint-Lunaire a autorisé la société Socoprem à lotir prévoit, en son article 8, la construction d'un réseau d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales sous l'emprise d'un terrain constituant l'extension du cimetière, appartenant à la commune, laquelle avait consenti à la constitution d'une servitude au profit du lotisseur, vers un réseau à réaliser courant 2001 par le syndicat intercommunal d'assainissement, sous la rue des Douets s'agissant des eaux usées, et à destination d'un réseau préexistant sur le terrain d'assiette du cimetière en ce qui concerne les eaux pluviales ; que les travaux
d'" extension de réseau et travaux d'assainissement complémentaires et nécessaires à la viabilisation du lotissement " facturés par l'entreprise Boscolo le 31 janvier 2001 et mis à la charge de la société Socoprem portent sur la réalisation des réseaux intérieurs d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales du lotissement et sur leur raccordement aux réseaux publics existants ; que le plan de récolement fourni par l'entreprise Boscolo et l'attestation du cabinet Bourges-Gaudry du 31 mai 2012, présentée en appel par la société requérante, démontrent que les canalisations réalisées sont à usage exclusif du lotissement ; que, dans ces conditions, ces travaux ont été effectués uniquement en vue de répondre aux besoins nouvellement créés par le lotissement autorisé, et permettent de rendre constructible le terrain destiné à être loti ; que, contrairement à ce qu'affirme la société Socoprem, la délibération du syndicat intercommunal d'assainissement de Saint-Briac - Saint-Lunaire du 25 septembre 2000 porte uniquement sur l'extension du réseau public d'assainissement pour sa partie comprise entre la rue du Marais et le lavoir ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette extension a été mise à la charge de la société Socoprem ; qu'alors même que les canalisations traversent des terrains appartenant à la commune de Saint-Lunaire, les réseaux d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales réalisés présentent le caractère d'un équipement propre au lotissement de la société Socoprem au sens des dispositions de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ; que, par suite, cette société n'est pas fondée à soutenir que la commune de Saint-Lunaire a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne prenant pas en charge la réalisation de ces équipements ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les exceptions de prescriptions soulevées par la commune de Saint-Lunaire, que la société Socoprem n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Lunaire, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par la société Socoprem au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Socoprem le versement à la commune de Saint-Lunaire d'une somme de 1 500 euros au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête la société Socoprem est rejetée.
Article 2 : La société Socoprem versera à la commune de Saint-Lunaire une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société de construction et de promotion Eric Mélois (Socoprem) et à la commune de Saint-Lunaire.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2014.
Le rapporteur,
M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,
B. ISELIN
Le greffier,
F. PERSEHAYE
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N° 12NT01029