Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 18 juin 2013, présentés par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1108054 du 16 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 14 juin 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. B... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;
il soutient que :
- M. B... a payé avec retard la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2005 ainsi que les cotisations de taxe d'habitation mises à sa charge au titre des années 2006, 2007 et 2008 ; s'il explique ces retards répétés par son comportement négligent ces retards de paiement successifs caractérisent un manquement à ses obligations fiscales ; ce motif est de nature à justifier un refus d'accorder la faveur que constitue la naturalisation ;
- si les premiers juges ont regardé à juste titre les faits de violence commis par l'intimé comme établis par les pièces versées au dossier de première instance, ils ont considéré à tort qu'ils ne pouvaient fonder le rejet de la demande de naturalisation compte tenu de leur ancienneté et d'absence de condamnation pénale de M. B... ;
- il aurait pris la même décision en se fondant sur n'importe lequel de ces deux motifs ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 août 2013, présenté pour M. A... C..., demeurant..., par Me Woumeni, avocat au barreau de Paris qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le recours du ministre est irrecevable, faute, d'une part, d'avoir été accompagné de la lettre de notification du jugement attaqué, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative, et, d'autre part, faute pour le ministre d'avoir exécuté ce jugement ;
- la décision préfectorale d'ajournement est insuffisamment motivée et repose sur des faits matériellement inexacts ;
- en ce qui concerne sa situation fiscale, les majorations dont il a du s'acquitter sont d'un faible montant ; il les a acquittées ;
- en ce qui concerne les faits de violence conjugale, il en a été victime ; aucune procédure n'a donné lieu à poursuites ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut aux mêmes fins que son recours ;
il soutient que
- la transmission du dossier de première instance suffit à justifier de l'accomplissement de l'obligation de joindre le jugement attaqué ;
- l'obligation d'exécution du jugement attaqué n'est pas une condition de recevabilité de son recours ;
- la décision contestée est suffisamment motivée ;
- le niveau des majorations fiscales est sans incidence sur la légalité du premier motif de sa décision ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 janvier 2014, présenté pour M. B... qui conclut par les mêmes moyens au rejet du recours ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la
nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2014 :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
1. Considérant que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 16 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 14 juin 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. B... ;
Sur la recevabilité du recours :
2. Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient le requérant, le ministre, dans son recours enregistré au greffe de la cour le 17 juin 2013, a produit une copie de la décision juridictionnelle attaquée ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative doit être écartée ;
3. Considérant, d'autre part, que le défaut d'exécution d'un jugement n'a pas pour effet de rendre irrecevable une requête d'appel ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article L. 11 du code de justice administrative doit, en tout état de cause, être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande, il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
5. Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation de M. B..., de nationalité camerounaise, le ministre en charge des naturalisations s'est fondé sur la double circonstance que le postulant avait un comportement fiscal sujet à critiques, dès lors qu'il avait acquitté systématiquement au cours des dernières années ses impôts après majorations, et qu'il avait fait l'objet de trois procédures pour violences volontaires d'octobre 2000 à octobre 2001 ;
6. Considérant, d'une part, que M. B... ne conteste pas avoir méconnu ses
obligations de paiement en matière fiscale, notamment avoir payé avec retard la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2005 ainsi que les cotisations de taxe d'habitation mises à sa charge au titre des années 2006, 2007 et 2008 ; que ni la négligence involontaire dont se prévaut M. B..., ni la circonstance qu'il a acquitté ces impositions et les majorations d'un faible montant dont elles étaient assorties avant la date de la décision en litige ou encore qu'il a opté pour la mensualisation de ses prélèvements fiscaux, ne permettent de justifier la permanence de ce comportement entre 2005 et 2008 ; que, d'autre part, il ressort du rapport de police établi le 28 septembre 2010 par les services compétents des Hauts-de-Seine que trois procédures ont été diligentées au foyer de M. B... entre octobre 2000 et octobre 2001, en raison des violences commises par l'intéressé sur son épouse, occasionnant à chaque fois une interruption temporaire de travail de cette dernière ; que les circonstances que les faits reprochés commis à trois reprises n'ont pas été sanctionnés pénalement ou que M. B... justifie avoir également été blessé lors d'une altercation avec son épouse au cours du mois de juillet 2001, n'interdisaient pas au ministre de tenir compte de tels faits dans son appréciation du comportement général de l'intéressé à l'occasion de l'examen de sa demande de naturalisation ; que, dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté des faits de violence, et du faible montant des majorations réclamées, proportionnelles en cas de retard de paiement aux impositions dues, les faits reprochés à M. B... étaient d'une gravité suffisante pour que le ministre pût, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider, pour ces motifs, de rejeter la demande de naturalisation du postulant; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision contestée du ministre au motif d'une erreur manifeste d'appréciation :
7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... ;
8. Considérant que la décision ministérielle du 14 juin 2011 s'est substituée à la décision préfectorale du 7 février 2011 ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que cette dernière n'aurait pas été régulièrement motivée et reposerait sur des faits matériellement inexacts est inopérant ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 14 juin 2011 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 avril 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du cja sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 février 2014.
Le rapporteur,
M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,
B. ISELIN
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01738