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03/04/2014 | FRANCE | N°13NT00877

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 avril 2014, 13NT00877


Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2013, présentée pour la société Financière Saint-Denis de l'Hôtel dont le siège social est 10 route de l'aérodrome à Saint-Denis de l'Hôtel (45550) par Me Frenkel, avocat ; la société Financière Saint-Denis de l'Hôtel demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004064 du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant au versement d'une somme de 293 361 euros au titre des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales en raison du dégrèvement

prononcé le 25 mars 2010 par le directeur régional des finances publiques du Loi...

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2013, présentée pour la société Financière Saint-Denis de l'Hôtel dont le siège social est 10 route de l'aérodrome à Saint-Denis de l'Hôtel (45550) par Me Frenkel, avocat ; la société Financière Saint-Denis de l'Hôtel demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004064 du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant au versement d'une somme de 293 361 euros au titre des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales en raison du dégrèvement prononcé le 25 mars 2010 par le directeur régional des finances publiques du Loiret ;

2°) d'ordonner le versement de cette somme ;

3°) de remettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la solution adoptée par les premiers juges selon laquelle un dégrèvement accordé alors que le délai imparti à l'administration pour statuer sur une réclamation n'est pas expiré ne constitue pas un dégrèvement contentieux au sens de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales est contraire au principe d'application littérale des textes clairs ;

- le tribunal ne pouvait pas rejeter sa demande sur ce fondement ;

- en tout état de cause, les premiers juges n'ont pas pris en compte la présentation d'une première réclamation le 26 décembre 2008 ;

- l'interprétation du tribunal créée une discrimination prohibée par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel ;

- la transaction conclue le 8 janvier 2010 ne fait pas obstacle au versement des intérêts moratoires sollicités ; cette transaction ne serait pas remise en cause ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; il conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le dégrèvement prononcé le 25 mars 2010 ne procède pas d'une erreur de l'administration ou du contribuable ;

- l'article L. 208 du livre des procédures fiscales tel qu'interprété par le tribunal ne créée pas une discrimination injustifiée ;

- la réclamation du 26 décembre 2008 dont se prévaut la requérante était prématurée dès lors qu'elle a été présentée avant même la mise en recouvrement des compléments d'impôt sur les sociétés ;

- la requérante n'a pas été remboursée des sommes dégrevées ;

- la période de liquidation ne doit débuter qu'à compter du 17 juin 2010, date de présentation de la réclamation ;

- il y a lieu d'opérer, en tout état de cause, une compensation avec le montant des sommes restant dues par la requérante en exécution de la transaction conclue le 4 février 2010 ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 10 et 14 février 2014, présentés pour la société Financière Saint-Denis de l'Hôtel ; elle conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que sa requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle demande en outre, à titre subsidiaire, que l'Etat soit condamné au versement des intérêts prévus à l'article 1153 du code civil ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 24 février 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; il conclut comme précédemment en faisant savoir que le mémoire enregistré le 14 février 2014 ne développe aucun argument nouveau susceptible d'infléchir sa position et n'appelle aucune observation particulière de sa part ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2014 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la déduction par la société Laiterie Saint-Denis-de-l'Hôtel de diverses provisions pour pertes ou charges constituées à la clôture de l'exercice 2004 ; que cette société ayant procédé au cours des exercices suivants à la reprise comptable de ces provisions, l'administration a prononcé, le 25 mars 2010, au profit de la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel, société mère du groupe fiscalement intégré dont dépend la société Laitière Saint-Denis-de-l'Hôtel, en vue d'éviter une double imposition, un dégrèvement de 1 686 698 euros ; que suite au refus de l'administration de lui accorder, comme elle lui a demandé, les 17 juin et 2 juillet 2010, le versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant au versement de ces intérêts ; que la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel relève appel du jugement du 22 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que pour refuser d'accorder à la requérante le bénéfice des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, les premiers juges ont relevé que le dégrèvement accordé le 25 mars 2010 ne pouvait pas être regardé comme ayant ce caractère au sens de ces dispositions dès lors que celui-ci était intervenu dans le délai de six mois imparti par l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales à l'administration pour statuer sur la réclamation présentée le 7 janvier 2010 par la société ; que si ce motif n'était pas opposé en défense par l'administration, le tribunal n'a pas pour autant commis une irrégularité en vérifiant, comme il l'a fait, dans le cadre de son office, si les conditions prévues par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales étaient ou non satisfaites ; qu'il suit de là que ce moyen doit être écarté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : "Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 208 du même livre : "Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés" ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les réclamations présentées les 26 décembre 2008 et 7 janvier 2010 par la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel tendaient à éviter la situation de double imposition résultant d'une part de la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt correspondant à la réintégration non contestée dans les résultats de sa filiale, de la société Laiterie Saint-Denis de l'Hôtel, de l'exercice clos en 2004 de diverses provisions pour charges et pertes dont la déduction a été refusée à l'issue de la vérification de comptabilité dont cette dernière société a fait l'objet du 11 mai au 29 novembre 2006 et de la reprise, d'autre part, par cette filiale au cours des exercices clos en 2005, 2006 et 2007 de ces mêmes provisions ; qu'en l'absence d'une erreur de la part de l'administration, le dégrèvement que celle-ci a ainsi accordé le 25 mars 2010 en réponse à ces réclamations, n'est pas au nombre de ceux qui en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales peuvent donner lieu au versement des intérêts moratoires prévus par cet article ;

Sur l'application des dispositions de l'article 1153 du code civil :

5. Considérant que la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel demande également, à titre subsidiaire, le versement des intérêts prévus par l'article 1153 du code civil selon lequel celui qui est tenu de restituer une somme indûment reçue doit les intérêts de cette somme à compter du jour de la sommation de payer, et qui s'applique, sauf disposition législative spéciale, en cas de retard pris par une personne publique à exécuter une obligation consistant dans le paiement d'une somme d'argent ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la réclamation contentieuse du 26 décembre 2008 a été présentée à titre conservatoire avant même la mise en recouvrement des droits résultant de la réintégration dans les résultats de l'exercice clos en 2004 de la société Laiterie Saint-Denis-de-l'Hôtel des provisions injustifiées et donc avant que naisse la situation de double imposition que la requérante a souhaité éviter ; que s'agissant de la réclamation contentieuse présentée le 7 janvier 2010, l'administration a décidé le dégrèvement de 1 686 698 euros dans le délai de six mois qui lui était imparti pour statuer sur celle-ci ; qu'à défaut, dès lors, pour l'Etat d'avoir accordé le dégrèvement sollicité avec retard au sens des dispositions de l'article 1153 du code civil, la société requérante n'est pas fondée à demander le versement des intérêts prévus par ce même article ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Financière Saint-Denis-de-l'Hôtel et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2014.

Le rapporteur,

F. ETIENVRE Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00877
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : FRENKEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-03;13nt00877 ?
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