Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2010, présentée pour l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), dont le siège est 12 rue Henri
Rol-Tanguy à Montreuil-sous-Bois Cedex (93555), représenté par son directeur en exercice, par Me Pigassou, avocat au barreau de Paris ; FranceAgriMer, qui vient aux droits de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture venant lui-même aux droits de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR), demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-1022 du 25 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de recette n° 92/2005 et n° 93/2005 émis le 20 juin 2005 par l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR) à l'encontre de la société coopérative agricole Savéol, venant aux droits de la société La Presqu'île à raison de sa fusion-absorption, pour des montants de respectivement 269 085 euros correspondants au montant de l'aide irrégulièrement perçue par cette société et de 53 817 euros correspondants à la majoration de 20 % prévu par le règlement (CE) n° 609/2001 de la Commission du 3 mars 1997 ;
2°) de rejeter la demande de la société Savéol ;
3°) de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient :
- que le jugement attaqué repose sur une analyse erronée de l'article 2 paragraphe 4 du règlement n° 4045/89 du conseil du 21 décembre 1989 en ce qu'il aurait institué au profit des bénéficiaires d'aides une prescription de deux ans maximum ; que l'annulation prononcée est fondée sur la notion d'une prescription des contrôles distincte de la prescription des irrégularités, qui repose sur une logique inexpliquée ; que c'est la prescription des irrégularités qui entraîne mécaniquement celle des contrôles ; que la prescription des irrégularités est instituée par l'article 3 du règlement postérieur n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995, qui prévoit un délai de prescription de quatre ans, règlement qui ne saurait être regardé comme implicitement abrogé par l'article 2 paragraphe 4 du règlement n° 4045/89 du conseil du 21 décembre 1989 qui, au demeurant, n'utilise à aucun moment le terme de prescription ; qu'en outre, l'application même de la prescription des contrats ne permet pas de constater une prescription du contrôle en cause ;
- que l'interprétation de l'article 2 paragraphe 4 du règlement (CEE) n° 4045/89 ne correspond ni à la lettre ni à l'objet du texte ; qu'en exigeant que la faculté qui est donnée aux Etats d'étendre la période de vérification à celle précédant ou suivant la période de douze mois soit prévue par une disposition législative ou règlementaire spécifique et postérieure au règlement le tribunal ajoute clairement au texte, lequel s'inscrit dans le cadre des obligations de contrôles qui incombent aux Etats membres compte tenu de leurs dispositions nationales existantes ; que le règlement litigieux se réfère à ces dispositions ; qu'aucune disposition nationale ne limite la période de contrôle des organismes chargés du contrôle ;
- que l'interprétation ainsi retenue de ces dispositions méconnait les décisions rendues par la Cour de justice des communautés européennes le 29 janvier 2009 et par le Conseil d'Etat le 27 juillet 2009 à propos de l'article 3 du règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ; que ces deux règlements utilisent, en effet, la même articulation entre le droit national et le droit communautaire et portent sur le même objet ; qu'il n'existe aucune raison pour que l'article 2 paragraphe 4 du règlement litigieux soit interprété de façon telle que l'extension par un Etat membre des périodes de contrôles soit subordonnée à l'adoption de dispositions nationales, postérieures et spécifiques ; que les dispositions litigieuses n'édictent pas, à l'égard des bénéficiaires des aides, une prescription des contrôles qui dérogerait à la prescription des irrégularités ;
- qu'il y a lieu le cas échéant de saisir de cette question la Cour de justice de l'Union Européenne par la voie de la question préjudicielle ;
- que, contrairement à ce que soutenait la société Savéol devant le tribunal administratif, l'ACOFA (agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole) était compétente pour procéder aux contrôles qui sont à l'origine du présent litige ;
- que les agents de l'ACOFA sont assermentés et que les conditions de leur nomination sont sans incidence sur la légalité des titres de recettes litigieux ;
- que la commission interministérielle de coordination des contrôles est seulement informée des résultats des contrôles effectués par l'ACOFA et que sa consultation est facultative, de sorte que ni la régularité de sa composition ni l'absence de caractère contradictoire d'une supposée procédure devant cette commission ne peuvent avoir d'incidence sur la régularité des titres de recettes concernés ;
- qu'en sa qualité d'organisation de producteurs la société Savéol est redevable pour le compte de ses adhérents du reversement de toutes les aides indues ;
- qu'en ce qui concerne les irrégularités relatives à l'action 3.4 du programme opérationnel, la société Savéol ne conteste pas leur matérialité ; que la circonstance que l'aide a été accordée ne fait pas obstacle à la réalisation d'un contrôle a posteriori et que l'obligation de reversement en cas d'irrégularité n'est pas contraire au principe de confiance légitime ;
- que seuls les coûts salariaux afférents aux trois salariés venus renforcer le personnel commercial pouvaient être intégrés dans les frais pris en charge au titre de l'action 4.2 ;
- qu'en l'absence de pièces justificatives, et en particulier de fiches horaires, les dépenses se rapportant aux personnels qualifiés affectés à l'agréage et au contrôle de qualité des tomates, concombres et fraises ne pouvaient être prises en compte au titre de l'action 2.5 ;
- que c'est à seule fin d'appliquer des majorations plus douces qu'il a été appliqué aux aides à reverser la pénalité de 20 % prévue par le règlement CE n°609/2001 de la Commission du 28 mars 2001 au lieu de la pénalité de 200 % applicable à l'espèce ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 décembre 2010, présenté pour la société coopérative agricole Savéol par Me Néouze, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle fait valoir :
- que le moyen tiré de ce que la prescription des contrôles retenue par le jugement attaqué aurait pour effet d'écarter la prescription des irrégularités ne peut qu'être écarté, les règlements en cause étant au demeurant distincts ;
- que l'interprétation discutable qui est faite d'un jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg ne permet pas de considérer que le contrôle litigieux aurait été accompli dans les délais prescrits par le règlement n° 4045/89 ;
- qu'il ne peut être sérieusement soutenu que l'absence de disposition nationale prévoyant une limitation ou une extension des périodes de contrôle aurait pour conséquence l'absence de limitation des contrôles ; qu'au contraire, l'effet utile du règlement suppose que la faculté d'y déroger qu'il laisse aux Etats membres en leur permettant d'étendre les contrôles soit mise en oeuvre par ces derniers de façon volontaire et spécifique ; que l'interprétation développée par FranceAgriMer a toujours été rejetée par les juridictions saisies de cette question ;
- que les arrêts invoqués, qui concernent l'application du règlement communautaire n° 2988/95 du conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des communautés européennes et non le règlement n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif aux contrôles par les Etats membres des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole " section garantie ", ne revêtent aucune pertinence dans le cadre du présent litige ; que ces arrêts ne se prononcent ni sur le mode de calcul de la période de contrôle, ni sur la compatibilité entre l'article 2 du règlement n°4045/89 et l'article 3 du règlement n° 2988/95 ;
- que le fonctionnaire de l'ACOFA qui a procédé à l'inspection litigieuse n'avait pas été régulièrement nommé ;
- que la demande de reversement a pour fondement l'avis de la commission
interministérielle de coordination des contrôles ; que cette commission était irrégulièrement composée, et que les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 n'ont pas été respectées devant elle ;
- qu'elle ne pouvait être le seul destinataire des titres de recettes car elle n'était pas le bénéficiaire final des aides communautaires ;
- que l'achat de bourdons pollinisateurs relevait des aides prévues au titre de l'action 3.4 " lutte intégrée " ; que d'ailleurs ces dépenses avaient été antérieurement admises par l'organisme de contrôle et que le revirement opéré par la DDAF est contraire au principe de sécurité juridique ;
- que, de même, en ce qui concerne l'action 4.2, la totalité des coûts salariaux avait été admise comme éligible au titre des années antérieures ;
- qu'en ce qui concerne l'action 2.5, l'organisme de contrôle a irrégulièrement appliqué un texte de 2001 à un programme opérationnel de 1998 ; qu'en outre il lui appartient d'établir que les personnels déclarés n'étaient pas qualifiés ;
- que les pénalités appliquées trouvent leur fondement dans un texte qui n'était pas entré en vigueur à la date des faits ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 avril 2012, présenté pour FranceAgriMer qui informe la cour que par plusieurs décisions du 28 décembre 2011, le Conseil d'Etat a décidé de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en interprétation de l'article 2 paragraphe 4 du règlement (CEE) n° 4045/89 et précise qu'un nouveau mémoire sera déposé à la suite de l'arrêt à intervenir ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 avril 2012, présenté pour la société coopérative agricole Savéol qui indique à la cour qu'elle déposera également un nouveau mémoire à la suite de l'intervention de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 novembre 2013, présenté pour FranceAgriMer qui tend aux mêmes fins que sa requête et porte à 2 500 euros la somme à verser par la société Savéol au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il invoque les mêmes moyens et soutient, en outre, que le Conseil d'Etat a, par des décisions du 28 novembre 2011, rappelé qu'un texte national spécifique législatif ou réglementaire n'était pas nécessaire pour permettre à l'administration d'étendre les périodes de contrôle, et en particulier de faire porter son contrôle sur les documents commerciaux d'une période plus étendue que la période minimale définie par le paragraphe 4 de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 ; que cette position a été confirmée par la Cour de justice de l'Union Européenne dans un arrêt du 13 juin 2013 qui réaffirme que l'autorité de contrôle est habilitée par ce règlement lui-même à étendre la période contrôlée tant en amont qu'en aval sans qu'elle doive pour autant s'appuyer sur une législation nationale prévoyant une telle faculté ; que, dans le même arrêt, la Cour de justice de l'Union Européenne réaffirme le principe selon lequel les dispositions relatives à l'organisation des contrôles ne créent pas au profit des opérateurs un droit de s'opposer à des contrôles autres ou plus étendus que ceux qui y sont visés ; qu'elle précise également que la seule prescription existante en matière de contrôle est la prescription des poursuites prévue à l'article 3 du règlement n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 et non une prétendue prescription des contrôles ; que le délai de prescription a une durée de quatre ans ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 décembre 2013, présenté pour la société coopérative agricole Savéol qui tend aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2014, présenté pour FranceAgriMer qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre :
- que l'Oniflhor est parfaitement habilité à relever une irrégularité qui n'aurait pas été relevée par l'ACOFA ; que l'absence de publicité des nominations des agents de l'ACOFA ayant procédé aux contrôles, à supposer qu'une telle publicité doive être effectuée, demeure sans incidence dès lors que ces agents sont assermentés dans les conditions prévues aux articles R. 622-47 et R. 621-15 et 16 du code rural ; que leur procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire ;
- que la commission interministérielle de coordination des contrôles ne prend pas de décision :
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) du Conseil n° 4045/89 du 21 décembre 1989 relatif aux contrôles par les Etats membres des opérations faisant partie du système de financement sur le fonds européen d'orientation et de garantie agricole et abrogeant la directive 77/435 ;
Vu le règlement (CE Euratom) du Conseil n° 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers de la Communauté ;
Vu le règlement (CE) du Conseil n° 2200/96 du 28 octobre 1996 relatif aux programmes opérationnels, aux fonds opérationnels et à l'aide financière communautaire des organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes ;
Vu le règlement (CE) du Conseil n° 411/97 du 3 mars 1997 portant modalités d'application du règlement (CE) du Conseil n° 2200/96 en ce qui concerne les programmes opérationnels, les fonds opérationnels et l'aide financière communautaire ;
Vu le règlement (CE) du Conseil n° 609/2001 du 28 mars 2001 ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le décret nº 85-367 du 26 mars 1985 ;
Vu le décret nº 91-157 du 11 février 1991 ;
Vu le décret n° 96-389 du 10 mai 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2014 :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Delattre, substituant Me Néouze, avocat de la société coopérative agricole Savéol ;
1. Considérant que la société La Presqu'île, reconnue en qualité d'organisation de producteurs en vertu du règlement visé ci-dessus 411/97 du Conseil du 3 mars 1997, a déposé le 15 septembre 1998 son programme opérationnel pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2003 ; qu'elle a bénéficié d'une aide communautaire d'un montant de 3 580 336,31 francs au titre de l'année 1999 ; qu'à l'issue d'un contrôle effectué du 9 au 12 avril 2002, réalisé par l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) sur le fondement du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le FEOGA, section " garantie ", le directeur de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (Oniflhor) a émis le 20 juin 2005 à l'encontre de la société Savéol, au sein de laquelle la société La Presqu'île avait fusionné, deux titres de recettes n° 92/2005 et n° 93/2005 pour des montants respectifs de 269 085 euros correspondants au montant de l'aide irrégulièrement perçue par cette société et de 53 817 euros correspondant à la pénalité de 20 % prévue par l'article 15 du règlement (CE) n° 609/2001 du 28 mars 2001 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil du 28 octobre 1996 en ce qui concerne les programmes opérationnels, les fonds opérationnels et l'aide financière communautaire ; que le tribunal administratif de Rennes a, par un jugement du 25 mai 2010, annulé ces titres de perception ; que l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (Viniflhor) lui-même venu aux droits de l'Oniflhor, relève appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif aux contrôles, par les Etats membres, des opérations faisant partie du système de financement par le FEOGA, section garantie, dans sa rédaction issue du règlement (CE) n° 3094/94 du Conseil du 12 décembre 1994 : " 1. Les Etats membres procèdent à des contrôles des documents commerciaux des entreprises (...). / 2. (titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 3) Pour chaque période de contrôle (titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 3), les Etats membres sélectionnent les entreprises à contrôler (titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 3). / Les Etats membres soumettent à la Commission leur proposition relative à l'utilisation de l'analyse des risques. Cette proposition (titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 3) est présentée au plus tard le 1er décembre de l'année précédant le début de la période de contrôle à laquelle elle doit s'appliquer (titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 3). / 4. La période de contrôle se situe entre le 1er juillet et le 30 juin de l'année suivante. / Le contrôle porte sur une période d'au moins douze mois s'achevant au cours de la période de contrôle précédente ; il peut être étendu pour des périodes, à déterminer par l'Etat membre, précédant ou suivant la période de douze mois. " ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : " Les entreprises conservent les documents commerciaux visés à l'article 1er paragraphe 2 et à l'article 3 pendant au moins trois années, à compter de la fin de l'année de leur établissement. / Les Etats membres peuvent prévoir une période plus longue pour la conservation de ces documents. " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'arrêt FranceAgriMer de la Cour de justice de l'Union
européenne du 13 juin 2013, C-671/11 à C-676/11, que les dispositions précitées du second alinéa du paragraphe 4 de l'article 2 du règlement (CE) n° 4045/89 doivent être interprétées en ce sens que, dès lors que cet article ne confère pas aux opérateurs un droit leur permettant de s'opposer à des contrôles autres ou plus étendus que ceux qu'il prévoit, la seule circonstance qu'un contrôle porte uniquement sur une période s'achevant antérieurement à la période de contrôle précédant celle durant laquelle il est effectué n'est pas de nature à rendre ce contrôle irrégulier à l'égard des opérateurs contrôlés ;
4. Considérant qu'il est constant que le contrôle de la société La Presqu'île au titre de l'année civile 1999, qui s'est déroulé du 9 au 12 avril 2002, a été réalisé dans la période du 1er juillet 2001 au 30 juin 2002 ; qu'eu égard à la possibilité offerte en vertu de ce règlement communautaire ainsi interprété à l'administration d'étendre la période contrôlée en amont de celle qui s'achevait au cours de la période précédente, sans qu'elle doive pour autant s'appuyer sur une législation nationale prévoyant une telle faculté, l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture était en droit de procéder au contrôle de l'année civile 1999, alors même que la période contrôlée ne s'achevait pas au cours de la période précédant celle du contrôle lui-même ; qu'il s'ensuit que FranceAgriMer est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé les titres de recettes contestés au motif que le contrôle dont la société La Presqu'île avait fait l'objet était irrégulier car ayant porté sur une période s'achevant antérieurement à la période de contrôle précédant celle durant laquelle il avait été effectué, soit en deçà du délai prévu par les dispositions de l'article 2 du règlement (CEE) n° 4045/89 du Conseil du 21 décembre 1989 ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Savéol devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour ;
6. Considérant, en premier lieu, que le décret susvisé du 26 mars 1985 confie aux agents de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) l'inspection des opérations menées dans le cadre de la réglementation communautaire ; que les agents de l'ACOFA et ceux agissant au nom de l'office concerné peuvent, sans que les contrôles effectués se trouvent entachés d'irrégularité, intervenir de manière simultanée en application des dispositions des décrets du 26 mars 1985 et du 11 février 1991 ; que, par suite, le moyen tiré par la société Savéol de ce que les contrôles effectués par l'ACOFA seraient dépourvus de base légale doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 621-15 du code rural : " Les agents de l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole sont chargés de l'inspection des opérations menées dans le cadre de la règlementation de la Communauté européenne ; ils sont assermentés à cet effet et désignés par le ministre chargé de l'agriculture " ; que si la société Savéol se prévaut de l'absence de preuve, par FranceAgriMer, de la publication régulière de la décision de nomination de M.A..., auteur du procès-verbal de constat en date du 3 février 2003, il ne produit cependant aucun commencement de preuve de nature à créer un doute quant à sa qualité d'agent de l'ACOFA habilité à ce titre, par les dispositions du code rural précitées, à mener les opérations de contrôle dont la société a fait l'objet ; que cette qualité doit être regardée comme intrinsèquement établie par le procès-verbal susmentionné signé par cet agent ; que, dès lors, le moyen, tiré de l'incompétence des auteurs du procès-verbal du 3 février 2003, ne saurait être accueilli ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'à la suite du rapport de contrôle de l'ACOFA du 3 février 2003, l'office a informé la commission interministérielle de coordination des contrôles sur les opérations et les bénéficiaires ou redevables relevant de la section Garantie du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole en application de l'article 4 du décret susvisé du 10 mai 1996 aux termes duquel " la commission est informée des résultats des contrôles " ; que si la société requérante soutient que l'émission des titres de recettes contestés serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière au vu de " conclusions qui ne lui ont pas été communiquées " de cette commission interministérielle qui au surplus aurait été irrégulièrement composée, aucune des dispositions du décret du 10 mai 1996 instituant cette commission ne prévoit la communication des conclusions de celle-ci aux bénéficiaires ou redevables relevant de la section Garantie du FEOGA avant l'émission par l'Oniflhor d'un titre de recettes destiné au remboursement d'aides communautaires ; que, d'ailleurs, le rôle de cette commission étant seulement d'assurer la coordination des dispositifs de contrôle, les moyens tirés de ce que les titres de perception litigieux auraient été émis à l'issue d'une procédure irrégulièrement menée devant cet organisme et de ce que cette commission n'aurait pas été composée de manière à garantir son indépendance sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, aux termes duquel : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la même loi : " Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif " ; qu'il est constant que l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture, aux droits duquel vient FranceAgriMer, est un établissement public à caractère industriel et commercial exclu, en tant que tel, du champ d'application de la loi du 12 avril 2000 ; que, dès lors, la société Savéol ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de cette loi qui instituent une procédure contradictoire préalable ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 15 paragraphe 2 du règlement (CE) n° 2200/96 du 28 octobre 1996 portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes : " l'aide financière communautaire est octroyée aux organisations de producteurs " ; qu'il est constant que les titres de recettes contestés correspondent au reversement d'aides communautaires perçues par la société Savéol, au titre du fonds opérationnel de l'année 1999, en sa qualité d'organisation de producteurs telle que définie à l'article 11 du même règlement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les actes contestés auraient été émis à l'encontre d'une personne qui n'est pas le bénéficiaire réel des fonds à reverser doit être écarté ;
11. Considérant, en sixième lieu, que, dès lors que l'une des irrégularités constatées dans l'utilisation de l'aide financière dont la société La Presq'île a bénéficié au titre du fonds opérationnel de l'année 1999 avait été portée à la connaissance de la société dans le cadre de la procédure contradictoire préalable, l'Onihflor était en droit de la relever pour exiger le reversement de l'aide ainsi indue, alors même qu'elle n'avait pas été évoquée par le rapport établi à l'occasion du contrôle de l'ACOFA ;
12. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 15 du règlement du Conseil en date du 28 octobre 1996 : " 1. Dans les conditions définies au présent article, une aide financière communautaire est octroyée aux organisations de producteurs qui constituent un fonds opérationnel. Ce fonds est alimenté par des contributions financières effectives des producteurs associés, assises sur les quantités ou la valeur des fruits et légumes effectivement commercialisées sur le marché, et par l'aide financière visée au premier alinéa (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'aide communautaire concernée n'est pas attribuée individuellement aux producteurs mais est destinée à financer des investissements collectifs réalisés par le groupement de producteurs et bénéficie à la filière de production et de commercialisation des fruits et légumes ; que les décisions par lesquelles l'administration déclare éligible à l'aide financière communautaire un fonds opérationnel et agrée les dépenses prévisionnelles qui s'y rattachent ne sont susceptibles de créer un droit au versement de l'aide que dans la mesure où les bénéficiaires de celle-ci justifient avoir respecté l'ensemble des règles et procédures communautaires qui leur sont applicables ;
En ce qui concerne l'irrégularité retenue au.titre du financement sur le fonds opérationnel 1999 de l'action 34 " Acquisition d'auxiliaires destinés à la lutte intégrée " :
13. Considérant que si la société Savéol soutient que l'irrégularité en cause relative aux dépenses d'acquisition de bourdons pollinisateurs aurait été couverte par la mise en paiement de l'aide communautaire correspondante pour un montant de 3 263 316 euros, ce paiement ne peut avoir pour effet de valider une irrégularité et de priver les autorités nationales de la possibilité d'exercer un contrôle a posteriori et d'en tirer toutes les conséquences ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'acquisition des insectes mentionnés ci-dessus, alors même que de telles dépenses n'auraient pas été contestées par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt en 1997, relèverait de la " lutte intégrée ", laquelle ne concerne que les insectes destinés à lutter contre les prédateurs et parasites ; qu'à cet égard la société Savéol ne peut utilement faire valoir qu'elle aurait reçu des assurances précises faisant naitre chez elle des espérances fondées ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'administration, en ne retenant pas la dépense litigieuse au titre de l'action en cause, aurait procédé à un revirement et méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
En ce qui concerne l'irrégularité retenue au... " :
14. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de l'action 4-2 " Création ou développement d'un département commercial " seuls les frais des salariés venant renforcer le pôle commercial et n'appartenant pas déjà au personnel des sociétés du groupe auquel appartenait la société La Presqu'île pouvaient être pris en considération ; que, par suite, c'est à tort que cette société a déclaré au titre de cette action l'intégralité des frais de personnel de son service commercial et de trois commerciaux du Groupement Maraîcher Brestois, autre société du groupe ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction, contrairement à ce qui est allégué par la société Savéol, que l'administration serait revenue sur une position favorable à la société La Presqu'île, méconnaissant ainsi les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
En ce qui concerne l'irrégularité retenue au... " :
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société La Presqu'île a financé pour un montant de 536 669 francs sur le fonds opérationnel 1999 le coût de la rémunération du personnel affecté au " Contrôle de qualité, d'agréage en stock ", soit cinq personnes chargées d'agréer et de contrôler la qualité des produits (tomates, concombre et fraise), correspondant à l'action 2-5 ; qu'il résulte de l'instruction que si les personnes impliquées dans la réalisation de l'action en cause et employées par la société La Presqu'île, en tant que permanents ou saisonniers, avaient tous en 1999 au moins trois ans d'ancienneté à leur poste ou dans un travail semblable, leur emploi du temps n'était cependant pas documenté par des fiches horaires ; qu'alors que cela lui avait été rappelé par la direction départementale de l'agriculture du Finistère lors de sa décision d'agrément du 15 décembre 1998 de son programme opérationnel, la société La Presqu'île n'a pas fourni, à titre de justificatif, un détail précis par action des heures et coûts enregistrés ainsi que l'emploi du temps des salariés concernés afin de justifier des coûts internes liés à la mise en oeuvre du programme opérationnel ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'ACOFA a refusé de valider lors du contrôle la part du salaire des personnels agréeurs présentée dans les dépenses éligibles à l'action concernée et estimée par la société La Presqu'île à 8/12ème du coût total des salariés permanents et saisonniers ; que, par suite, l'action contestée, ne répondant pas à l'une des exigences de la réglementation, ne pouvait être estimée éligible à un financement par le fonds opérationnel ;
16. Considérant que l'administration doit toujours, en matière de sanction, faire application de la loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable ; qu'en infligeant à la société requérante le taux de pénalités de 20 % prévu par le règlement CE n° 609/2001 postérieur à l'année contrôlée, au lieu du taux de 200 % prévu dans le cadre de la législation antérieure, l'office s'est borné à faire application de la loi nouvelle plus douce ; que, par suite, le moyen tiré par la société Savéol de ce que les sanctions contestées seraient fondées sur une réglementation qui n'était pas en vigueur à la date des faits doit être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé les deux titres de recettes, notifiés par lettre du 17 novembre 2005, émis par l'Oniflhor à l'encontre de la société Savéol pour des montants respectifs de 269 085 euros et de 53 817 euros, ainsi que la décision du même jour du directeur de l'Oniflhor ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Savéol demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cet société le paiement à FranceAgriMer d'une somme au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 06-1022 du 25 mai 2010 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Savéol devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par FranceAgriMer et par la SCA Savéol au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à FranceAgriMer et à la société Savéol.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2014, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 avril 2014.
Le rapporteur,
O. COIFFETLe président,
I. PERROT
Le greffier,
C. GUÉZO
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
7
N° 10NT01574 2
1