Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Breuillot, avocat au barreau de Carpentras ; M. B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1111796 du 19 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a déclaré sa demande de naturalisation irrecevable et la décision du 11 août 2011 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
il soutient que :
- la seule circonstance que son épouse réside à l'étranger ne saurait faire obstacle à ce
qu'il soit reconnu comme ayant sa résidence en France au sens des dispositions de l'article 21-16 du code civil ;
- il a fixé en France le centre de ses intérêts, il y réside de manière stable et continue depuis 1972, ses enfants et petits enfants ont la nationalité française, il a travaillé pendant de nombreuses années avant d'être reconnu travailleur handicapé à la suite d'un accident de travail ;
- si son épouse réside toujours en Tunisie depuis leur mariage intervenu le 7 septembre 2005, cette situation est indépendante de sa volonté ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- si le requérant justifie d'une longue présence en France, il est revenu dans son pays d'origine pour y contracter une union, en 2005, avec une compatriote qui continue à résider de manière permanente en Tunisie ; il ne rapporte pas la preuve d'avoir engagé une procédure de regroupement familial ;
- l'intéressé, en gardant sur le plan familial des liens forts avec son pays d'origine, ne pouvait être regardé comme ayant fixé en 2011 le centre de ses intérêts en France ;
Vu la décision du 30 septembre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2014 :
- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;
1. Considérant que M. B..., de nationalité tunisienne, interjette appel du jugement du 19 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a déclaré sa demande de naturalisation irrecevable ainsi que de la décision du 11 août 2011 rejetant son recours gracieux ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-16 du code civil : " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n'est pas recevable lorsque l'intéressé n'a pas fixé en France de manière stable le centre de ses intérêts ; que, pour apprécier si cette dernière condition est remplie, l'administration peut notamment se fonder, sous le contrôle du juge, sur la durée de la présence du demandeur sur le territoire français, sur sa situation familiale et sur le caractère suffisant et durable des ressources qui lui permettent de demeurer en France ;
3. Considérant que pour déclarer irrecevable la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. B..., le ministre chargé des naturalisations a, sur le fondement de l'article 21-16 du code civil, estimé que le postulant ne peut être regardé comme ayant fixé en France, de manière stable, le centre de ses intérêts matériels et de ses attaches familiales, dès lors que son épouse réside à l'étranger ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté, que M. B..., qui est entré en France en 1972, s'est marié en 2005 en Tunisie avec une compatriote, qui résidait toujours, à la date des décisions litigieuses, dans son pays d'origine ; qu'il n'établit pas avoir engagé une procédure de regroupement familial au profit de son épouse ; que s'il soutient par ailleurs qu'il travaille depuis de nombreuses années, il ressort des pièces du dossier qu'il a connu de longues périodes de chômage et est bénéficiaire de l'allocation pour adulte handicapé ; que dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté de son séjour sur le territoire et de la présence en France de ses enfants, nés d'une union précédente, qui ont acquis la nationalité française, et de son intégration dans la société française, le ministre a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que M. B... ne pouvait être regardé comme ayant en France le centre de ses intérêts matériels et familiaux au sens des dispositions précitées et constater l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, une somme à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2014.
Le président-assesseur,
J.-F. MILLET
Le président-rapporteur,
B. ISELINLe greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 13NT02056