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03/04/2014 | FRANCE | N°13NT00417

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 avril 2014, 13NT00417


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013, ensemble le mémoire complémentaire, enregistré le 15 février 2013, présentés pour la Sas Euro Charter, dont le siège est 6, rue Marcel Dassault à Sainte-Luce-sur-Loire (44980), par Me Sarfati, avocat au barreau de Paris ; la Sas Euro Charter demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900102 en date du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercic

e clos en 2003 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui rembourser...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2013, ensemble le mémoire complémentaire, enregistré le 15 février 2013, présentés pour la Sas Euro Charter, dont le siège est 6, rue Marcel Dassault à Sainte-Luce-sur-Loire (44980), par Me Sarfati, avocat au barreau de Paris ; la Sas Euro Charter demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900102 en date du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, d'une part à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2003 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui rembourser la somme de 207 389 euros, assortie des intérêts de retard correspondants à hauteur d'une somme de 41 685 euros ainsi que des intérêts moratoires ;

2°) de faire droit à ces conclusions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- la provision qu'elle a déduite en 1996 pour un montant de 1 455 159 euros était largement justifiée dans son principe comme dans son montant compte-tenu des pertes antérieures et de la valeur retenue pour la société à l'occasion de sa cession en 1996 par le groupe Look Voyages à la société Consultour Club Voyages Inc. ; le fonds de commerce avait à la fin du même exercice une valeur fiscale de 2 804 130 euros, inférieure à la valeur comptable ;

- cette provision a été maintenue au bilan jusqu'en 2003 avec le même objet, à savoir la dépréciation du fonds de commerce, ce qui est justifié par la permanence de résultats défavorables des agences qu'elles gérait et la dépréciation de l'ensemble du fonds due d'une part aux suites des événements du 11 septembre 2001 et d'autre part à la modification des comportements d'achats des clients ;

- la dépréciation du fonds de commerce, qui justifie le maintien de la provision aux bilans successifs, procède d'une évaluation globale, ainsi que la société l'a démontré en évaluant la valeur des différents fonds acquis par elle d'après les commissions nettes de rétrocession ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 15 février 2013, par lequel la Sas Euro Charter maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- sur le caractère déductible de la provision : une provision ne peut être constituée que pour un objet précis ; les acquisitions d'agences effectuées entre 1996 et 2003 par la société requérante ont nécessairement eu un impact sur la valeur du fonds de commerce ; de ce fait la société aurait dû effectuer un suivi de ces provisions, ce qui n'a pas été le cas en l'absence de modification de la provision entre 1996 et 2003 ; les prétentions de la société, qui tendent à modifier l'objet de la provision et conduisent à substituer une provision nouvelle à celle qui avait été initialement déclarée dans les formes prescrites à l'article 1.5 de l'article 39 du code général des impôts, ne peuvent être accueillies ;

- sur l'argument tiré du fait que la valeur du fonds de commerce justifiait le maintien de la provision : la société ne démontre pas, par son mode de calcul, que la dépréciation de son fonds de commerce aurait été globale ; de plus la méthode de valorisation utilisée, à partir du montant des commissions perçues, est inadaptée au calcul de la valeur du fonds de commerce dont il s'agit ;

- l'avis émis le 23 novembre 2003 par la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui porte sur la réintégration, à la suite d'un contrôle fiscal dont la société a fait l'objet, d'une provision pour dépréciation de son fonds de commerce au titre de l'exercice clos en 2008 n'est pas applicable au présent litige ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 12 février 2014, par lequel la Sas Euro Charter maintient ses conclusions initiales par les mêmes moyens ;

elle soutient en outre qu'en raison des règles de prescription l'administration n'était plus en droit de contester la provision constituée en 1996 en faisant valoir sur le fondement du 27ème alinéa de l'article 39-I.5°, qu'elle était sans objet lors de sa constitution ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 14 février 2014, présenté par le ministre délégué chargé du budget, qui maintient ses conclusions à fins de rejet par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 février 2014 :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de Me Sarfati, avocat de la Sas Euro Charter ;

1. Considérant que la Sas Euro Charter, qui exploite un réseau d'agences de voyages, a inscrit en charges, au titre de son exercice clos en 1996, une provision pour dépréciation du fonds de commerce inscrit à son bilan d'un montant de 1 455 159 euros ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 octobre des années 2003 à 2005, l'administration a remis en cause cette provision, demeurée inscrite au bilan de la société, au titre du premier exercice non prescrit, clos en 2003 ; que la Sas Euro Charter relève appel du jugement du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a de ce fait été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 ;

Sur les conclusions à fins de décharge :

En ce qui concerne la prescription :

2. Considérant que conformément au seizième alinéa de l'article 39-1.5° du code général des impôts : " Les provisions qui, en tout ou en partie, reçoivent un emploi non conforme à leur destination ou deviennent sans objet au cours d'un exercice ultérieur sont rapportées aux résultats dudit exercice. Lorsque le rapport n'a pas été effectué par l'entreprise elle-même, l'administration peut procéder aux rectifications nécessaires dès qu'elle constate que les provisions sont devenues sans objet " ; que lorsque l'exercice au cours duquel une provision est devenue sans objet est couvert par la prescription, cette provision est rapportée au résultat fiscal du premier exercice non prescrit, sans qu'il y ait lieu de distinguer les provisions irrégulièrement constituées dès l'origine des provisions régulièrement constituées devenues sans objet ; que par suite la Sas Euro Charter n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que l'administration n'était pas en droit, du fait que la société aurait justifié du caractère régulier de la comptabilisation de cette provision en 1996, de réintégrer cette charge au titre de l'exercice 2003, premier exercice non prescrit ;

En ce qui concerne la régularité de la provision :

3. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou des charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) " ; qu'enfin aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° de l'article 39 du code général des impôts " ;

4. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; que dès lors, et quel que soit le sens de l'avis émis le cas échéant par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts selon lesquelles le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'au titre de son exercice clos le 31 octobre 1996 la Sas Euro Charter a comptabilisé une provision d'un montant de 1 455 159 euros destinée à prendre en compte la dépréciation de son fonds de commerce, compte-tenu de l'incidence des pertes d'exploitation subies au cours des exercices antérieurs ainsi que le montant auquel a été valorisé son fonds à l'occasion de la cession en 1996 de la Sas Euro Charter à la société de droit canadien Consultour Club Voyages Inc. ;

6. Considérant, d'une part, que ces événements ne peuvent être regardés, au sens des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, comme des événements en cours à la fin de l'exercice clos en 2003 et ne sont par suite pas susceptibles de justifier le maintien de cette provision au bilan de ce dernier exercice ;

7. Considérant, d'autre part, que si aux termes du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts " la provision éventuellement constituée en vue de faire face à la dépréciation d'actifs non amortissables reçus lors d'une opération placée sous l'un des régimes prévus aux articles mentionnés au II de l'article 54 septies est déterminée par référence à la valeur fiscale des actifs auxquels ces éléments reçus sont substitués ", il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 27 septembre 2006 notifiée à la société, que le redressement en litige n'est pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, fondé sur ces dispositions ; que par suite la démonstration apportée en première instance par la Sas Euro Charter de ce que le montant de la provision comptabilisée en 1996 est inférieur à la valeur fiscale apportée en régime de faveur en 1994 est en elle-même sans incidence sur l'imposition en litige ;

8. Considérant, en second lieu, que la Sas Euro Charter soutient que la valeur du fonds de commerce à la clôture de l'exercice 2003 justifiait en tout état de cause le maintien de cette provision pour un montant inchangé, compte-tenu de l'appréciation qui pouvait être faite à cette date des effets négatifs sur son activité des événements internationaux survenus en septembre 2001 ainsi que du changement des modes de consommation dans le secteur du tourisme ;

9. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que la valeur du fonds de commerce figurant au bilan de la Sas Euro Charter au 31 octobre 1996 résultait à cette date, d'une part, de celle des agences de voyage créées par la société et, d'autre part, de celles des fonds commerciaux qui lui avaient été apportés par six autres sociétés à l'occasion d'une fusion-absorption réalisée en 1994 ; qu'il résulte de l'instruction qu'entre 1996 et 2003 la Sas Euro Charter a développé son réseau en procédant, à compter de l'année 2001, à des acquisitions d'agences à titre onéreux, tout en apportant à d'autres sociétés certaines des agences acquises en 1994 ; qu'ainsi, compte-tenu de l'évolution de la structure du fonds de commerce inscrit à l'actif de la Sas Euro Charter, la provision constatée au bilan de l'exercice clos en 2003 porte sur un objet différent de celui qui a motivé la comptabilisation de cette provision en 1996 ; qu'à défaut d'avoir fait l'objet d'une comptabilisation au titre de ce dernier exercice, elle ne pouvait être regardée comme une charge de l'exercice clos en 2003 ; que c'est par suite à bon droit que l'administration, écartant cette justification qui conduirait à substituer une provision nouvelle à celle qui avait été initialement déclarée dans les formes prescrites par les dispositions précitées de l'article 39-1-5° du code général des impôts, a réintégré le montant de cette provision injustifiée aux résultats du premier exercice non prescrit, clos le 31 octobre 2003 ;

Sur les conclusions tendant au paiement d'intérêts moratoires :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...), les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal (...) " ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article R. 208-1 du même livre, ces intérêts moratoires " sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable chargé du recouvrement des impôts " ;

11. Considérant qu'à la date à laquelle la Sas Euro Charter a formulé de telles conclusions, il n'existait aucun litige né et actuel sur ce point entre elle-même et le comptable responsable du remboursement ; que, dès lors, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Sas Euro Charter n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2003 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au remboursement de cette cotisation, assortie des intérêts de retard et des intérêts moratoires ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme, au demeurant non chiffrée, que la Sas Euro Charter demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Sas Euro Charter est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sas Euro Charter et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 20 février 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 avril 2014.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00417

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00417
Date de la décision : 03/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SARFATI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-03;13nt00417 ?
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