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12/12/2013 | FRANCE | N°12NT02808

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 12 décembre 2013, 12NT02808


Vu la requête, enregistrée le 17 octobre 2012, présentée pour M. A... D..., demeurant..., par Me Saïd Mohamed, avocat au barreau de Paris ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201936 en date du 18 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2012 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au

préfet du Loiret, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un...

Vu la requête, enregistrée le 17 octobre 2012, présentée pour M. A... D..., demeurant..., par Me Saïd Mohamed, avocat au barreau de Paris ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201936 en date du 18 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2012 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la délégation de signature donnée à son titulaire est trop générale ; l'administration doit apporter la preuve de l'absence du titulaire de la délégation ce qui a justifié que cette délégation soit confiée à son remplaçant qui a signé l'arrêté contesté ;

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de

l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application dudit article ;

- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences du refus de titre sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par Me de Villèle, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. D... la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la requête n'est pas recevable en raison de son absence de motivation ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué n'est pas fondé ;

- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;

- l'arrêté litigieux n'est entaché ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 le rapport de M. Monlaü, premier conseiller ;

1. Considérant que M. D..., ressortissant tunisien, fait appel du jugement du 18 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2012 du préfet du Loiret portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire national dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Loiret :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 2 janvier 2012 du préfet du Loiret régulièrement publié au recueil spécial n° 1 des actes administratifs du Loiret le même jour : "Délégation est donnée à M. Antoine Guerin, secrétaire général de la préfecture du Loiret, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du Loiret à l'exception des arrêtés portant élévation de conflit, des réquisitions des comptables publics (...) " ; que les arrêtés "relevant des attributions de l'Etat dans le département du Loiret" comprennent, sauf s'il en est disposé autrement par l'arrêté portant délégation de signature, les décisions préfectorales en matière de police des étrangers ; que les dispositions précitées de l'arrêté du 2 janvier 2012 donnaient dès lors à M. Antoine Guérin, secrétaire général, compétence pour signer l'arrêté du 3 mai 2012 contesté ; que cet arrêté donnait également en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antoine Guérin, délégation de signature à M. B... C..., signataire de l'arrêté contesté ; que, dès lors que M. D... n'apporte pas la preuve qui lui incombe que M. Antoine Guérin, n'était pas alors absent ou empêché, M. B... C...était compétent à la date du 3 mai 2012 pour signer l'arrêté contesté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le refus de titre de séjour opposé par l'arrêté contesté à M. D... comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et en particulier des éléments suffisants relatifs à sa situation personnelle et familiale ; qu'il satisfait, ainsi, à l'exigence de motivation prévue par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté manque en fait ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien : " (...). / Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : / les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans " ; que le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 portant publication de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations ainsi que du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 a fixé au 1er juillet 2009 l'entrée en vigueur dudit accord ; qu'en conséquence, la date à prendre en compte pour apprécier la justification de la présence habituelle en France depuis plus de dix ans de ressortissants tunisiens qui se prévalent des stipulations précitées du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien modifié susvisé est celle du 1er juillet 2009 ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.D... entré en France le 6 novembre 1999 a présenté une demande de titre de séjour le 9 août 2011, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 7 ter d) de cet accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; que le requérant ne justifiant pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date d'entrée en vigueur de l'accord le 1er juillet 2009, le préfet du Loiret a pu, eu égard à la durée de résidence de plus de dix ans dont faisait état l'intéressé au 9 août 2011, décidé, sans commettre l'erreur de droit alléguée, d'examiner au titre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, la demande de titre de séjour de M. D..., au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative à l'admission exceptionnelle au séjour ;

6. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ;

7. Considérant d'une part, que si M. D... soutient que le préfet aurait commis une erreur de droit dans l'examen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, dès lors qu'il n'aurait pas pris en compte l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle, ce moyen ne peut qu'être écarté, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et des motifs de l'arrêté contesté, que le préfet en estimant que la durée du séjour en France de l'intéressé, sa situation personnelle et familiale et son projet d'intégration en France n'étaient pas, nonobstant l'avis de la commission du titre de séjour du 11 avril 2012, favorable à l'octroi du titre de séjour sous réserve de la présentation d'un contrat de travail par l'intéressé, de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour, a fait connaitre au requérant les motifs du rejet de sa demande en indiquant les faits de l'espèce qu'il a écarté ;

8. Considérant d'autre part, que si M. D..., soutient qu'il séjourne de façon continue en France depuis le 6 novembre 1999 où il a été marié de 2002 à 2006 avec une ressortissante française ; que réside sur le territoire son grand-frère, ses cousins et cousines ; qu'il est bien intégré à la société française en raison des liens personnels qu'il a noués et qu'il bénéficiait à la date de l'arrêté contesté d'une promesse d'embauche destinée à aboutir dès que sa situation aurait été régularisée, il est constant que le requérant, divorcé, est sans charge de famille, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu vingt trois ans et où réside sa mère et n'établit pas la réalité des liens personnels dont il se prévaut en France ; que, dès lors, à défaut de motif exceptionnel ou humanitaire, le préfet pouvait refuser le titre de séjour sollicité sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 313-14 ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

10. Considérant, que pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le préfet n'a pas porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur la situation personnelle du requérant ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. D..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

14. Considérant, d'autre part, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... le versement à l'Etat de la somme de 800 euros que le préfet du Loiret demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Monlaü, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2013.

Le rapporteur,

X. MONLAÜLe président,

J-M. PIOT

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02808
Date de la décision : 12/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Xavier MONLAU
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SAID MOHAMED

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-12-12;12nt02808 ?
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