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14/02/2014 | FRANCE | N°12NT02444

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 14 février 2014, 12NT02444


Vu la requête, enregistrée le 29 août 2012, présentée pour la commune du Domagné-Chaumeré, représentée par son maire, par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; la commune du Domagné-Chaumeré demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003086 du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. B... D... et de l'EARLD..., l'arrêté du 8 juin 2010 par lequel son maire a décidé, d'acquérir par voie de préemption, la parcelle cadastrée section G n° 213, située au lieudit " la Champagne " ;

2°) de rejeter leur

demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la c...

Vu la requête, enregistrée le 29 août 2012, présentée pour la commune du Domagné-Chaumeré, représentée par son maire, par Me Lahalle, avocat au barreau de Rennes ; la commune du Domagné-Chaumeré demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003086 du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. B... D... et de l'EARLD..., l'arrêté du 8 juin 2010 par lequel son maire a décidé, d'acquérir par voie de préemption, la parcelle cadastrée section G n° 213, située au lieudit " la Champagne " ;

2°) de rejeter leur demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. D... et de l'EARL D...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Rennes, la demande de première instance de M. D... et de l'EARL D...était irrecevable, ces derniers ne disposant pas d'aucun intérêt à l'annulation de la décision du 8 juin 2010 ;

- en annulant la décision de préemption au motif qu'une partie de la parcelle cadastrée section G n° 213 était classée en zone N dans laquelle le droit de préemption de la commune ne pouvait s'exercer, les premiers juges n'ont pas tenu compte de la spécificité de la cession faisant l'objet de la préemption et ainsi manifestement mal apprécié les conditions d'applications des dispositions de l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme ; les premiers juges devaient reconnaitre l'impossibilité de la commune d'exercer une préemption partielle compte tenu de la mise en vente du bien par voie d'adjudication ; à défaut, une annulation partielle de l'arrêté du 8 juin 2010 doit être prononcée ;

- les autres moyens présentés en première instance doivent être écartés ; le maire était compétent pour signer la décision de préemption ; cette décision est suffisamment motivée ; la réalité du projet de contournement de la commune est établie, de sorte que les dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été méconnues ; la décision de préemption n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation, compte tenu de l'objectif du contournement de la commune, rendu nécessaire par l'importance du trafic routier ; le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 12 novembre 2012 et 9 juillet 2013, présentés pour M. B... D..., demeurant ...et pour l'EarlD..., représentée par son gérant, dont le siège est situé La Saugayère à Domagné-Chaumeré (35133), par Me Bonnat, avocat au barreau de Rennes, qui concluent au rejet de la requête et demandent en outre que soit mise à la charge de la commune de Domagné-Chaumère une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent que :

- leur demande de première instance était recevable, chacun d'entre eux disposant d'une qualité pour agir contre l'arrêté en litige ;

- en considérant qu'aucune disposition législative particulière n'autorisait une préemption partielle d'une unité foncière unique en cas d'adjudication, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une erreur de droit ou d'appréciation ; le droit de préemption ne peut s'exercer sur une parcelle dont l'intégralité n'est pas incluse dans la zone de préemption de la commune ; l'offre de vente portait sur l'intégralité de la parcelle cadastrée G n° 213 et était indivisible ;

- à titre subsidiaire, d'autres moyens entachent d'illégalité l'arrêté du 8 juin 2010 ; il n'est pas suffisamment motivé ; l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme a été méconnu, le projet de contournement est n'étant pas envisagé à la date de la décision en litige ; la préemption de la parcelle dans son intégralité ne correspond pas à un besoin effectif et est, en conséquence, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; le but de cette acquisition est la constitution d'une réserve foncière en vue de l'urbanisation future du secteur et de la création d'un lotissement communal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., substituant Me Lahalle, avocat de la commune de Domagné-Chaumère ;

- et les observations de MeC..., substituant Me Bonnat, avocat de M. D... et de l'EARLD... ;

1. Considérant que, compte tenu de l'objectif de la commune de Domagné-Chaumeré (Ille-et-Vilaine) d'organiser une trame viaire permettant de contourner son centre bourg et de relier les routes départementales 34 et 99 à l'est de son territoire, son maire a, par arrêté du 8 juin 2010, décidé d'acquérir, par voie de préemption, la parcelle cadastrée section G n° 213, d'une superficie totale de 52 052 m², située au lieudit " la champagne ", appartenant à l'Etat ; que la commune de Domagné-Chaumeré relève appel du jugement du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de M. B... D... et de l'EarlD..., cet arrêté ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance de M. D... et de l'EarlD... :

2. Considérant que le locataire d'un bien agricole préempté justifie à ce titre d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer à la juridiction administrative la décision par laquelle une collectivité publique a décidé de faire usage de son droit de préemption sur ce bien ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... justifie de sa qualité de preneur de la parcelle cadastrée section G n° 213, regroupant les parcelles anciennement cadastrées section A nos 314, 383, 387, 388, 391, 393, 394, 624 et 644, en vertu d'un bail à ferme conclu le 5 septembre 1978, d'une durée de 9 ans, reconduit par tacite reconduction ; que, contrairement à ce que soutient la commune, il s'est acquitté des fermages liés à la location de cette parcelle ; que, dans ces conditions, il avait intérêt et qualité pour agir devant les premiers juges; qu'ainsi le recours pour excès de pouvoir formé contre l'arrêté du 8 juin 2010 était recevable en tant qu'il émanait de M. B... D... ; qu'il n'est, par suite, pas nécessaire de rechercher si le recours pour excès de pouvoir était également recevable en tant qu'il était présenté par M. D..., au titre d'une éventuelle acquisition de cette parcelle par ses soins, ou en tant qu'il était présenté par l'EARLD..., dont il est l'unique associé, et pour les besoins de l'exploitation de laquelle il indique avoir mis cette parcelle à disposition gratuitement par acte du 1er avril 2007 ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Domagné-Chaumeré à la recevabilité de la demande devant le tribunal administratif doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'il résulte de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme que le droit de préemption d'une commune dotée d'un plan local d'urbanisme ne peut s'exercer que dans les zones urbaines et dans les zones d'urbanisation future délimitées par ce plan dans lesquelles elle a institué un droit de préemption urbain ; que si l'article L. 213-2-1 du même code permet à la commune, lorsque la réalisation d'une opération d'aménagement le justifie, d'exercer son droit de préemption urbain sur la fraction d'une unité foncière mise en vente qui est comprise dans une zone soumise à ce droit, et précise qu'en ce cas le propriétaire peut exiger de la commune qu'elle se porte acquéreur de l'ensemble de cette unité foncière, il n'autorise pas la commune à préempter ceux des éléments d'un ensemble immobilier faisant l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner unique qui sont situés dans une zone où le droit de préemption ne peut pas s'exercer ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 12 avril 2006, le conseil municipal de Domagné-Chaumeré a décidé, en application des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, d'instituer sur l'ensemble de son territoire un droit de préemption urbain sur les zones U telle qu'elles figurent sur le règlement graphique de son plan local d'urbanisme approuvé le même jour ; qu'il est constant que, contrairement à ce qui est indiqué dans l'arrêté du 8 juin 2010, une partie de la parcelle G 213, qui constitue une unité foncière unique, faisant l'objet de la décision contestée, est située en zone N dans laquelle la commune ne pouvait pas exercer son droit de préemption ; qu'il résulte, par ailleurs, de ce qui a été dit au point 3, qu'en l'absence de dispositions législatives en ce sens, le maire de la commune de Domagnè-Chaumère ne pouvait décider de préempter l'intégralité de la parcelle cadastrée section G n° 213 en se fondant sur la seule circonstance que la cession de cette parcelle devait intervenir par voie d'adjudication volontaire ; qu'enfin, une décision de préemption, qui porte sur une unité foncière unique, présente un caractère indivisible, nonobstant les possibilités de préemption partielle ouvertes par l'article L. 213-2-1 du code de l'urbanisme dans des conditions strictement définies ; que, dès lors, la commune de Daumagné-Chaumeré n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en jugeant qu'elle n'avait pu légalement exercer son droit de préemption sur cette parcelle ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune du Domagné-Chaumeré n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 8 juin 2010 ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Domagné-Chaumeré le versement à M. D... et autres d'une somme de 2 000 euros qu'ils demandent au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Domagné-Chaumeré est rejetée.

Article 2 : La commune du Domagné-Chaumeré versera à M. B... D... et à l'Earl D...une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Domagné-Chaumeré, à M. B... D..., à l'EarlD....

Copie sera adressée à la direction départementale des finances publiques de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2014.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 12NT02444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02444
Date de la décision : 14/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : LAHALLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-14;12nt02444 ?
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