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21/03/2014 | FRANCE | N°13NT02039

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 21 mars 2014, 13NT02039


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Bayeron, avocat au barreau de Paris ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106507 en date du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mai 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a, sur recours administratif préalable obligatoire, confirmé la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 septembre 20

10 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Bayeron, avocat au barreau de Paris ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106507 en date du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mai 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a, sur recours administratif préalable obligatoire, confirmé la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 septembre 2010 ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler la décision du 20 mai 2011 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

il soutient que :

- la décision du préfet est entachée d'incompétence, de même que celle du ministre du 20 mai 2011 ; l'administration n'a pas justifié que le signataire de la décision du 20 mai 2011 bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- la décision du ministre est entachée d'erreur de fait, ainsi qu'il le reconnait, et d'erreur manifeste d'appréciation ; le ministre a affirmé qu'il travaillait dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ; or, il travaille depuis plusieurs années en qualité d'opérateur de messagerie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ; l'argument tiré de ce qu'il a réglé avec retard ses taxes d'habitation pour 2007 et 2008 est hors de propos ;

- son épouse travaille en qualité d'hôtesse de caisse dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée depuis le 24 mars 2005 ; ses cinq enfants sont nés et scolarisés en France ; deux d'entre eux ont acquis la nationalité française par déclaration ; la famille est parfaitement intégrée et adhère aux valeurs de la République française ;

- les documents qu'il verse aux débats attestent de la stabilité et de la pérennité de son emploi ; l'appréciation de l'insertion professionnelle doit porter sur le parcours professionnel global du postulant, et les contrats à durée déterminée ne constituent plus un obstacle, en application de la circulaire du 16 octobre 2012, dès lors que l'activité pratiquée permet de disposer de ressources suffisantes et stables ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- à titre liminaire, les moyens présentés contre la décision du préfet sont inopérants, puisque sa décision, intervenue sur recours administratif préalable obligatoire, s'est substituée à la décision préfectorale ;

- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte devra être écarté par adoption des motifs des premiers juges ;

- M. B... n'a produit à l'appui de sa demande de première instance que deux contrats à durée déterminée ; si la société qu'il a créée le 5 mars 2009 n'était plus exploitée le 17 avril 2009, il est constant que l'intéressé ne justifiait pas, à la date de la décision contestée, d'une activité professionnelle pérenne lui procurant des revenus stables et suffisants pour subvenir durablement aux besoins de son foyer ; ce motif suffit à lui seul à justifier la décision d'ajournement en litige ; en outre, une décision défavorable est fondée en cas de paiement systématique avec retard et après majoration des dettes fiscales ;

- la circulaire du 16 octobre 2012 invoquée par le requérant ne présente aucun caractère réglementaire ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 décembre 2013, présenté pour M. B... qui tend aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

il soutient, en outre, que :

- il est constant qu'il a toujours travaillé et disposait d'un contrat de travail à durée déterminée ; il ne peut lui être reproché de n'avoir pas exercé d'activité salariée ; la décision contestée est insuffisamment motivée au regard de l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; il verse aux débats les documents et certificats de travail attestant de la continuité de son activité professionnelle depuis que sa situation a été régularisée en mai 1999 ; en dépit de certaines périodes d'inactivité, son insertion professionnelle est pleinement réalisée ;

- le ministre a reconnu, en première instance, que sa décision était entachée d'erreur de fait et a sollicité plusieurs substitutions de motifs ; il est établi qu'il avait une activité professionnelle ; les conséquences de cette erreur de fait n'ont pas été tirées, de sorte que le tribunal ne pouvait que constater l'erreur manifeste d'appréciation et annuler la décision du 20 mai 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 décembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

il soutient, en outre, que :

- sa décision énonce avec suffisamment de précisions les circonstances de droit et de fait qui la fondent ; le moyen tiré du défaut de motivation, déjà soulevé en première instance, devra être écarté par adoption des motifs des premiers juges ;

- le requérant ne saurait soutenir qu'il était bénéficiaire d'un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) depuis plusieurs années ; le seul CDI dont il démontre l'existence est daté du 21 décembre 2011 et a donc été conclu postérieurement à la décision contestée ; en outre, M. B... ne justifie pas de l'insertion professionnelle de son épouse et que l'emploi qu'elle aurait occupé permettait, à la date de la décision contestée, de subvenir aux besoins du foyer ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2014 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

1. Considérant que M. A... B..., ressortissant malien, interjette appel du jugement en date du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision du 20 mai 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a confirmé la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 septembre 2010, ajournant à deux ans sa demande de naturalisation ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision ministérielle du 20 mai 2011, intervenue sur recours administratif préalable obligatoire, s'est substituée à la décision préfectorale du 27 septembre 2010 ; que par suite, les moyens de légalité externe dirigés contre la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 septembre 2010 sont inopérants ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C..., signataire de la décision du 20 mai 2011, justifie d'une délégation de signature en date du 28 février 2011, publiée au Journal officiel de la République française du 3 mars suivant, du directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté nommé par décret du 15 juillet 2009, publié au Journal officiel de la République française du 16 juillet suivant ; que, conformément aux dispositions de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005, le directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté dispose d'une délégation pour signer au nom du ministre chargé des naturalisations, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité ; que dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

4. Considérant, en troisième lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée que M. B... renouvelle, en appel, en se bornant à reprendre son argumentation de première instance, doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s'il y a lieu, la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. / Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle du postulant ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;

6. Considérant, en premier lieu, que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation de M. B..., le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration s'est fondé, non pas sur la circonstance que M. B... n'exerçait pas d'activité salariée, mais sur l'absence de pérennité de son insertion professionnelle, alors que la société qu'il avait créée le 5 mars 2009 était sans activité depuis le 17 avril 2009 ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a occupé, de façon discontinue, divers emplois de courte durée entre 2000 et 2010 entrecoupés de périodes d'inactivité ou de chômage ; qu'il a été engagé, en dernier lieu, par la société Schenker-Joyau en qualité d'opérateur de messagerie à compter du 1er mars 2011 pour une durée déterminée, initialement fixée au 30 avril 2011, et prolongée jusqu'au 2 juillet 2011, afin, selon les termes mêmes des contrats produits, " de faire face à un surcroit temporaire d'activité " pour un salaire mensuel brut de 1493,67 euros ; qu'ainsi, à la date de la décision contestée, M. B... n'établissait pas avoir pleinement réalisé son insertion professionnelle ; que si le requérant est titulaire depuis le 23 septembre 2011 d'un contrat à durée indéterminée conclu avec l'employeur précédent, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; qu'en produisant, par ailleurs, le contrat à durée indéterminée en qualité d'hôtesse de caisse dont bénéficierait son épouse depuis le 24 mars 2005, sans produire les bulletins de salaire de celle-ci, M. B... ne justifie pas de l'effectivité de l'emploi de son épouse à la date de la décision contestée, ni qu'il disposait à cette date de revenus suffisamment stables pour subvenir durablement aux besoins de son foyer composé de 7 personnes ; que, par suite, le ministre, eu égard au large pouvoir dont il dispose pour accorder ou non la naturalisation à l'étranger qui la sollicite, n'a commis ni erreur de fait, ni erreur manifeste d'appréciation en ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. B... ;

8. Considérant, en troisième et dernier lieu, que M. B... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 16 octobre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux procédures d'accès à la nationalité française, qui est dépourvue de caractère réglementaire, et en tout état de cause, postérieure à la décision contestée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les dépens :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de M. B... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 février 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 mars 2014.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT02039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02039
Date de la décision : 21/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : BAYERON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-03-21;13nt02039 ?
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