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10/04/2014 | FRANCE | N°12NT02398

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 avril 2014, 12NT02398


Vu la requête sommaire, le mémoire en production de pièce et le mémoire ampliatif, respectivement enregistrés les 23 août, 18 septembre et 10 octobre 2012, présentés pour M. B... A..., demeurant..., par Me Desdoits, avocat au barreau d'Argentan ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-1719 du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale pratiquée le 18 mai 1993 au centre hospitalier d'Avranches-Granville ;

2°) de condamner le ce

ntre hospitalier d'Avranches-Granville, après avoir ordonné une expertise co...

Vu la requête sommaire, le mémoire en production de pièce et le mémoire ampliatif, respectivement enregistrés les 23 août, 18 septembre et 10 octobre 2012, présentés pour M. B... A..., demeurant..., par Me Desdoits, avocat au barreau d'Argentan ; M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 11-1719 du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale pratiquée le 18 mai 1993 au centre hospitalier d'Avranches-Granville ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Avranches-Granville, après avoir ordonné une expertise complémentaire, à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de cette intervention ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Avranches-Granville la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- il résulte de la note technique établie par l'expert consulté par lui à titre privé que le rapport du 26 mars 2002 du professeur C..., expert désigné par le tribunal de grande instance d'Argentan, est entaché de contradiction ; sa pathologie initiale n'était pas établie et l'intervention chirurgicale réalisée par le docteur D... le 18 mai 1993, qui a entraîné notamment la rupture d'une vis du matériel posé, ainsi que les séquelles dont il reste aujourd'hui atteint, n'aurait pas dû être retenue à... ; compte tenu des discordances relevées dans le rapport d'expertise, une nouvelle expertise doit être ordonnée ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité du centre hospitalier d'Avranches-Granville est

engagée du fait de la mauvaise manipulation effectuée par le docteur D... lors de la pose du matériel d'arthrodèse, qui s'est brisé peu après l'intervention ;

- les circonstances troublantes de la remise, après l'opération du 7 juillet 1994, d'un matériel différent de celui qui a été effectivement retiré révèlent une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Avranches ;

- son préjudice doit être évalué à 500 000 euros, tous postes confondus ; une expertise complémentaire doit être ordonnée afin de procéder à une évaluation précise des différents préjudices subis ;

- une expertise est également nécessaire pour connaître les conditions du bris du matériel posé par le docteur D... et les conditions de remise de ce matériel ; sur ce point le rapport d'expertise remis le 26 mars 2002 est incomplet et ne lui permet pas de faire valoir ses droits ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la lettre, enregistrée le 25 octobre 2012, présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne, qui demande à la cour d'être informée du complément d'expertise qui pourrait être ordonné et qui se réserve la possibilité de présenter des conclusions par ministère d'avocat après le dépôt de ce rapport ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2013, présenté pour le centre hospitalier d'Avranches-Granville par Me Boizard avocat au barreau de Paris ; le centre hospitalier d'Avranches-Granville conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir que :

- la requête sommaire, non motivée, qui a été suivie d'un mémoire ampliatif présenté hors du délai d'appel, est irrecevable ;

- aucune faute ne peut être reprochée au docteur D..., dans l'indication ou la réalisation de l'intervention réalisée le 18 mai 1993, ainsi que l'a indiqué le professeur C..., expert judiciaire ; l'origine du bris du matériel est identifiée et a pour cause l'évolution de la pathologie elle-même ; le montage du matériel avait été réalisé conformément aux règles de l'art ;

- les différentes affirmations de M. A... relatives au matériel d'arthrodèse qui lui aurait été remis par le centre hospitalier ne sont pas établies ;

- les dommages subis par M. A... ne sont que le résultat de l'évolution de sa pathologie ; aucune relation de causalité n'existe avec l'intervention litigieuse ;

Vu la lettre, enregistrée le 3 mars 2014, présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de Basse Normandie pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne qui informe la cour que compte tenu de l'ancienneté des soins en cause, elle n'est pas en mesure de présenter l'état de ses débours ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2014 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Boizard, avocat du centre hospitalier d'Avranches-Granville ;

1. Considérant que M. A..., victime le 8 mars 1991 sur son lieu de travail d'une chute qui a occasionné une contusion du rachis sans lésion osseuse, a subi une première intervention chirurgicale le 10 juillet 1992 dans un centre hospitalier à Caen pour une discectomie percutanée sur les vertèbres lombaires L4 et L5, destinée à remédier aux douleurs persistantes dont il se plaignait ; qu'en l'absence de résultat favorable, une deuxième intervention a été réalisée le 18 mai 1993 au centre hospitalier d'Avranches-Granville en vue de la pose d'une arthrodèse ; que, cette intervention ayant échoué, une troisième intervention chirurgicale a eu lieu le 7 juillet 1994 dans le même centre hospitalier pour l'ablation du matériel d'arthrodèse ; qu'une quatrième et ultime intervention chirurgicale a été pratiquée le 12 décembre 1995 au centre hospitalier universitaire de Rennes pour la pose d'une nouvelle arthrodèse ; que M. A..., qui n'a jamais repris son activité professionnelle, recherche la responsabilité du centre hospitalier d'Avranches-Granville pour l'indemniser des séquelles dont il reste atteint et qu'il impute à une faute commise lors de l'intervention du 18 mai 1993 ; que, sur sa demande, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Argentan a, par une ordonnance du 29 novembre 2001, désigné comme expert le professeur C..., chef du service d'orthopédie de l'hôpital St Antoine à Paris, afin de déterminer l'origine et la cause des séquelles constatées ; que cet expert a remis son rapport le 26 mars 2002 ; que M. A... a présenté le 28 mars 2011 au centre hospitalier d'Avranches-Granville une demande d'indemnisation de ses préjudices qui a été rejetée par une décision expresse du 15 juin 2011 ; qu'il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté les conclusions indemnitaires dirigées par lui contre cet établissement ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Avranches-Granville :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, contrairement à ce que soutient M. A..., l'intervention de pose d'une arthrodèse sur les vertèbres L4 L5 et S1 réalisée le 18 mai 1993 par le docteur D... au centre hospitalier d'Avranches-Granville était justifiée compte tenu de l'absence de résultats de l'intervention initiale de discectomie percutanée, ou nucléotomie transcutanée, réalisée le 10 juillet 1992 par un autre médecin ; que c'est sans contradiction que l'expert a relevé que cette intervention initiale avait été réalisée sur un disque intervertébral où aucune compression radiculaire d'origine discale n'était prouvée mais que, devant le mauvais résultat constaté de cette intervention, l'arthrodèse réalisée le 18 mai 1993 était justifiée ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d'indication thérapeutique de l'intervention contestée du 18 mai 1993 doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que les radiographies réalisées en avril 1994 ont fait apparaître une rupture du filetage proximal de la vis pédiculaire située au plus près de la vertèbre L5 à droite, dont la cause la plus probable selon l'expert est l'absence de stabilisation osseuse, ce dernier précisant qu'aucun matériel d'ostéosynthèse ne peut résister à terme si le relais n'est pas assuré par une consolidation osseuse ; que l'expert précise par ailleurs que l'arthrodèse réalisée le 18 mai 1993 était conforme aux règles de l'art, aucune faute n'étant imputable au praticien, et que l'état de santé actuel de M. A... est, en définitive, le résultat de la combinaison de sa pathologie avec les différentes interventions chirurgicales réalisées ;

4. Considérant, enfin, que si M. A... soutient qu'une faute aurait été également commise par les services du centre hospitalier en ce qu'ils lui auraient remis, sur sa demande et après son extraction lors de l'intervention du 7 juillet 1994, un matériel d'arthrodèse différent de celui effectivement extrait, le privant ainsi de l'examen de ce matériel, une telle permutation, au demeurant non établie, est en tout état de cause sans lien avec le préjudice allégué par l'intéressé ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de lien de causalité entre l'intervention contestée du 18 mai 1993 et les dommages invoqués par le requérant, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise complémentaire demandée, aucune faute ne peut être retenue à... ; que M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Avranches-Granville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement au centre hospitalier d'Avranches-Granville de la somme de 1 000 euros au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au centre hospitalier d'Avranches-Granville la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Orne et au centre hospitalier d'Avranches-Granville.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 avril 2014.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02398
Date de la décision : 10/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : DESDOITS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-10;12nt02398 ?
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