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30/01/2014 | FRANCE | N°13NT02748

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 30 janvier 2014, 13NT02748


Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2013, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me Vaultier, avocat au barreau de Nantes ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301510 en date du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2012 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation du pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire fra

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2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjo...

Vu la requête, enregistrée le 25 septembre 2013, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me Vaultier, avocat au barreau de Nantes ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301510 en date du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2012 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation du pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de procéder à un nouvel examen de sa situation aux fins notamment de délivrance d'un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Vaultier, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

il soutient que :

- le préfet de la Mayenne n'a pas procédé à un examen de sa situation tant au regard de sa vie privée et familiale que des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ainsi que celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français, l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en tant qu'il fixe le pays de destination, l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet de la Mayenne ne pouvait pas prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que sa fille encourt des risques d'excision en cas de retour en Guinée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier dont il résulte que le préfet de la Mayenne n'a pas produit de mémoire ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 19 août 2013 admettant M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Vaultier pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 janvier 2014 le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;

1. Considérant que M. C..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement en date du 7 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2012 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation du pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne a procédé à un examen particulier de la situation de M. C..., notamment au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant soutient que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il mentionne qu'il est célibataire alors qu'à la date de l'intervention de cette décision, il vivait en concubinage avec une ressortissante guinéenne, il n'établit toutefois pas avoir informé le préfet de cette situation préalablement à l'intervention de cet arrêté ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être rejeté ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

5. Considérant que le préfet a, au vu de l'avis émis, le 20 novembre 2012, par le médecin de l'agence régionale de santé des Pays-de-la-Loire, estimé que M. C... ne remplissait pas les conditions pour obtenir la carte de séjour temporaire qu'il avait sollicitée en qualité d'étranger malade ; que ce médecin a, en effet, indiqué, sans entacher son avis de contradiction, que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale et que les soins nécessités par son état de santé, indisponibles dans son pays d'origine, devaient être poursuivis pour une durée de quatre mois, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner pour le requérant des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le seul certificat médico-légal produit par M. C..., établi le 8 juin 2012 par le docteur Levelleux, médecin expert près la cour d'appel d'Angers, qui ne se prononce pas sur l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité pouvant résulter d'un défaut de prise en charge médical du requérant, n'est pas de nature à infirmer l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, ni à établir que les pathologies dont souffre M. C... nécessiteraient un bilan médical complémentaire ; que, par suite, le préfet de la Mayenne n'a pas, en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour pour raisons de santé et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11, ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que si M. C..., entré irrégulièrement en France le 1er mai 2009, soutient qu'il vit depuis 2011 en concubinage avec une compatriote, Mme B..., avec laquelle il a eu une fille, il ressort, toutefois, des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté sa concubine n'était titulaire que d'un récépissé de demande de titre de séjour ; que la naissance de sa fille est intervenue le 13 août 2013, soit postérieurement à l'arrêté contesté, et est ainsi sans incidence sur sa légalité ; qu'en outre, M. C... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Guinée où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans ; que, dans ces conditions, le préfet de la Mayenne n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants " ;

9. Considérant que M. C..., dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision du 8 octobre 2009 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 13 octobre 2010 par la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'étant membre d'un parti politique d'opposition, il a été emprisonné pendant trois semaines au cours desquelles il aurait subi des mauvais traitements ainsi que des violences ; que toutefois le certificat médico-légal en date du 8 juin 2012, selon lequel " les constatations faites ce jour sont compatibles avec les dires de l'intéressé " ne peut être regardé comme établissant la réalité des risques encourus en cas de retour en Guinée ; que, par suite, en prenant la décision fixant le pays de destination, le préfet de la Mayenne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en sixième lieu, que M. C..., qui n'a pas fait l'objet d'une peine d'interdiction du territoire prononcée par le juge judiciaire, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 541-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré irrégulièrement en France le 1er mai 2009, a fait l'objet le 10 novembre 2010 d'une mesure d'éloignement restée inexécutée ; que, comme il a été dit au point 7, le requérant ne justifie pas de la stabilité du séjour de sa compagne et ne peut utilement se prévaloir de la naissance de sa fille, intervenue postérieurement à l'arrêté contesté ; que, dans ces conditions, et alors même que la présence de M. C... ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Mayenne a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

13. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. C... ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Mayenne de procéder à un nouvel examen de sa situation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. C..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2014.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

G. BACHELIER

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT027482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02748
Date de la décision : 30/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : VAULTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-30;13nt02748 ?
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