La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2013 | FRANCE | N°12NT02915

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 24 octobre 2013, 12NT02915


Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Alquier, avocat au barreau de Tours ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1202001 et 1202002 en date du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2012 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-e

t-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel exa...

Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Alquier, avocat au barreau de Tours ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1202001 et 1202002 en date du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2012 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Alquier de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français

ne sont pas suffisamment motivées ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit dès lors qu'il n'a pas procédé au réexamen de sa situation au regard des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il devait le faire en exécution du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 8 mars 2012 ; le requérant n'a pas été convoqué en vue de ce nouvel examen pour faire valoir les éléments de fait nouveaux ayant affecté sa situation depuis sa demande de titre de séjour présentée le 9 février 2011 ;

- en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- en prenant la décision fixant le pays de destination, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2012, présenté par le préfet d'Indre-et-Loire, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée ;

- le requérant ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ;

- le requérant ne justifie pas de la réalité des risques auxquels il allègue être exposés en cas de retour dans son pays d'origine ;

Vu la décision de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 1er février 2013 admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale au titre de cette instance et désignant Me Alquier pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 le rapport de M. Francfort, président-assesseur ;

1. Considérant que M. B..., de nationalité azerbaïdjanaise, fait appel du jugement du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2012 du préfet d'Indre-et-Loire portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que la décision portant refus de titre de séjour mentionne les circonstances de fait et de droit sur laquelle elle est fondée ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet a visé les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelé ses conditions d'entrée et de séjour en France, indiqué expressément les motifs pour lesquels M. B... ne peut obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précisé notamment que l'intéressé n'avait produit aucun élément nouveau de nature à établir la réalité des risques qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine et qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale, compte tenu de la situation irrégulière dans laquelle se trouvait son épouse et de la possibilité pour la cellule familiale de se reconstituer en Azerbaïdjan avec ses trois enfants ; que la circonstance que la décision contestée ne fait pas état des efforts d'intégration de la famille ne suffit pas à établir qu'elle ne serait pas suffisamment motivée ;

4. Considérant, d'autre part, que M. B... ayant fait l'objet d'un refus de titre de séjour, et se trouvant ainsi dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire national qui lui a été faite n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, par un jugement en date du 8 mars 2012, le tribunal administratif d'Orléans a, d'une part, annulé les décisions en date du 11 juillet 2011 par lesquelles le préfet d'Indre-et-Loire avait refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, l'avait obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et avait fixé le pays de destination, au motif que le préfet n'avait pas examiné la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé par un courrier en date du 9 février 2011 sur le fondement des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de procéder au réexamen de la situation administrative du requérant dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci ; que, par l'effet de cette injonction, le préfet d'Indre-et-Loire s'est trouvé saisi à nouveau de la demande de titre de séjour présentée par M. B... le 9 février 2011 et a, ainsi qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté en date du 30 avril 2012, procédé au réexamen de sa situation, suite au jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 8 mars 2012, au regard des dispositions des articles L. 313-10, L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, il appartenait à ce dernier, après l'annulation prononcée, d'apporter les éléments nouveaux ayant affecté sa situation depuis le 9 février 2011 et nécessaires au réexamen de sa demande, sans que le préfet d'Indre-et-Loire ne fût tenu de le convoquer à la préfecture ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le réexamen effectué par le préfet d'Indre-et-Loire en exécution du jugement susmentionné serait entaché de vice de procédure ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que M. B... fait valoir qu'il est arrivé en France le 2 mars 2006, accompagné de son épouse et de leur fille, née le 28 mars 2004 à Orsk (Russie), pour y solliciter l'asile politique, que deux autres enfants sont nés à Tours (France), le 10 avril 2006 et le 24 août 2010, que les deux aînés sont scolarisés, qu'il n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'il ne peut plus retourner en Azerbaïdjan où il fera l'objet de persécutions, que lui-même et sa famille sont bien intégrés et qu'il dispose d'une promesse d'embauche ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. B... réside sur le territoire français en situation irrégulière et fait également l'objet d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; qu'il n'est pas établi que la vie familiale de l'intéressé, de son épouse et de leurs enfants ne pourrait se poursuivre hors du territoire français ni que les deux enfants scolarisés ne pourraient pas y reprendre une scolarité normale ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour du requérant en France, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dans ces conditions, le préfet d'Indre-et-Loire n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à

la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

9. Considérant que M. B..., dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'il craint d'être exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Azerbaïdjan du fait de son origine arménienne et en Russie où il serait actuellement recherché par les autorités russes qui le soupçonnent d'avoir assassiné son père alors que ce dernier aurait été tué par des nationalistes russes ; que, toutefois, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations, et notamment le compte-rendu du travail réalisé par son avocat daté du 20 juillet 2011, les certificats médicaux établis les 7 février 2007 et 21 avril 2009 et la copie d'une convocation à se présenter au " département d'instruction du ministère de l'intérieur d'Orsk ", ne permettent d'établir ni la réalité ni l'actualité des risques qu'il invoque ; que, par suite, en prenant la décision fixant le pays de destination, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder à un nouvel examen de sa situation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande de verser à son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Etienvre, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 octobre 2013.

Le rapporteur,

J. FRANCFORT Le président,

J-M. PIOT

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

N° 12NT029152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02915
Date de la décision : 24/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : ALQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-24;12nt02915 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award