Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2013, présentée pour Mme B... D... épouse F..., demeurant..., par Me Sadek, avocat au barreau de Toulouse ; Mme F... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1109638 du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 7 janvier 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a déclaré irrecevable sa demande de d'acquisition de la nationalité française, et, d'autre part, de la décision du 4 août 2011 rejetant son recours gracieux ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer une carte nationale d'identité, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la décision du 7 janvier 2011 a été pris par une autorité incompétente ; eu égard à la nature de la décision en litige, le ministre en charge des naturalisations devait être l'auteur de la décision en litige ; les textes de délégations de signature n'ont jamais été portés à sa connaissance ;
- la décision d'irrecevabilité est insuffisamment motivée ; elle a toujours été en situation régulière en France ; le moyen n'était pas inopérant ;
- la décision d'ajournement est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a, compte tenu de sa demande de titre de séjour, toujours été en situation régulière depuis son entrée en France à l'expiration de sa demande de visa de court séjour ; elle a intégré les valeurs du socle républicain ; elle est intégrée professionnellement ; sa nationalité étrangère l'empêche d'être titularisée au sein de la fonction publique locale ; ses enfants sont de nationalité française ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut de motivation manquent en fait ;
- il ressort des pièces du dossier qu'elle a séjourné irrégulièrement sur le territoire français jusqu'au 30 août 2005, date de dépôt de sa première demande de titre de séjour ; ce n'est qu'à compter de cette date que la période de résidence habituelle de cinq ans exigée à l'article 21-17 du code civil a pu commencer à courir et n'était donc pas en l'espèce entièrement écoulée à la date de dépôt de sa demande de naturalisation, le 3 novembre 2009 ; le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté ;
- les autres éléments sont sans incidence sur la légalité des actes attaqués et ne confèrent à l'intéressée aucunement le droit d'être naturalisée, dès lors qu'elle ne remplit pas la condition de stage prévue à 1' article 21-17 du code civil ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2013, présenté pour Mme F... qui conclut par les mêmes moyens aux mêmes fins que sa requête ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes, en date du 16 octobre 2013, rejetant la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme F... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2013 :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;
1. Considérant que Mme D... épouse F..., de nationalité algérienne, interjette appel du jugement du 30 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 7 janvier 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a déclaré irrecevable sa demande de d'acquisition de la nationalité française, et, d'autre part, de la décision du 4 août 2011 rejetant son recours gracieux ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre (...) et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale (...) " ; que l'article 3 du même décret prévoit que : " Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l'article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° Aux magistrats, aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d'un niveau équivalent, qui n'en disposent pas au titre de l'article 1er(...) " ; que l'administration a produit, d'une part, le décret du 15 juillet 2009, publié au Journal officiel de la République française du 16 suivant, nommant M. C... directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté au ministère de l'immigration, et, d'autre part, la décision du 21 juillet 2009, publiée au Journal officiel de la République française du 25 juillet 2009, en vigueur à la date de la décision initiale d'ajournement, par laquelle M. C... a délégué sa signature à Mme E... A...à l'effet de signer notamment les décisions déclarant irrecevable une demande de naturalisation ; que, par suite, et alors même que la décision critiquée ne vise pas ces délégations de signature, qui n'avaient pas à être notifiées à la requérante, le moyen tiré de l'incompétence de cette dernière pour signer la décision du 7 janvier 2011 manque en fait ;
3. Considérant, en second lieu, que les décisions contestées comportent l'indication des considérations de droit et de fait en constituant le fondement ; qu'elles sont ainsi régulièrement motivées ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant que, par ses décisions du 7 janvier et du 4 août 2011, le ministre a déclaré irrecevable la demande de naturalisation de Mme F..., en application des dispositions de l'article 21-17 du code civil, au motif que la requérante ne justifiait pas, à la date de signature de sa demande de naturalisation, de cinq années de résidence continue et régulière en France ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 21-17 du code civil : " Sous réserve des exceptions prévues aux articles 21-18, 21-19 et 21-20, la naturalisation ne peut être accordée qu'à l'étranger justifiant d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande. " ;
6. Considérant qu'un étranger en situation irrégulière au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers ne peut être regardé comme remplissant la condition de résidence posée par les dispositions précitées de l'article 21-17 du code civil ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme F..., entrée régulièrement en France sous couvet d'un visa de court séjour le 30 avril 2004, s'est maintenue sur le territoire français entre la date d'expiration de son visa de court séjour et le 30 août 2005, date de délivrance de sa première carte de séjour temporaire ; qu'à supposer que lui ait été délivré un récépissé de sa première demande de titre de séjour le 30 avril 2005, lors de l'introduction de cette demande en application des dispositions de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce dont elle ne justifie pas, la période de résidence habituelle de cinq ans exigée à l'article 21-17 du code civil n'était pas écoulée à la date non contestée du dépôt de la demande de naturalisation de Mme F..., le 3 novembre 2009 ; que, dans ces conditions, et sans que la requérante puisse utilement se prévaloir de ce qu'elle est intégrée professionnellement et personnellement, de ce que ses enfants ont la nationalité française et de ce que sa naturalisation lui permettrait d'obtenir une titularisation au sein de la fonction publique locale, elle ne peut être regardée comme satisfaisant à la condition prévue par les dispositions de l'article 21-17 du code civil ; que, dès lors, le ministre a pu, sans entacher sa décision ni d'une erreur de droit ni d'une erreur d'appréciation, constater, pour ce motif, l'irrecevabilité de sa demande ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme F..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de lui délivrer une carte nationale d'identité ne peuvent, dès lors et en tout état de cause, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat,
qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par Mme F... pour son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... épouse F... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2014.
Le rapporteur,
M-P. ALLIO-ROUSSEAU
Le président,
B. ISELIN
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT02102