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14/02/2014 | FRANCE | N°13NT00718

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 14 février 2014, 13NT00718


Vu le recours, enregistré le 4 mars 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105393 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 10 novembre 2010 par lesquelles le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté les demandes d'acquisition de la nationalité française présentées par M. D... A... et par Mme B... C...épouseA... ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A...

devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- la note du d...

Vu le recours, enregistré le 4 mars 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105393 du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 10 novembre 2010 par lesquelles le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté les demandes d'acquisition de la nationalité française présentées par M. D... A... et par Mme B... C...épouseA... ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes ;

il soutient que :

- la note du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du 30 juillet 2010, sur laquelle il s'est fondé pour rejeter les demandes de naturalisation de M. et Mme A..., permet d'établir l'existence de liens entre eux et la mouvance tchétchène extrémise ; M. A... a refusé de répondre aux questions qui lui ont été posées sur son rôle dans la rébellion tchétchène et sur ses relations avec les milieux islamistes ; son épouse a déclaré connaitre l'engagement de son époux en faveur de la rébellion tchétchène et a précisé entretenir des relation avec des militants de la cause indépendantiste ; les dénégations des intéressés et les attestations de proches ne peuvent dissiper le doute sérieux sur le loyalisme des postulants ; le tribunal administratif de Nantes ne pouvait retenir l'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 17 mai 2013 fixant la clôture d'instruction au 7 juin 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2013, présenté pour M. D... A...et pour Mme B... C...épouseA..., demeurant..., par Me Duplantier, avocat au barreau d'Orléans, qui concluent au rejet du recours et demandent que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à leur avocat ;

ils soutiennent que :

- ils ont obtenu le statut de réfugié par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; leurs craintes en cas de retour dans leur pays d'origine sont donc fondées ;

- le ministre n'a pas justifié des pièces sur lesquelles il s'était fondé ; leurs demandes n'ont pas été examinées avec sérieux ;

- les décisions sont entachées d'une erreur de droit, le motif reproché étant constitutif d'un défaut d'assimilation ;

- ils ne constituent pas une menace à l'ordre public ; ils sont intégrés en France ;

- ils contestent la teneur de la note du 30 juillet 2010 qui n'est pas circonstanciée ; s'ils ont gardé des contacts familiaux, ils n'ont jamais joué un rôle dans la rébellion tchétchène ; le ministre doit produire les notes prises au cours des entretiens de M. A... avec les services spécialisés de septembre et octobre 2009 ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut aux mêmes fins que son recours ;

il ajoute que le simple refus de M. A... de répondre aux questions posées par les services spécialisés de sécurité démontre à lui seul le doute qui subsiste sur sa loyauté ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 juillet 2013, présenté pour M. et Mme A... qui concluent par les mêmes moyens au rejet du recours ;

Vu l'ordonnance en date 15 juillet 2013 portant réouverture de l'instruction en application de l'article 613-4 du code de justice administrative ;

Vu la décision du 23 avril 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a constaté le maintien en appel de plein droit au bénéfice de M. A... de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordée en première instance le 18 mars 2011 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 23 avril 2013 du tribunal de grande instance de Nantes, rejetant Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. D... A... et Mme B... C... épouse A..., ressortissants de la Fédération de Russie, nés à Grozny, résident depuis le 29 mai 2003 en France, où leur a été reconnu le bénéfice du statut de réfugié ; qu'en juin 2009, ils ont sollicité l'acquisition de la nationalité française ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 10 novembre 2010 rejetant les demandes d'acquisition de la nationalité française présentées par M. et Mme A... ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ; qu'en outre, lorsque la naturalisation est sollicitée par deux époux et dès lors que la communauté de vie est effective entre ces derniers, des faits, justifiant un refus de naturalisation, imputables à l'un, peuvent légalement fonder une décision de refus opposée à l'autre ;

3. Considérant que, pour rejeter la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. A... le ministre chargé des naturalisations s'est fondé sur le motif tiré de ce que le postulant était connu pour son activisme au profit de la cause indépendantiste tchétchène durant les deux guerres contre les forces armées russes et pour ses liens avec des individus impliqués dans la mouvance islamo-tchétchène ; que, mariée depuis le 10 juin 1993 et vivant effectivement avec ce dernier depuis cette date, Mme A... ne pouvait ignorer l'activisme de son époux, et qu'elle avait déclaré lors de l'entretien avec les services de sécurité, entretenir personnellement des relations avec des militants de la cause indépendantiste tchétchène ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour prendre les décisions contestées, le ministre s'est fondé sur la note du 30 juillet 2010 du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques indiquant que M. A... retient l'attention de ses services depuis 2003 en raison de son activisme au profit de la cause indépendantiste tchétchène, et des liens qu'il entretient avec des individus impliqués dans la mouvance islamo-tchétchène, et que lors des entretiens menés en septembre et octobre 2009, il a déclaré avoir conservé de nombreux contacts amicaux au sein de sa communauté, sans vouloir s'expliquer sur son rôle éventuel au cours de la rébellion tchétchène, et en refusant d'évoquer ses relations avec les milieux islamistes ; que, selon cette note, Mme A..., entendue également aux mêmes périodes, a déclaré connaître l'engagement de son époux en faveur de la rébellion et a précisé qu'elle entretenait personnellement des relations avec des militants de la cause indépendantiste ; que, si M. et Mme A... contestent fermement la teneur de cette note, les éléments de cette dernière, non remis en cause par la production des attestations non circonstanciées de proches des requérants, étaient de nature à créer un doute sur le loyalisme des postulants envers la France ainsi que l'indique le ministre ; qu'en rejetant pour ce motif les demandes de naturalisation des intéressés, le ministre, qui a fait usage de son large pouvoir d'apprécier l'opportunité d'accorder la naturalisation sollicitée, n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé ses décisions du 10 novembre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée à ce titre par M. et Mme A... ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 31 décembre 2012 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes et leurs conclusions présentées en appel tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. et Mme D...A....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2014.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00718


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00718
Date de la décision : 14/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité. Acquisition de la nationalité. Naturalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-14;13nt00718 ?
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