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18/04/2014 | FRANCE | N°13NT00518

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 avril 2014, 13NT00518


Vu l'arrêt du 25 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel a, avant dire droit sur les recours du ministre de l'intérieur, enregistrés le 18 février 2013, tendant :

1°) à l'annulation des jugements n° 1105374 et n° 1105375 du 18 décembre 2012 par lesquels le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C... Yildiz et de Mme D... A... épouse Yildiz, les décisions du 12 mai 2011 par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté leurs demandes de naturalisation ;

2°)

au rejet des demandes présentées par M. Yildiz et Mme Yildiz devant le tribu...

Vu l'arrêt du 25 octobre 2013 par lequel la cour administrative d'appel a, avant dire droit sur les recours du ministre de l'intérieur, enregistrés le 18 février 2013, tendant :

1°) à l'annulation des jugements n° 1105374 et n° 1105375 du 18 décembre 2012 par lesquels le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C... Yildiz et de Mme D... A... épouse Yildiz, les décisions du 12 mai 2011 par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté leurs demandes de naturalisation ;

2°) au rejet des demandes présentées par M. Yildiz et Mme Yildiz devant le tribunal administratif de Nantes,

ordonné au ministre de l'intérieur de produire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, les éléments qui peuvent être versés au dossier dans le respect des exigences liées à la sécurité nationale, lui permettant de se prononcer sur le bien-fondé du motif retenu à... ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 février 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui maintient les conclusions de ses recours ;

il soutient que :

- les documents demandés, notamment le procès-verbal du 19 décembre 2008, ne sont pas communicables car leur versement serait de nature à porter atteinte à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes au sens du d) 2° de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- seul M. Yildiz a déposé une demande d'asile, qui a été refusée par décision de l'OFPRA en 1988, confirmée sur recours de l'intéressé en 1990 ; son épouse l'a rejoint en 1991 par la voie du regroupement familial ;

- si la cour considérait qu'il ne pouvait rejeter la demande de naturalisation des époux Yildizen raison de leur militantisme passé dans un parti extrémiste prônant la lutte armée, il demande de substituer un autre motif tiré des faits de violences graves commis par M. Yildiz en 1986 et 1987 envers sa première épouse ;

Vu l'ordonnance en date du 3 février 2014 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu les mémoires, enregistrés le 10 mars 2014, présentés pour M. et Mme Yildiz, qui maintiennent leurs précédentes écritures ;

ils soutiennent que :

- les informations du fichier de l'OFPRA sont erronées, car M. Yildiz a été admis au statut de réfugié le 30 octobre 1984 et il a volontairement renoncé à ce statut en janvier 1988 ;

- s'il a été entendu comme témoin dans une enquête policière en 1998 et cité dans une procédure pour " port illégal d'arme " en 1988, ces circonstances ne peuvent aucunement être interprétées comme l'indice d'un militantisme quelconque ;

- il conteste les faits de violence invoqués contre lui, qui n'ont fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire et remontent à vingt-quatre ans avant la décision ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mars 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui maintient ses conclusions précédentes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2014 :

- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de MeE..., représentant M. et Mme Yildiz ;

1. Considérant que les recours susvisés n° 13NT00518 et n° 13NT00519, présentés par le ministre de l'intérieur, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que par jugements du 18 décembre 2012, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. et Mme Yildiz, de nationalité turque, les décisions du 12 mai 2011 par lesquelles le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté les demandes de naturalisation présentées par les intéressés ; que le ministre de l'intérieur interjette appel de ces jugements ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 49 alors applicable du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des notes du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du 12 avril 2000 et du 20 novembre 2009, que M. et Mme Yildiz ont milité dans le passé au sein du DHKP/C, anciennement dénommé Devrimci Sol, ou Front/Parti révolutionnaire populaire de libération, reconnu en tant que groupe impliqué dans des actes de terrorisme par le Conseil de l'Union européenne ; que si les requérants contestent ces énonciations, ils n'apportent aucun élément sérieux de nature à en remettre en cause le bien-fondé ; que les seules circonstances qu'ils se seraient rendus à plusieurs reprises en Turquie, pour des motifs d'ailleurs non précisés, et que M. Yildiz aurait volontairement renoncé en 1988 au statut de réfugié qui lui avait été accordé en 1984, ne sauraient davantage remettre en cause la réalité des faits passés qui leur sont reprochés ; que dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu de procéder à la substitution de motifs concernant uniquement M. Yildiz, présentée à titre subsidiaire par le ministre, et tirée de ce que l'intéressé a commis des violences graves à l'encontre de sa première épouse, le ministre, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour accorder la naturalisation, a pu sans commettre d'erreur de fait ni d'erreur manifeste, rejeter les demandes de M. et Mme Yildiz en raison du doute existant sur le loyalisme des intéressés envers la France eu égard à leur engagement passé au sein d'une organisation terroriste ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur

la régularité du jugement, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nantes a annulé ses décisions du 12 mai 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme sollicitée par M. et Mme Yildiz au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Nantes du 18 décembre 2012 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme Yildiz devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que leurs conclusions présentées en appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... A... épouse Yildiz et à M. C... B.l'appui des décisions du 12 mai 2011, et en particulier les extraits du procès-verbal du 19 décembre 2008 ainsi que les éléments justifiant la note du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du 20 novembre 2009, et les décisions accordant aux époux Yildiz le statut de réfugié

Délibéré après l'audience du 28 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2014.

Le président-assesseur,

J.-F. MILLET

Le président-rapporteur,

B. ISELINLe greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 13NT00518, 13NT00519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00518
Date de la décision : 18/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Bernard ISELIN
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : BIJU-DUVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-18;13nt00518 ?
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