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13/03/2014 | FRANCE | N°13NT03291

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 mars 2014, 13NT03291


Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2013, présentée par le préfet de Maine-et-Loire ; le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305957 du 6 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 4 juillet 2013 portant refus de titre de séjour à Mme B...A..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

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) de rejeter la demande de Mme B... A...devant le tribunal administratif de Nantes...

Vu la requête, enregistrée le 4 décembre 2013, présentée par le préfet de Maine-et-Loire ; le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305957 du 6 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 4 juillet 2013 portant refus de titre de séjour à Mme B...A..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... A...devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé, au vu des éléments qu'il a retenus, que le refus de titre de séjour et les décisions subséquentes méconnaissaient les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2014, présenté pour Mme B... A..., demeurant au..., par Me Rairat, avocat ; Mme B... A... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me Rairat de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des éléments de sa situation personnelle et familiale dont elle a fait état ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2014 le rapport de M. Monlaü, premier conseiller ;

1. Considérant que le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 6 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 4 juillet 2013 portant refus de titre de séjour à Mme A..., obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

3. Considérant que si Mme A... a présenté une demande d'admission au séjour en date du 13 aout 2012 en qualité d'étranger malade et au titre du regroupement familial en faisant valoir par courrier adressé au préfet en date du 23 janvier 2013 qu'elle était entrée en 2010 dans le cadre de la procédure de regroupement familial organisée par le père de ses enfants dont elle est divorcée, et qu'hébergé par ce dernier elle s'occupait du quotidien de leurs enfants et était très présente auprès d'eux, les attestations produites par l'intéressée, eu égard à leur caractère général et non circonstancié, ne peuvent être regardées, comme permettant d'établir l'investissement et la contribution effective de Mme A..., à l'éducation de ses enfants âgés de 12 ans et 16 ans, alors même que son ex-mari, à l'origine de la procédure de regroupement familial concernant ses enfants, a indiqué dans une attestation, également postérieur à l'arrêté contesté, en des termes généraux, qu'il ne peut pas s'occuper de ses enfants car il travaille souvent en déplacement ; qu'il n'est, par ailleurs, pas contesté que les enfants de Mme A... et de son ex-mari de même nationalité que leurs parents, ont bénéficié dès le mois de novembre 2010 d'un document de circulation à destination de la Turquie et qu'aucun obstacle ne s'oppose à la reconstitution de la cellule familiale dans le pays d'origine ; que, dans ces conditions et alors que Mme A..., dont le séjour en France est récent, a la possibilité de retourner temporairement en Turquie, pays dans lequel vit son quatrième enfant majeur et ses deux soeurs, le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté contesté en date du 4 juillet 2013 méconnaissait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens de la demande ;

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (... ) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

6. Considérant que le refus de titre de séjour opposé à Mme A... vise les articles applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les différentes demandes de titre de séjour formulées par l'intéressée et fait état des éléments tenant à la situation personnelle de la requérante ; que cette décision qui comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est, dès lors, régulièrement motivée au regard des exigences posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; qu'en application des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la mesure d'obligation de quitter le territoire français dont le préfet de Maine-et-Loire a assorti sa décision de refus de titre de séjour n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte ;

En ce qui concerne la légalité interne :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

7. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ;

8. Considérant que Mme A... soutient qu'elle est entrée en France en novembre 2010 à la faveur du regroupement familial dont ses enfants ont bénéficié et que résidant depuis lors chez son ex-mari, elle prend en charge au quotidien leurs enfants en étant très impliquée dans la scolarité de ceux-ci, qu'elle justifie de son intégration en France par le fait qu'elle participe aux activités du quartier et qu'elle a pu nouer des relations amicales et ajoute que ses attaches familiales sont en France compte tenu de la présence de ses enfants ; que toutefois l'intégration en France de Mme A... ne ressort pas des pièces du dossier, et ne saurait être regardée comme établie par le fait qu'elle réside depuis 2010 sur le territoire ; qu'en se bornant à produire des attestations de voisins et d'amis précisant qu'elle emmène ses enfants à l'école tous les jours et qu'elle s'occupe de ceux-ci avec attention, la requérante n'établit pas ainsi qu'il a été dit au point 4, s'occuper de l'entretien et de l'éducation de ses enfants ; que Mme A... n'est pas dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, où résident son enfant majeur et ses deux soeurs et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-huit ans ; que, par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de l'arrêté litigieux ; que, par suite, les moyens qu'elle allègue et tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

10. Considérant que si Mme A... a fait valoir que ce serait à tort que le préfet n'aurait pas examiné si elle pouvait prétendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et, le cas échéant, à un titre de séjour " salarié ", ce moyen doit être rejeté dès lors qu'elle n'a présentée aucune demande spécifique en se prévalant des dispositions de l'article L. 313-14 du code alors qu'il lui appartient, aux termes mêmes dudit article, de faire valoir expressément les considérations humanitaires ou les motifs exceptionnels justifiant sa mise en oeuvre ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour prise par le préfet, qui n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressée remplissait les conditions prévues par cet article, aurait été contraire à celui-ci ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

11. Considérant en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à la requérante, ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés lors de l'examen de la légalité de la décision du préfet de la Loire-Atlantique refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles du 1 de l'article 3de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant et des dispositions des articles L. 313-11-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... A...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus des conclusions qu'elle a présentées devant la cour d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A.... Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 20 février 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Monlaü, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2014.

Le rapporteur,

X. MONLAÜ Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l' exécution de la présente décision

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N° 13NT03291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03291
Date de la décision : 13/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Xavier MONLAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : RAIRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-03-13;13nt03291 ?
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