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30/01/2014 | FRANCE | N°13NT02841

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 30 janvier 2014, 13NT02841


Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Vaultier, avocat au barreau de Nantes ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 133248 en date du 19 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2013 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au

préfet de la Mayenne de procéder à un nouvel examen de sa situation aux fins notamme...

Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2013, présentée pour Mme B... A..., demeurant..., par Me Vaultier, avocat au barreau de Nantes ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 133248 en date du 19 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2013 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de procéder à un nouvel examen de sa situation aux fins notamment de délivrance d'un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Vaultier, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- le préfet de la Mayenne n'a pas procédé à un examen de sa situation tant au regard de

sa vie privée et familiale que des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en tant qu'il fixe le pays de destination, l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2013, présenté par le préfet de la Mayenne qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- il a procédé à un examen de la situation personnelle de Mme A... ;

- il n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers est inopérant dès lors qu'elles s'appliquent aux étrangers faisant l'objet d'une interdiction du territoire français ;

- Mme A... n'apporte aucune preuve permettant d'établir les risques allégués en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 26 août 2013 admettant Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Vaultier pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante guinéenne, relève appel du jugement en date du 19 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mars 2013 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne, en prenant l'arrêté contesté, lequel ne mentionne pas, contrairement aux affirmations de la requérante, que celle-ci est célibataire, mais indique que son concubin est en situation irrégulière, que le couple n'a pas d'enfant, que la cellule familiale peut se reconstituer en Guinée où Mme A... n'allègue être dépourvue d'attaches familiales, qu'il n'a pas été porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale et que l'intéressée n'établit pas être exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, a procédé à un examen complet de la situation de Mme A..., notamment au regard de sa situation personnelle et familiale ainsi que des risques encourus en cas de retour en Guinée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

4. Considérant que pour refuser à Mme A... le renouvellement de son titre de séjour délivré en qualité d'étranger malade, le préfet de la Mayenne s'est fondé sur l'avis du 22 février 2013 du médecin de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire indiquant que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressée ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, cet avis a confirmé les termes d'un précédent avis en date du 10 mai 2012 rendu par le même médecin ; que si Mme A... fait valoir que le rapport médical établi le 11 juillet 2012 par le docteur Leveleux, médecin expert près la cour d'appel d'Angers, n'a pas été soumis à l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment d'un courrier en date du 26 mars 2013 du docteur Leveleux, que ce dernier, qui a examiné l'intéressée le 9 juillet 2012, a envoyé le 19 février 2013, soit à une date antérieure à l'avis médical en date du 22 février 2013, le rapport établi le 11 juillet 2012 à la suite de cet examen ; qu'il n'est donc pas établi que l'autorité administrative n'aurait pas pris en compte le rapport médical du 11 juillet 2012 ; que, par ailleurs, Mme A... ne produit aucun document de nature à infirmer l'appréciation portée par l'autorité administrative quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité pouvant résulter du défaut de prise en charge de la requérante ; que, par suite, et alors même que Mme A... s'était antérieurement vue délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 30 mai 2012 jusqu'au 10 septembre 2012, le préfet de la Mayenne n'a pas, en refusant de délivrer un titre de séjour pour raisons de santé à la requérante et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11, ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que Mme A..., entrée irrégulièrement en France le 28 août 2010, soutient qu'elle vit en concubinage avec un compatriote, M. C..., présent sur le territoire français depuis 2009 avec lequel elle a eu une fille, née le 13 août 2013, que celle-ci sera exposée à des risques d'excision en cas de retour en Guinée et que l'état de santé de son concubin nécessite un suivi médical en France ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C..., dont la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade a été rejetée par un arrêté du préfet de la Mayenne en date du 21 décembre 2012, assorti d'une obligation de quitter le territoire français, réside en France en situation irrégulière ; que Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la naissance de sa fille, qui est postérieure à l'arrêté contesté ; qu'elle n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet de la Mayenne n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants " ;

8. Considérant que si Mme A..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du 26 janvier 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée, le 9 novembre 2011, par la Cour nationale du droit d'asile, et dont la demande de réexamen a été rejetée par une décision de l'Office en date du 21 février 2012, soutient qu'elle a été victime en Guinée, en raison de son refus d'un mariage forcé, de violences de la part de son oncle, qui peuvent se reproduire en cas de retour dans son pays d'origine, l'avis de recherche qu'elle a produit devant les premiers juges au soutien de ses allégations ne présente pas les garanties d'authenticité suffisantes pour établir la réalité des risques auxquelles elle serait personnellement exposée en cas de retour en Guinée ; que, par suite, en prenant la décision fixant le pays de destination, le préfet de la Mayenne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme A... ;

9. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que Mme A..., qui n'a pas fait l'objet d'une peine d'interdiction du territoire prononcée par le juge judiciaire, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Mayenne de procéder à un nouvel examen de sa situation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme A..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2014.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

G. BACHELIER

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT028412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02841
Date de la décision : 30/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : VAULTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-30;13nt02841 ?
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