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15/11/2013 | FRANCE | N°12NT01519

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 15 novembre 2013, 12NT01519


Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2012, présentée pour la commune de Chantepie (Ille-et-Vilaine), représentée par son maire, agissant en vertu d'une délibération du conseil municipal du 28 avril 2008, par Me Bernot, avocat au barreau de Nantes ; la commune de Chantepie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100318 en date du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. A..., annulé l'arrêté du 13 décembre 2010 par lequel le maire de la commune de Chantepie a décidé d'acquérir par voie de préemption un bien immobilier

cadastré AR n° 100 d'une superficie de 82 a 85 ca, situé rue des Loges, ...

Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2012, présentée pour la commune de Chantepie (Ille-et-Vilaine), représentée par son maire, agissant en vertu d'une délibération du conseil municipal du 28 avril 2008, par Me Bernot, avocat au barreau de Nantes ; la commune de Chantepie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100318 en date du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. A..., annulé l'arrêté du 13 décembre 2010 par lequel le maire de la commune de Chantepie a décidé d'acquérir par voie de préemption un bien immobilier cadastré AR n° 100 d'une superficie de 82 a 85 ca, situé rue des Loges, sur le territoire de cette commune ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. A... le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du 13 décembre 2010 ; si le projet poursuivi doit être mentionné dans la décision de préemption, il n'est plus nécessaire que ce projet soit précis et certain ; la nature du projet d'aménagement de la commune, dans le cadre du projet de ZAC communale sur le secteur Loges-Logettes, est mentionnée dans la décision de préemption ; la décision de préemption est motivée par la volonté de dissocier, à cet endroit qui est situé au croisement de deux voies d'accès, les flux de circulation interne et externe, en application des orientations d'aménagement du PLU ; la motivation retenue vise à préserver différente possibilités d'aménagement viaire ; le projet peut concerner la redéfinition et l'élargissement de la voirie ; il est situé sur le trajet du futur bus en site propre (BHNS) ; or, le passage du BHNS est jugé stratégique par Rennes Métropole car il va permettre d'accompagner le renouvellement urbain du secteur Val-Blanc / loges-Logettes ; il peut s'agir également de créer, outre une voie spécifique pour la clientèle commerciale de la zone, une ou plusieurs voies de connexion externe, l'implantation d'une station multimodale et la création de parkings relais, ainsi que le réaménagement des points de connexion ;

- les autres moyens développés par M. A... dans la demande de première instance doivent être écartés ; l'immeuble ne relève pas de l'exception visée au a) de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme ; l'aliénation, comme en l'espèce, de plusieurs locaux principaux et indépendants d'un même immeuble reste soumise au droit de préemption urbain (DPU) ; en outre, l'exception revendiquée ne s'applique pas à la vente de locaux commerciaux, artisanaux ou industriels ;

- la décision de préemption répond aux objectifs prévus par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il s'agit de mieux maîtriser la connexion externe et de réorganiser les circulations internes d'un projet de renouvellement urbain dans le cadre d'un projet de ZAC ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2012, présenté pour M. C... A..., demeurant..., par Me Bon-Julien, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Chantepie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- non seulement la décision de préemption ne vise aucun des objets prévus à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, mais encore la motivation eu égard à un éventuel projet est inexistante ; il résulte des délibérations produites par la commune que la ZAC des Loges-Logettes, envisagée pour la fin 2006, n'est toujours pas créée ; aucune étude précise n'est invoquée par la commune ; il est seulement question dans le SCOT, arrivé à échéance en 2012, d'une " recomposition urbaine " du secteur Loges-Logettes ;

- le projet de la commune n'est pas réel, et si tant est qu'il en existerait un, sa nature n'est mentionnée ni dans la décision de préemption, ni par référence ; d'une part, la motivation ne permet pas de cerner un projet particulier, les mentions étant trop vagues ; d'autre part, les orientations d'aménagement du PLU définissent des orientations sur le flux de circulation que l'acquisition de l'immeuble ne remettait pas en cause ; la réserve foncière a déjà été créée avec l'emplacement réservé n° 32 ; l'acquisition ne remet pas en cause une extension de la voirie ; la véritable motivation de la préemption, à savoir ranger les chars de la commune, et y installer la maison des associations, a été invoquée à deux reprises lors d'entretiens avec la commune ;

- s'agissant du projet de bus en site propre, le plus récent des documents produits à cet égard date de janvier 2009 et fait seulement état d'un appel à candidature ; il n'est nul besoin de préempter les lots de la copropriété pour mettre en oeuvre la ligne de bus en cause, alors que la ligne nécessite une emprise de 15 mètres et que la distance séparant l'axe médian de la route de l'immeuble mesure plus de 18 mètres ;

- les autres moyens développés devant le tribunal sont fondés ; le bien n'est pas

susceptible de faire l'objet d'une préemption en vertu du a) de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme, dès lors que la commune n'a pas instauré un régime de préemption " renforcée ", que le délai de dix ans prévu par ces dispositions a expiré le 29 mai 2006, et que les lots faisant l'objet de l'acquisition ne forment qu'un seul local commercial, le lot n° 14 n'étant pas dissociable du lot n° 3 pour des raisons d'accès ; au demeurant, il n'est pas justifié de réalité d'un projet, ni de sa nature en méconnaissance de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2013 :

- le rapport de M. Millet, président-rapporteur ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...substituant Me Bernot, avocat de la commune de Chantepie ;

1. Considérant que la commune de Chantepie (Ille-et-Vilaine) interjette appel du jugement en date du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. A..., acquéreur évincé, annulé l'arrêté du 13 décembre 2010 par lequel le maire de la commune de Chantepie, agissant sur délégation du conseil municipal, a décidé d'acquérir par voie de préemption un bien immobilier cadastré AR n° 100 d'une superficie de 82 a 85 ca, situé rue des Loges sur le territoire de cette commune ;

Sur la légalité de l'arrêté du 13 décembre 2010 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...) la décision de préemption peut (...) se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, (...) de permettre le renouvellement urbain " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; que lorsque le droit de préemption est mis en oeuvre pour constituer une réserve foncière à l'intérieur d'un périmètre délimité en vue d'y mener une opération d'aménagement et d'amélioration de la qualité urbaine, les exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 doivent être regardées comme remplies lorsque la décision fait référence aux dispositions de la délibération délimitant ce périmètre et qu'un tel renvoi permet de déterminer la nature de l'action ou de l'opération d'aménagement que la collectivité publique entend mener pour améliorer la qualité urbaine au moyen de cette préemption ; qu'à cette fin, la collectivité peut soit indiquer l'action ou l'opération d'aménagement prévue par la délibération délimitant ce périmètre à laquelle la décision de préemption participe, soit renvoyer à cette délibération elle-même si celle-ci permet d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement poursuivie ;

4. Considérant que la décision de préemption en litige du 13 décembre 2010 fait état de ce que " la commune doit acquérir ce bien puisqu'il sera utilisé dans le cadre du projet de zone d'aménagement concerté communale sur le secteur Loges-Logettes, entamée en 2006, pour mieux maîtriser les mutations ou évolutions en perspective et par là-même l'organisation globale interne et sa connexion externe. " ; que si, par délibérations des 25 juin 2005, 6 mars et 7 juin 2006, le conseil municipal de Chantepie a décidé de " s'engager dans une démarche de création d'une ZAC communale sur le secteur Loges-Logettes pour mieux maîtriser les mutations ou évolutions en perspective et par la même l'organisation globale et l'environnement de ce secteur ", de s'entourer " des services d'un mandataire pour nous assister dans cette opération d'aménagement " et de " valider les modalités de concertation avec le public qui seront développées sur la période de définition et de mise en oeuvre de l'opération ", marquant ainsi sa volonté de créer un projet urbain, au sens des dispositions précitées de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, incluant une redéfinition du foncier et de la trame viaire en préservant les connexions avec le futur " Val Blanc ", conformément aux orientations d'aménagement 3B du plan local d'urbanisme (PLU), il ressort, toutefois, des pièces du dossier, et notamment des délibérations précitées, qui ne sont d'ailleurs pas visées par la décision de préemption, que si la création d'une zone d'aménagement concerté " Loges-Logettes " a été envisagée et mise à l'étude, le périmètre de cette opération n'a pas été approuvé par une délibération à laquelle la commune de Chantepie puisse se référer pour se conformer à l'obligation de motivation prescrite par les dispositions précitées ; que si la commune de Chantepie confirme, dans ses écritures, l'information donnée à M. A... par l'opposition municipale, selon laquelle la collectivité aurait, en réalité, pour objectif de réaliser " une réserve foncière afin d'agrandir les voies nécessaires à une arrivée future d'un Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) à défaut d'avoir pu faire passer le métro ", cette information n'est pas davantage de nature à constituer la motivation requise par les dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, alors qu'en outre une réserve foncière a déjà été créée rue des Loges au titre de l'emplacement réservé n° 32 et que la commune se borne à produire une délibération du conseil communautaire de Rennes Métropole du 9 janvier 2009 faisant état d'un appel à candidature " transports urbains " relatif à la liaison BHNS entre la station de la Poterie de la ligne A du VAL et la ZAC des rives du Blosne à Chantepie ; qu'ainsi, la décision de préemption ne permettait, ni par elle-même, ni par renvoi, d'identifier la nature de l'opération ou de l'action d'aménagement que la collectivité publique entendait mettre en oeuvre et à laquelle la préemption litigieuse serait susceptible de concourir ; que, par suite, elle n'était pas suffisamment motivée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Chantepie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision de préemption du 13 décembre 2010 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la commune de Chantepie la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette même commune le versement à M. A... de la somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Chantepie est rejetée.

Article 2 : La commune de Chantepie versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chantepie et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 novembre 2013.

Le rapporteur,

J-F. MILLETLe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 12NT01519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01519
Date de la décision : 15/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Jean-Frédéric MILLET
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : BERNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-11-15;12nt01519 ?
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