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17/01/2014 | FRANCE | N°13NT01446

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 17 janvier 2014, 13NT01446


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par Me Chupin, avocat au Barreau de Nantes ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101137 en date du 19 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le rejet par le consul général de France à Conakry (Guinée) de ses demandes de visa de long séjour présentées pour se

s enfants Alpha, Mariame et ZenaB... ;

2°) d'annuler la décision du 10 fé...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour Mme C... B..., demeurant..., par Me Chupin, avocat au Barreau de Nantes ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101137 en date du 19 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2011 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé le rejet par le consul général de France à Conakry (Guinée) de ses demandes de visa de long séjour présentées pour ses enfants Alpha, Mariame et ZenaB... ;

2°) d'annuler la décision du 10 février 2011 pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal de délivrer les visas sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire de réexaminer leur situation, dans le même délai, et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- en l'absence de précision, dans la décision du 10 février 2011, sur la composition de la

commission ayant statué sur son recours, la régularité de celle-ci n'est pas établie ;

- la décision querellée, qui refuse un visa aux bénéficiaires d'une autorisation de regroupement familial, est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 ;

- la décision de refus de visa méconnait les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; elle a fui son pays avec son mari pour échapper aux persécutions dont ils étaient victimes ; elle a obtenu le bénéfice de la procédure de famille rejoignante de réfugié statutaire ; refuser le visa méconnait le principe de l'unité de la famille dû au réfugié ;

- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il n'y a aucun doute sur la filiation de ses enfants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 août 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de recours (CRRV) n'a pas été soulevé devant le tribunal administratif ; or, le requérant ne peut soulever en cause d'appel un moyen de légalité externe nullement invoqué en première instance ;

- Mme B... ne justifie pas avoir expressément sollicité de la CRRV la communication des motifs de la décision implicite de rejet de la commission de recours ; en outre, le 10 février 2011, la commission de recours a pris une décision expresse de rejet, qui s'est substituée à la première décision, et qui est parfaitement motivée ;

- Mme B... a produit pour chacun de ses enfants des documents d'état civil contradictoires et frauduleux ; dans ces conditions, la commission a pu refuser la délivrance des visas sollicités sans entaché sa décision d'erreur d'appréciation ;

- à défaut de lien de filiation établi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Vu la décision du 25 mars 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, notamment son article 3-1 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2013 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B..., ressortissante guinéenne entrée en France en 2007 avec son époux aujourd'hui décédé, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 7 mai 2008 ; qu'elle a demandé à bénéficier de la procédure de famille rejoignante de réfugié statutaire pour les trois enfants restés en Guinée, Alpha, Mariame et Zena ; que, par décisions du consul général de France en Guinée du 18 août 2010, les demandes de visas ont été rejetées ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté, le 23 décembre 2010, le recours présenté par l'intéressée ; que, le 10 février 2011, la commission de recours a pris une décision expresse de rejet, qui s'est substituée à cette décision implicite ; que Mme B... interjette appel du jugement en date du 19 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2011 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, d'une part, que la circonstance que la décision du 10 février 2011 ne comporte pas l'indication de la composition de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'est pas de nature à établir l'irrégularité de cette composition ; que le moyen tiré d'une telle irrégularité doit être écarté ;

3. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision explicite du 10 février 2011 de la commission de recours s'est substituée à la décision implicite ainsi qu'à celles des autorités consulaires du 18 août 2010 ; que les conclusions à fin d'annulation initialement présentées par la requérante devant le tribunal administratif à l'encontre de la décision implicite de la commission de recours devaient, dès lors, être regardées comme dirigées contre la décision explicite de la commission ; que celle-ci comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

4. Considérant, en premier lieu, que dans le cadre de la procédure de regroupement

familial applicable à un réfugié statutaire, l'administration n'est en droit de rejeter la demande de visa dont elle est saisie à cette fin que pour un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, s'agissant de l'enfant Mariame, qu'à l'appui de sa demande d'obtention du bénéfice du regroupement familial et de sa demande de visa, Mme B... a produit une copie intégrale de son acte de naissance, n° 1369, feuillet 69, registre 14, année 1999, alors qu'à l'appui de son recours a été produit un document, censé être sa copie conforme, mais qui diffère dans l'une des rubriques concernant la profession de la mère, qui ne serait plus " ménagère ", mais " commerçante " ; qu'en outre, les dates figurant sur les copies intégrales sont indiquées en chiffres, alors qu'elles devraient être écrites en lettres en vertu des articles 179 et 182 du code civil Guinéen ; que, s'agissant de l'enfant Zena, d'une part, aucune des trois pièces d'état civil présentées n'indique la même date de naissance, qui est tantôt le 4 juin 2002, tantôt le 10 août 2002 ou encore le 10 octobre 2002, et, d'autre part, ces extraits d'acte de naissance ont été délivrés par des services d'état-civil de deux communes différentes, Matoto et Dixinn, alors que cette dernière ne peut être en possession des registres de la première ; que Mme B... a, par ailleurs, déclaré, dans son dossier d'admission au statut de réfugié, que Zena était née, non en 2002, mais en 2004 ; qu'aucun élément du dossier ne permet, en outre, d'établir que Mme B... ait entretenu des relations privilégiées avec ces enfants depuis son départ pour la France en 2007 ; qu'enfin, s'agissant de l'enfant Alpha, né des relations entre M. B... et Mlle A..., avant son mariage avec Mme B..., et que cette dernière présente comme son fils, la requérante n'apporte aucune preuve de possession d'état ; qu'en outre, les diverses pièces d'état civil produites ne justifient ni de l'identité, ni de la filiation d'Alpha ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à expliquer les contradictions et divergences constatées entre les différents documents produits pour les enfants ; qu'aucune des pièces d'état civil présentées n'a été légalisée ; qu'en estimant, par suite, que l'absence de garanties suffisantes d'authenticité des documents produits ne permettait pas d'établir la filiation des enfants à l'égard de Mme B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence de lien de filiation établi entre Mme B... et ses enfants allégués, la requérante ne peut soutenir que la décision contestée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou méconnaitrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

7. Considérant, en troisième et dernier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'un refus de visa de séjour ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fins d'injonction, sous astreinte, présentées par l'intéressée ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 janvier 2014.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

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N° 13NT01446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01446
Date de la décision : 17/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : CHUPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-17;13nt01446 ?
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