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13/12/2013 | FRANCE | N°13NT01370

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 13 décembre 2013, 13NT01370


Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2013, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Hechmati, avocat au barreau de Nice ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107981 en date du 10 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française, ainsi que de la décision du 19 mai 2011 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès d

e pouvoir ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder le bénéf...

Vu la requête, enregistrée le 14 mai 2013, présentée pour M. D... B..., demeurant..., par Me Hechmati, avocat au barreau de Nice ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1107981 en date du 10 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française, ainsi que de la décision du 19 mai 2011 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder le bénéfice de la nationalité française, subsidiairement d'ajourner sa demande de réintégration dans la nationalité française ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas tenu compte de la note en délibéré adressée à la juridiction ;

- sa demande devait faire l'objet d'une décision du ministre de l'intérieur dans un délai

de 18 mois ; il y a vice de procédure, à défaut pour le ministre d'indiquer la date de la demande et de démontrer que ce délai a été respecté ;

- son épouse est entrée régulièrement sur le territoire français ; dès son arrivée, elle a engagé des démarches en vue d'obtenir un titre de séjour ; le refus de séjour qui lui a été opposé ayant été annulé, son séjour n'était pas irrégulier ;

- son enfant mineur n'avait pas besoin de titre de séjour, puisque son épouse est née en 1950, au moment où l'Algérie était française ;

- il remplissait toutes les conditions pour être réintégré dans la nationalité française ; il a travaillé comme maçon dans le BTP ; il a toujours respecté les valeurs de la République ; son casier judiciaire est vierge ; nul ne peut douter de sa moralité ; il n'existe aucune trace de renseignements défavorables le concernant ;

- il n'y a aucun document démontrant qu'il a hébergé son épouse ;

- aucune disposition ne faisait, en outre, obstacle à ce qu'il héberge régulièrement cette dernière ; en effet, en vertu de l'article 5 de la déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, tout ce qui n'est pas défendu par la loi est permis ; d'ailleurs, l'aide au séjour irrégulier ne donne pas lieu à poursuites pénales lorsqu'elle émane du conjoint, en application de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ; au surplus, les époux se doivent fidélité, secours et assistance en vertu de l'article 212 du code civil ;

- il doit bénéficier des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), dès lors qu'il y a une atteinte disproportionnée à sa vie familiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2013, présenté pour le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- au titre de la régularité du jugement, il s'en remet à la sagesse du tribunal quant à l'absence de communication de la note en délibéré ;

- au titre de la légalité externe, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure repose sur une cause juridique distincte de celle soulevée en première instance et est, par suite, irrecevable ; en tout état de cause, le délai prévu par l'article 21-25-1 du code civil n'est pas prescrit à peine de nullité ;

- au titre de la légalité interne, en premier lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait, faute d'établir le séjour de l'épouse de M. B... à son domicile de 2006 à 2010, doit être écarté ; il résulte tant des fiches AGDREF que de la copie de son titre de séjour que Mme A... est entrée en France le 17 août 2004 ; M. B... a déclaré sur l'honneur que les mentions portées sur les avis d'impôt sur le revenu édités pour les années précitées étaient exactes ;

- en deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24-1 du code civil est inopérant, les décisions litigieuses étant fondées sur les dispositions de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la CEDH n'est pas davantage opérant ;

- en troisième lieu, en dépit du fait que l'aide au séjour irrégulier de Mme A... n'a pas donné lieu à poursuites ou à condamnation, en raison de l'immunité dont il bénéficie en vertu de l'article L. 622-4 du CESEDA, le requérant n'a vu aucun inconvénient à méconnaitre, pendant une durée significative, la législation de l'Etat dont il sollicite l'allégeance ; compte tenu du caractère de faveur que revêt la naturalisation, il n'a commis aucune erreur manifeste en rejetant la demande de M. B... ;

Vu la décision du 5 juin 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2013 :

- le rapport de M. Millet, président-assesseur ;

1. Considérant que M. D... B..., de nationalité algérienne, interjette appel du jugement en date du 10 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration dans la nationalité française, ainsi que de la décision du 19 mai 2011 rejetant son recours gracieux ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 731-1 du code de justice administrative :

" Postérieurement au prononcé des conclusions du rapporteur public, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré " ;

3. Considérant que lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que, s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; qu'en l'espèce, le requérant ne justifiait d'aucune circonstance de fait ou de droit nouvelle, imposant aux premiers juges, sous peine d'irrégularité de leur décision, de rouvrir l'instruction en vue de soumettre les notes en délibéré produites les 18 et 26 mars 2013, dûment visées par le jugement attaqué, à un examen contradictoire entre les parties ; qu'ainsi le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 avril 2013 n'est entaché d'aucune irrégularité ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Considérant que la circonstance, à la supposer même établie, que la décision contestée du 10 février 2011 n'ait pas été prise dans le délai de 18 mois prévu à l'article 21-25-1 du code civil est, en tout état de cause, sans incidence sur sa légalité, ce délai n'étant pas prescrit à peine de nullité ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24-1 du code civil : " La réintégration par décret peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage. Elle est soumise, pour le surplus, aux conditions et aux règles de la naturalisation " ; qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; et qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

6. Considérant que, pour rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. B..., le ministre s'est fondé sur la double circonstance qu'il avait fait entrer sa fille mineure C...en France hors de la procédure du regroupement familial, et qu'il avait aidé au séjour irrégulier de son épouse sur le territoire français de 2006 à 2010 ;

7. Considérant, d'une part, qu'en se bornant à soutenir que son enfant mineure " n'avait pas besoin de titre de séjour ", M. B... ne conteste pas sérieusement avoir introduit celle-ci sur le territoire français hors la procédure de regroupement familial, lequel lui avait été refusé ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des fiches d'information produites par le ministre en première instance, que si Mme A..., épouse B...est entrée régulièrement en France le 17 août 2004, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français entre la date d'expiration de son visa d'entrée en 2004 et le 16 février 2010, date à laquelle lui a été délivré un premier certificat de résidence algérien, sur injonction du tribunal administratif de Nice du 30 décembre 2009 ; que, contrairement à ce que soutient M. B..., il ressort des avis d'imposition joints au dossier, établis au nom des deux époux au domicile du requérant, que l'intéressé a hébergé son épouse au moins pendant la période de janvier 2006 à décembre 2009 et ainsi aidé au séjour irrégulier de cette dernière, pendant une période significative, en méconnaissance de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ; que la circonstance que, conformément aux dispositions du 1° de l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'aide au séjour irrégulier ne peut donner lieu à poursuites pénales lorsqu'elle émane du conjoint, ne faisait pas obstacle à ce que le ministre chargé des naturalisations prît en compte cette situation lors de l'examen de l'opportunité d'accorder à un étranger la nationalité française ; que n'y font pas davantage obstacle les dispositions, d'une part, de l'article 212 du code civil, aux termes desquelles " les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance " et de l'article 215 du même code selon lesquelles " Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie. " ; que, par suite, en décidant, pour ces motifs, de rejeter la demande de réintégration dans la nationalité française présentée par M. B..., le ministre chargé des naturalisations, qui a fait usage de son large pouvoir d'apprécier l'opportunité de faire droit à une telle demande, n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de fait, ni erreur manifeste, en dépit de la régularisation administrative de la situation de Mme A... et de la présence en France de M. B... depuis 1957 ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant ne peut utilement soutenir qu'il remplit les conditions posées par les dispositions des articles 24-1, 21-16, 21-17 et 21-23 du code civil, dès lors que les décisions contestées ont été prises, non sur le fondement de ces dispositions, mais sur celles de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé ;

9. Considérant, en troisième et dernier lieu, que la décision qui rejette une demande d'acquisition de la nationalité française n'est pas, par nature, susceptible de porter atteinte au droit au respect de la vie familiale ; que, dès lors, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par les décisions contestées, du droit à mener une vie familiale normale reconnu par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre en charge des naturalisations de lui accorder le bénéfice de la nationalité française, ou subsidiairement de modifier sa décision de rejet en décision d'ajournement, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 décembre 2013.

Le rapporteur,

J-F. MILLET

Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 13NT01370


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01370
Date de la décision : 13/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : HECHMATI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-12-13;13nt01370 ?
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