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29/11/2013 | FRANCE | N°13NT00580

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 29 novembre 2013, 13NT00580


Vu la requête, enregistrée le 20 février 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Dandaleix, avocat au barreau de Paris, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104270 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 23 septembre 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté sa demande de naturalisation et, d'autre part, de la décision implicite rejetant son recours gra

cieux ;

2°) avant dire droit, d'ordonner au ministre de l'intérieur d...

Vu la requête, enregistrée le 20 février 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Dandaleix, avocat au barreau de Paris, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104270 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 23 septembre 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté sa demande de naturalisation et, d'autre part, de la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

2°) avant dire droit, d'ordonner au ministre de l'intérieur de communiquer les procès-verbaux d'audition du 14 septembre 2009 ou de le réinterroger ;

3°) d'annuler la décision du 23 septembre 2010 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

4°) d'ordonner au ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation ou, subsidiairement, de la réexaminer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à rendre ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il a été rendu en méconnaissance du contradictoire et de l'article L. 5 du code de justice administrative, faute de communication du

procès-verbal de l'audition du 14 septembre 2009 ;

- le jugement est également irrégulier comme insuffisamment motivé ;

- la décision du 23 septembre 2010 et celle rejetant la demande tendant à la communication du compte-rendu de l'entretien réalisé le 14 septembre 2009 sont entachées d'illégalité externe, dès lors qu'il n'a pas été procédé à l'enquête prévue à l'article 36 du décret du 30 décembre 1993 ;

- quant à la légalité interne, les décisions contestées procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait, dès lors que l'implication en faveur d'un islam fondamentaliste dont fait état le ministre n'est pas établie et que la mosquée d'Argenteuil est autonome vis-à-vis des autorités marocaines, qui ne promeuvent en rien le salafisme ; l'association dont il fait partie n'a rien de fondamentaliste et il n'a aucun lien avec le salafisme ;

- résidant en France depuis plus de quarante ans, il y est parfaitement inséré ;

- il dispose en France du centre de ses intérêts affectifs et familiaux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du contradictoire, dès lors que la pièce qu'il leur est fait grief de ne pas avoir communiquée n'était pas au nombre des pièces du dossier ;

- le jugement est suffisamment motivé ;

- le défaut de communication du compte-rendu de l'entretien du 14 septembre 2009 est sans incidence sur la légalité des décisions contestées ;

- à la date de la décision du 23 septembre 2010, l'imam de la mosquée prononçait des prêches d'inspiration salafiste et le requérant était le trésorier de l'association gérant cette mosquée ;

- la durée du séjour en France du requérant et les éléments dont il fait état sur son insertion dans la société française ne sont pas de nature à établir une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 novembre 2013 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si le ministre chargé des naturalisations a produit, en première instance, l'avis du directeur des libertés publiques et des affaires juridiques en date du 23 août 2010 sur la demande d'acquisition de la nationalité française présentée par M. A..., il n'a, en revanche, pas produit le procès-verbal de l'entretien du 14 septembre 2009 de l'intéressé avec les services de police auquel se réfère cet avis ; que ce procès-verbal n'était pas au nombre des pièces soumises à l'appréciation des premiers juges ; que, dès lors, en ne communiquant pas ce document à M. A..., le tribunal administratif n'a pas méconnu les exigences du principe du contradictoire, rappelé à l'article L. 5 du code de justice administrative ;

2. Considérant, en second lieu, que le jugement est suffisamment motivé et que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative doit, par suite, être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été procédé à l'enquête prévue par les dispositions de l'article 36 du décret du 30 décembre 1993 et, en particulier, qu'à l'occasion de cette enquête le postulant a été entendu par les services de police le 14 septembre 2009 ;

4. Considérant, en second lieu, que la régularité de la décision contestée du 23 septembre 2010 n'est pas subordonnée à la communication préalable au postulant du procès-verbal de cette audition ; que le moyen tiré de l'absence d'une telle communication ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'en vertu des dispositions du décret du 30 décembre 1993, si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation sollicitée, il prononce le rejet de la demande ; qu'il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions ; que, ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande ; qu'il appartient ainsi au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

6. Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. A..., ressortissant marocain, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a estimé que, compte tenu de l'implication du postulant en faveur d'un Islam fondamentaliste, il ne paraît pas opportun de lui accorder la faveur de la naturalisation ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment d'une note, précise et circonstanciée, de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du 23 août 2010 que M. A... exerce la fonction de trésorier de l'association du centre Assalam d'Argenteuil (Val d'Oise), qui gère une mosquée dans cette localité ; qu'à l'époque des décisions contestées, l'iman de cette mosquée était connu pour ses prêches d'inspiration salafiste ; que, si le requérant se prévaut de la circonstance que l'association n'hésite pas à écarter les prédicateurs aux propos contraires à l'éthique qu'elle entend défendre, les licenciements auxquels il est ainsi fait référence, dont d'ailleurs celui de cet imam, sont intervenus en 2012, postérieurement à ces décisions ; qu'ainsi, en estimant, à la date de ses décisions, que, compte tenu de la fonction exercée par M. A... au sein de l'association socio-culturelle El Assalam, il existe une implication du postulant en faveur d'un islam fondamentaliste, le ministre n'a pas commis d'erreur de fait et ce, alors même que l'intéressé indique ne pas partager l'idéologie ou la théologie salafiste, ni ne prôner, au sein de sa famille, une pratique radicale de la religion musulmane ; qu'en décidant que, compte tenu de cette implication, il ne paraît pas opportun de faire droit à la demande de naturalisation, le ministre n'a, dans l'usage de son large pouvoir d'apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française, pas commis d'erreur manifeste et ce, alors même que M. A... réside en France de manière habituelle depuis de nombreuses années et qu'il se prévaut des conditions d'une bonne intégration dans la société française ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, si le requérant soutient qu'à supposer même établi un rôle prééminent d'autorités étrangères dans le fonctionnement de cette mosquée d'Argenteuil, cette circonstance n'est pas de nature à établir son implication en faveur d'un islam fondamentaliste, il résulte toutefois de l'instruction que le ministre aurait pris les mêmes décisions en se fondant sur les fonctions exercées par l'intéressé au sein de l'association El Assalam et les positions qui, à l'époque, étaient celles de l'iman du lieu de culte géré par cette association ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ce rôle prééminent n'est pas établi ou de ce qu'il n'est en tout état de cause pas de nature à caractériser une telle implication est inopérant ;

9. Considérant, en troisième et dernier lieu, que le ministre n'a pas déclaré la demande de naturalisation présentée par M. A... irrecevable sur le fondement de l'article 21-16 du code civil ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le requérant dispose en France du centre de ses intérêts est également inopérant ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au ministre de l'intérieur de faire droit ou de réexaminer la demande de naturalisation présentée par M. A... ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 novembre 2013.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINELe président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00580
Date de la décision : 29/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : DANDALEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-29;13nt00580 ?
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