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24/10/2013 | FRANCE | N°12NT03219

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 octobre 2013, 12NT03219


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2012, présentée pour l'EURL Hervé Investissement, dont le siège social est situé lieu-dit " Senebret " à Cleguer (56620), par Me Saintilan, avocat au barreau de Paris ; la société Hervé Investissement demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001355 en date du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 7 janvier 2003 au 31 décembre 2005 ;

2°) de prono

ncer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versemen...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2012, présentée pour l'EURL Hervé Investissement, dont le siège social est situé lieu-dit " Senebret " à Cleguer (56620), par Me Saintilan, avocat au barreau de Paris ; la société Hervé Investissement demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001355 en date du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 7 janvier 2003 au 31 décembre 2005 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- sur la régularité du jugement attaqué, les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de la procédure en s'abstenant de lui communiquer un mémoire de la partie adverse ;

- sur la procédure d'imposition, l'administration a méconnu l'obligation de motivation des redressements imposée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, ainsi que l'obligation, imposée par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, de porter à sa connaissance les renseignements issus de tiers qui avaient fondé le rehaussement ;

- sur le bien-fondé de l'imposition, les prestations offertes à l'occasion de la location meublée répondaient aux conditions d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prévues à l'article 262 D - 4° b du code général des impôts, dans la mesure notamment où, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, les locations étaient assorties d'une prestation de nettoyage régulier des locaux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2013, présenté par le ministre chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la proposition de rectification était suffisamment motivée, les arguments de la requérante se rapportant en réalité au bien fondé de l'imposition ;

- l'EURL Hervé Investissement a été avisée des constatations effectuées auprès de la société BHL qui ont fondé l'imposition contestée ;

- les conditions de l'article 262 D -4° b n'étaient pas respectées, aucune démonstration n'ayant été apportée, ni d'une prestation de nettoyage régulier des locaux, ni de ce que la société prestataire aurait disposé des moyens nécessaires pour les assurer ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 septembre 2013, présenté pour la société Hervé Investissement, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2013, par le ministre de l'économie et des finances ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;

- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

- et les observations de Me Saintilan, avocat de la société Hervé Investissement ;

1. Considérant que l'EURL Hervé Investissement était propriétaire au cours de la période en litige d'une maison située à Moëlan-sur-Mer (Finistère), qu'elle exploitait en location meublée de tourisme, activité pour laquelle elle avait confié la commercialisation et la gestion des séjours des résidents à la société Bretagne Hébergement Loisirs (BHL), aux termes d'une convention en date du 3 juin 2002 ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 7 janvier 2003 au 31 décembre 2005, l'administration fiscale a remis en cause les remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée obtenus par l'EURL Hervé Investissement après avoir estimé que l'activité de location était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, au motif qu'elle ne relevait pas d'une activité para-hôtelière ; que l'EURL Hervé Investissement fait appel du jugement du 6 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe qui en ont résulté au titre de la période contrôlée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;

3. Considérant que l'EURL Hervé Investissement se plaint de ne pas s'être vu communiquer par les premiers juges un mémoire produit le 6 octobre 2012 par l'administration en réponse à une lettre du 26 septembre 2012 par laquelle le tribunal informait les parties de ce qu'il était susceptible de fonder sa décision sur un moyen relevé d'office ; que toutefois il résulte des pièces du dossier de première instance que le représentant de l'administration se bornait à indiquer dans ce mémoire que le moyen susceptible d'être relevé d'office n'appelait aucune observation de sa part ; qu'à défaut pour ce mémoire de comporter des éléments nouveaux au sens des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, ces dernières n'ont pas été méconnues ; que, plus généralement le tribunal administratif n'a pas méconnu, dans les conditions ainsi décrites, le caractère contradictoire de la procédure ni, par suite, et en tout état de cause, le droit au procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors l'EURL Hervé Investissement n'est pas fondée à soutenir que le jugement qu'elle attaque aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;

Sur les conclusions à fins de décharge :

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile ;

5. Considérant que la proposition de rectification du 21 décembre 2006 adressée à l'EURL Hervé Investissement précise qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 7 janvier 2003 au 31 décembre 2005, il est procédé à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure de redressement contradictoire ; que la proposition de rectification comporte la citation du texte dont le service a fait application, à savoir le 4° de l'article 261 D du code général des impôts, ainsi que l'interprétation détaillée que donne de ces dernières dispositions le paragraphe n° 8 de la doctrine administrative 3 A-2-03 du 30 avril 2003 ; qu'elle précise que les conditions d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prévues par ces dispositions ne sont pas réunies dès lors qu'il ressort des éléments recueillis au cours de la vérification de comptabilité de la société BHL qu'aucune prestation de petit-déjeuner ou de nettoyage régulier des locaux n'est proposée ; que si la proposition de rectification indique au surplus, à titre de constatation, qu'aucun nettoyage quotidien n'est prévu au contrat ni n'apparait dans la facturation, cette dernière mention n'était de nature à induire en erreur la requérante : que dès lors la proposition de rectification comporte l'ensemble des motifs fondant les redressements envisagés, permettant de ce fait à l'EURL Hervé Investissements de présenter ses observations de manière entièrement utile, et est par suite conforme aux exigences résultant de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

7. Considérant que l'EURL Hervé Investissement se prévaut des termes d'un mémoire en défense produit en première instance le 23 juin 2011, dans lequel l'administration indique que la société BHL aurait reconnu n'avoir proposé que postérieurement au contrôle les services para-hôteliers qui conditionnent l'assujettissement de l'activité à la taxe, pour en déduire que l'administration a assis les rappels de taxe en litige sur des déclarations de la société BHL qu'elle n'aurait pas évoquées précédemment, privant ainsi l'EURL Hervé Investissement de la possibilité d'en demander copie, en méconnaissance des dispositions précitées ;

8. Considérant toutefois qu'il ne résulte pas de l'instruction que le service se serait fondé sur d'autres informations que celles recueillies au cours de la vérification de comptabilité dont la société BHL a fait l'objet, ce dont a fait mention la proposition de rectification notifiée à l'EURL Hervé Investissement ; que cette dernière, qui a ainsi été mise en mesure de solliciter la communication des pièces relatives à la vérification de comptabilité de la société BHL, n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales auraient été méconnues ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. / c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties par bail commercial à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées au a ou au b. (...) " ;

10. Considérant que le service a estimé, pour remettre en cause l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l'activité de l'EURL Hervé Investissement, que les locataires de la société ne bénéficiaient que de deux des prestations prévues par ces dispositions, à savoir une réception personnalisée et la fourniture du linge de maison ; que l'EURL Hervé Investissement soutient cependant assurer également une prestation de nettoyage régulier des locaux donnés en location ;

11. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération ; que par suite l'EURL Hervé Investissement n'est pas fondée à soutenir qu'il incombe au service de démontrer que la société BHL ne disposait pas au cours de la période contrôlée du personnel nécessaire au nettoyage régulier des locaux ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société BHL l'administration n'a constaté aucune facturation de petit-déjeuner ou de prestation de ménage en cours de séjour ; que ces prestations ne sont pas davantage mentionnées, ni dans le contrat d'exploitation conclu entre l'EURL Hervé Investissements et la société BHL, ni dans le document intitulé " conditions de location " produit par la société requérante, seul le ménage de fin de séjour apparaissant compris dans le forfait versé par les locataires ; que si la requérante allègue que la société BHL proposait aux locataires des heures de ménage supplémentaires, ces dernières prestations étaient en tout état de cause facturées en sus du prix convenu et ne peuvent par suite être regardées comme des " prestations de nettoyage rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle " au sens des dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts ;

En ce qui concerne la doctrine administrative :

13. Considérant que si l'EURL Hervé Investissement se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes du paragraphe n° 8 de l'instruction 3 A-2-03 du 30 avril 2003, cette instruction ne comporte pas interprétation différente de celle dont il est fait ci-dessus application ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Hervé Investissement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de

l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'EURL Hervé Investissement demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de l'EURL Hervé Investissement est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Hervé Investissement et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2013.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT Le président,

J-M. PIOT

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT03219

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03219
Date de la décision : 24/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SAINTILAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-24;12nt03219 ?
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