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13/02/2014 | FRANCE | N°13NT00964

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 13 février 2014, 13NT00964


Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2013, présentée pour la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade dont le siège social est Château de l'Echarderie à Rochefort-sur-Loire (49190) par Me Pailhes, avocat au barreau de Paris ; la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903859 du 7 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période allant du

1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ainsi que des pénalités dont ces ra...

Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2013, présentée pour la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade dont le siège social est Château de l'Echarderie à Rochefort-sur-Loire (49190) par Me Pailhes, avocat au barreau de Paris ; la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903859 du 7 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle est redevable au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ainsi que des pénalités dont ces rappels ont été assortis ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

elle soutient que :

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire au cours du contrôle ;

- c'est à tort que sa comptabilité a été écartée comme non probante ;

- la méthode de reconstitution des recettes est erronée ;

- la taxation à la taxe sur la valeur ajoutée des vins prélevés pour couvrir ses offerts n'est pas justifiée ;

- l'administration n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de l'absence de bonne foi ; les pénalités mises à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ne sont donc pas justifiées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget ; il conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la redevable a bénéficié d'un débat oral et contradictoire ;

- la requérante ne peut invoquer en matière de procédure une doctrine de l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- c'est à bon droit que la comptabilité de la redevable a été écartée comme non probante compte tenu de la gravité des irrégularités relevées ;

- la requérante ne justifie pas du caractère erroné de la méthode de reconstitution employée ;

- c'est à bon droit qu'une partie des prélèvements en nature a été taxée dès lors que d'une part la requérante ne peut offrir de cadeaux à un même bénéficiaire d'une valeur supérieure à 31 euros et que d'autre part certains de ces cadeaux ne sont pas justifiés ;

- l'administration a justifié de l'absence de bonne foi chez la redevable ;

Vu les nouveaux mémoires, enregistrés les 18 décembre 2013 et 16 janvier 2014 ; elle conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,

- et les observations de Me Pailhes, avocat, représentant la société civile d'exploitation agricole Vignobles Lafourcade ;

1. Considérant que la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade, qui exploite un domaine viticole, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ; qu'à la suite de cette vérification, le service a rejeté la comptabilité de la société comme irrégulière et non probante et a procédé à la reconstitution de ses recettes à partir d'une évaluation de ses stocks de bouteilles de vin ; que la société Laffourcade relève appel du jugement du 7 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ;

Sur la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la vérification de la comptabilité de la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade a eu lieu dans ses locaux ; qu'il incombe, dès lors, à la société requérante, qui conteste l'existence d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur lors de la procédure de vérification, d'établir que ce dernier se serait refusé à tout échange de vues avec elle ; qu'en se bornant toutefois à reprocher au vérificateur, alors qu'il n'y était pas tenu au regard de la loi fiscale, de ne pas avoir évoqué lors de la réunion de synthèse du 19 juillet 2007, les motifs l'ayant conduit à écarter comme non probante sa comptabilité, alors qu'une quinzaine de rencontres ont été organisées durant le contrôle, la requérante n'établit pas que le vérificateur se serait refusé à engager un débat oral et contradictoire au cours des opérations de vérification ;

3. Considérant, en second lieu, que la requérante n'est pas fondée, s'agissant de la procédure d'imposition, à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une documentation administrative ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : "(....) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...)" ;

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

5. Considérant que pour écarter la comptabilité de la requérante comme non probante, le vérificateur a relevé que la société n'avait pas conservé sur un support informatique l'enregistrement des stocks et de certaines pièces justificatives de recettes, qu'elle avait enregistré certaines factures avec une numérotation non chronologique ; que le vérificateur avait également relevé le défaut de présentation d'une déclaration de récolte probante des hectolitres de vin pour l'année 2003, le défaut d'inventaires probants des stocks de bouteilles vides, le défaut d'un inventaire probant des stocks de capsules représentatives de droits de circulation à apposer sur les bouteilles de vins, de pièces justificatives pour les vins offerts et l'existence d'erreurs affectant la comptabilisation de ses stocks de vin ; qu'il résulte de l'instruction que la requérante a effectivement volontairement et artificiellement majoré l'état d'inventaire, établi au titre de l'exercice clos en 2004, de son stock de vin, de 10 000 bouteilles de vin représentant un volume de 75 000 litres ; que cette irrégularité était d'une gravité suffisante pour que le vérificateur écarte la comptabilité de la société civile d'exploitation agricole Vignobles Lafourcade comme non probante ; qu'il s'ensuit que, l'administration s'étant conformée à l'avis émis le 20 janvier 2008 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la société civile d'exploitation agricole Vignobles Lafourcade supporte, en application des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de prouver le caractère exagéré des impositions mises à sa charge ;

En ce qui concerne la méthode de reconstitution :

6. Considérant que le vérificateur a reconstitué l'état de stock de vin de la société, au titre de l'exercice clos en 2004, à partir du stock physique constaté par le service des douanes et relevé dans un procès-verbal établi par celui-ci le 16 novembre 2004, duquel il a retiré la quantité de vin vendue entre le 17 novembre 2011 et le 31 décembre 2004 et ajouté la production de vin de l'année 2004 figurant sur la déclaration de récolte de la société ; que, la quantité de vin résultant de cet état de stock reconstitué étant inférieure de 277,30 hectolitres à celle figurant sur l'état de stock présenté par la société, le vérificateur a multiplié le volume de vin porté comme manquant par le prix moyen du vin pratiqué tant auprès des particuliers que des professionnels lors des exercices vérifiés ;

7. Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que le service des douanes a omis de comptabiliser le 16 novembre 2004 en sus des 77 039 litres de vins dont la présence physique a été constatée par le service des douanes, un stock de bouteilles comportant des capsules représentatives de droits de circulation correspondant à un volume de 15 600 litres ; que la requérante ne justifie, cependant pas, à partir de constatations d'huissier effectuées tant en décembre 2007 qu'en janvier 2014, que son stock de bouteilles de vin tel qu'il a été relevé le 16 novembre 2004 par le service des douanes a été minoré, par erreur, de 15 600 litres ;

8. Considérant, en second lieu, que la requérante ne conteste pas que les tarifs de vente de vin au litre dont elle demande la prise en compte tant pour la reconstitution de ses recettes que de la taxation des cadeaux d'affaires non justifiés ont été calculés à partir de données issues de sa comptabilité, qui comme il a été indiqué précédemment, a été écartée comme dénuée de valeur probante ; qu'elle ne justifie en conséquence pas que c'est à tort que l'administration fiscale a retenu pour quantifier les recettes omises, à partir d'un examen des factures délivrées à ses clients tant particuliers que professionnels, un prix moyen de 15,41 euros hors taxes et ne démontre par suite pas le caractère vicié ou erroné de la méthode employée par le vérificateur ;

En ce qui concerne la taxation des prélèvements en nature comme des livraisons à soi-même :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : "Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 8° Les opérations suivantes assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux. 1. Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux : a) Le prélèvement par un assujetti d'un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu'il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu'il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l'entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons. Le montant à retenir pour l'imposition des prélèvements correspondant aux cadeaux de faible valeur est fixé par arrêté. Cette limite s'applique par objet et par an pour un même bénéficiaire (...)" ; qu'aux termes de l'article 23 N de l'annexe IV au code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : "La limite visée au a du 1 du 8° de l'article 257 du code général des impôts est fixée à 31 euros toutes taxes comprises" ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration ayant constaté qu'une partie des prélèvements en nature effectués par la requérante n'était d'une part justifiée compte tenu de l'imprécision des bénéficiaires et excédait d'autre part le seuil prévu à l'article 23 N de l'annexe IV au code général des impôts et a en conséquence taxé, sur le fondement du a du 1 du 8° de l'article 257 du code général des impôts les sommes de 59 945 et 59 481 euros ; qu'en se bornant à soutenir que l'intégralité des prélèvements en nature étaient justifiés dès lors qu'ils étaient destinés à couvrir les offerts et les dégustations inhérents à l'exploitation, la requérante ne démontre pas le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ;

Sur les pénalités :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : "Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...)" ;

12. Considérant qu'en se prévalant de la majoration artificielle et volontaire de son stock par la comptabilisation de 10 000 bouteilles supplémentaires ainsi que la pratique répétée de prélèvements en nature injustifiés, l'administration justifie de l'intention de la société requérante d'éluder l'impôt et par suite de l'existence d'un manquement délibéré au sens de l'article 1729 du code général des impôts ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole Vignobles Laffourcade et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2014.

Le rapporteur,

F. ETIENVRE Le président,

H. LENOIR

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00964
Date de la décision : 13/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : PAILHES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-13;13nt00964 ?
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