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10/04/2014 | FRANCE | N°13NT01028

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 avril 2014, 13NT01028


Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2013, présentée pour M. B... C..., demeurant..., par Me Landry, avocat au barreau du Mans ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 13-0785 du 8 février 2013 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté comme étant irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2012 du recteur de l'académie de Nantes refusant de faire droit à sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge et l'admettant à la retraite pour limite d'âge ;

2°) d'annul

er cette décision ainsi que l'arrêté du 6 décembre 2012 du recteur de l'académie ...

Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2013, présentée pour M. B... C..., demeurant..., par Me Landry, avocat au barreau du Mans ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 13-0785 du 8 février 2013 par laquelle le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté comme étant irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2012 du recteur de l'académie de Nantes refusant de faire droit à sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge et l'admettant à la retraite pour limite d'âge ;

2°) d'annuler cette décision ainsi que l'arrêté du 6 décembre 2012 du recteur de l'académie de Nantes l'admettant à la retraite pour limite d'âge à compter du 10 septembre 2013 ;

3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Nantes de le maintenir en activité du 10 mars 2013 au 10 septembre 2015 inclus avec un maintien en fonction jusqu'au 31 juillet suivant, ou, à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient :

- que sa demande de première instance était bien accompagnée d'un timbre fiscal dématérialisé en application de l'article 1635 Q du code général des impôts ; que c'est le greffe du tribunal administratif de Nantes qui n'a pas veillé au contenu de sa demande ; qu'à ce titre, le greffe de cette juridiction ne lui a pas accusé-réception du dépôt de sa requête ; que les dispositions de l'article R. 411-2 du code de justice administrative instituent une irrecevabilité des requêtes non accompagnées de la contribution pour l'aide juridique qui n'est pas prévue par l'article 1635 Q du code général des impôts ; que cet ajout par voie réglementaire est contraire à l'article 34 de la Constitution et empiète sur le domaine de la loi ; que la requête de première instance pouvait être régularisée à tout moment de l'instance ; que l'absence d'obligation d'inviter le requérant à régulariser sa requête lorsqu'elle est présentée par un avocat est contraire au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que cette différence de traitement est également contraire aux articles 14 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, au respect des droits de la défense, à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le président du tribunal administratif ne pouvait rejeter la requête sans lui communiquer le moyen d'ordre public qu'il envisageait de soulever comme le prévoit l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que la notification de l'ordonnance au-delà du délai de régularisation est déloyale ;

- que le signataire de la décision contestée ne disposait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ; que la décision du 6 décembre 2012 n'est pas suffisamment motivée ;

- qu'il disposait des aptitudes physiques nécessaires à son maintien en activité ; qu'ainsi, la décision contestée est entachée d'une erreur de faits ; que le but de cette décision étant de l'évincer du service, le détournement de pouvoir est établi ; que l'intérêt du service consistait à le maintenir en poste ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 mars 2014, présenté par le ministre de l'éducation nationale qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir :

- que le bordereau des pièces jointes à la demande de première instance ne fait mention d'aucun justificatif d'achat d'un timbre fiscal dématérialisé ; que l'ordonnance attaquée est intervenue après expiration du délai de recours permettant au requérant de régulariser sa requête ; que la circonstance que cette irrégularité puisse être couverte en cours d'instance ne fait pas obstacle à ce qu'une requête introduite par un avocat pour laquelle la contribution pour l'aide juridique n'a pas été acquittée soit regardée comme entachée d'une irrégularité manifeste et rejetée pour ce motif sans invitation à régulariser ; que la circonstance que le greffe n'ait pas accusé-réception de sa requête au requérant n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie devant les premiers juges ; que les moyens tirés de l'illégalité et de l'inconventionnalité de l'article R. 411-2 du code de justice administrative ne sont pas fondés ;

- que la décision contestée a été prise par une autorité bénéficiant d'une délégation de signature régulièrement publiée et qu'elle est suffisamment motivée ;

- que l'intérêt du service a motivé le refus opposé au requérant dès lors que celui-ci n'était plus en mesure d'assurer son service d'enseignement dans des conditions normales ; que le poste de laborantin qui lui a été confié pour lui permettre d'atteindre l'âge de la retraite, lui a été attribué en raison de son inaptitude à dispenser un enseignement de qualité ; qu'ainsi, la décision n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ; que M. C... ne disposait d'aucun droit à prolonger son activité au-delà de la limite d'âge ;

- que le détournement de pouvoir n'est pas établi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, et notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses premier et douzième protocoles additionnels ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le décret n° 76-899 du 29 septembre 1976 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2014 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller,

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Landry, avocat de M. C... ;

1. Considérant que, par deux décisions du 6 décembre 2012, le recteur de l'académie de Nantes a refusé de faire droit à la demande de M. C... de prolonger son activité au-delà de la limite d'âge de 65 ans et l'a admis à la retraite pour limite d'âge à compter du 10 mars 2013 ; que par une demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 28 janvier 2013 par Me Landry, M. C... a demandé l'annulation de ces décisions ; que le 8 février 2013, le président de ce tribunal a rejeté cette demande par ordonnance, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif que, faute que la contribution pour l'aide juridique ait été acquittée, la demande de M. C... était manifestement irrecevable ; que M. C... relève appel de cette ordonnance ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1635 bis Q du code général des impôts : " I. - Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l'aide juridique de 35 euros est perçue par instance (...) introduite devant une juridiction administrative. / II. - La contribution pour l'aide juridique est exigible lors de l'introduction de l'instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance. (...) / V. - Lorsque l'instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique. / Lorsque l'instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique. / Les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution pour l'aide juridique sont fixées par voie réglementaire. (...) / VII. - Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article, notamment ses conditions d'application aux instances introduites par les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. " ; qu'aux termes de l'article R. 411-2 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable : " Lorsque la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts est due et n'a pas été acquittée, la requête est irrecevable. / Cette irrecevabilité est susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours (...) / Par exception au premier alinéa de l'article R. 612-1, la juridiction peut rejeter d'office une requête entachée d'une telle irrecevabilité sans demande de régularisation préalable, lorsque l'obligation d'acquitter la contribution ou, à défaut, de justifier du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est mentionnée dans la notification de la décision attaquée ou lorsque la requête est introduite par un avocat " ; que, l'article R. 222-1 du même code dispose que : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que si M. C... soutient que sa demande de première instance était accompagnée d'un justificatif d'achat d'un timbre dématérialisé attestant de l'acquittement de la contribution pour l'aide juridique, l'inventaire des pièces de première instance ne fait pas état d'un tel justificatif qui n'est d'ailleurs pas présent dans le dossier soumis à la cour ; qu'en fournissant, en appel, cinq justificatifs d'acquittements de timbres dématérialisés achetés le 24 décembre 2012, sans préciser d'ailleurs lequel aurait été acquitté pour l'instance engagée pour M. C..., celui-ci ne démontre pas qu'il aurait rempli l'obligation qui lui était faite par les dispositions précitées de l'article 1635 bis Q du code général des impôts ; que si le requérant fait enfin valoir que le greffe du tribunal administratif ne lui a pas accusé-réception du dépôt de sa demande, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'ordonnance prise sans invitation à régulariser une demande manifestement irrecevable ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si M. C... soutient que les dispositions de l'article R. 411-2 du code de justice administrative instituent une irrecevabilité qui n'est pas prévue par l'article 1635 Q du code général des impôts et que cet ajout, par voie réglementaire, est contraire à l'article 34 de la Constitution, il résulte des termes mêmes de l'article 1635 Q du code général des impôts que le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de tirer les conséquences sur l'instance du défaut de paiement de la contribution pour l'aide juridique ; que, par conséquent, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 411-2 du code de justice administrative empièteraient sur le domaine de la loi ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si M. C... soutient que le défaut d'acquittement de la contribution pouvait être régularisé à tout moment de l'instance et que sa demande ne pouvait être ainsi rejetée ; qu'il résulte toutefois des dispositions de l'article R. 411-2 du code de justice administrative qu'une requête pour laquelle la contribution pour l'aide juridique est due et n'a pas été acquittée est irrecevable et que la juridiction peut la rejeter d'office sans demande de régularisation préalable lorsqu'elle est introduite par un avocat ; que la circonstance que cette irrecevabilité est susceptible d'être couverte en cours d'instance ne fait pas obstacle à ce qu'une requête, introduite par un avocat et pour laquelle la contribution n'a pas été acquittée, soit regardée comme entachée d'une irrecevabilité manifeste ; que, par suite, le président du tribunal administratif de Nantes pouvait rejeter la demande à tout moment, par ordonnance, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'il n'était pas davantage tenu, pour les mêmes motifs, d'inviter l'auteur de la demande à la régulariser ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que la faculté pour le juge, mentionnée au point 6, de rejeter d'office, sans invitation à régulariser et avant l'expiration du délai de recours, les requêtes pour lesquelles la contribution à l'aide juridique n'a pas été acquittée qui ont été introduites par un avocat, professionnel du droit offrant des garanties de compétence et à même d'accomplir les diligences propres à assurer leur recevabilité, ne méconnaît ni le droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par celles de l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 26 du même pacte et par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors que les requérants qui ont recours à un avocat sont placés dans une situation différente par rapport à ceux qui ne recourent pas à une telle assistance ;

7. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions des articles R. 122-12, R. 222-1, R. 611-8 ou L. 822-1. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le président du tribunal administratif de Nantes n'était pas tenu, dès lors qu'il a fait application des dispositions du 4 ° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, d'informer les parties de ce qu'il envisageait de fonder sa décision sur les pouvoirs propres qu'il tire de son office ; qu'au demeurant, le président qui s'est prononcé sur la recevabilité de la demande, n'ayant pas statué sur le fond du litige, ne s'est fondé sur aucun moyen relevé d'office ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et au recteur de l'académie de Nantes.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2014 à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- Mme Specht, premier conseiller,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 10 avril 2014.

Le rapporteur,

F. LEMOINELe président,

O. COIFFET

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT01028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01028
Date de la décision : 10/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : LANDRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-10;13nt01028 ?
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