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17/10/2013 | FRANCE | N°12NT02415

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 octobre 2013, 12NT02415


Vu, I, sous le n° 12NT02415, la requête, enregistrée le 24 août 2012, présentée pour la SARL Karting Côte d'Amour, représentée par sa gérante, dont le siège est 33, rue de la Pierre à Guérande (44350), par Me de Lorgeril, avocat au barreau de Saint Nazaire ; la SARL Karting Côte d'Amour demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-3036 en date du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, pour l'essentiel, rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisations additionnelles à

cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 a...

Vu, I, sous le n° 12NT02415, la requête, enregistrée le 24 août 2012, présentée pour la SARL Karting Côte d'Amour, représentée par sa gérante, dont le siège est 33, rue de la Pierre à Guérande (44350), par Me de Lorgeril, avocat au barreau de Saint Nazaire ; la SARL Karting Côte d'Amour demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-3036 en date du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a, pour l'essentiel, rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de cotisations additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2003 au 30 septembre 2005 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge totale des impositions et pénalités ainsi mises à sa charge ;

3°) à titre subsidiaire, de fixer le montant total des recettes omises à 13 178,67 euros HT au titre de l'exercice 2003 et à 24 094,81 euros HT au titre de l'exercice 2004, de juger qu'aucune recette n'a été omise pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2005 et de prononcer la décharge des droits et pénalités correspondants ;

4°) à titre également subsidiaire, de prononcer la remise intégrale des majorations pour manquement délibéré ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les frais qu'elle aura exposés en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- alors qu'une solution transactionnelle était sur le point d'aboutir, l'administration fiscale a pris une décision d'admission très partielle de la réclamation préalable conduisant à des conséquences financières très supérieures à celles résultant de la position expresse préalable du service des 15 et 16 septembre 2008 ;

- l'administration fiscale a méconnu le principe du contradictoire en l'absence de débat, au cours des opérations de vérification, sur les recettes prétendument non déclarées, cette question n'ayant pas davantage été évoquée durant la réunion de synthèse du 11 mai 2006 ; ce principe a également été méconnu du fait de la complexité et de l'ambiguïté de la méthode de rectification retenue, sans concertation, par le vérificateur ; par ailleurs, aucun fichier informatique des tableaux composant cette annexe, qui aurait permis ces vérifications, n'a été transmis malgré ses demandés réitérées ; enfin l'administration n'a pas tenu compte des justifications relatives aux recettes des séminaires, à la consommation du véhicule utilisé à des fins professionnelles et privées et des quads, ainsi qu'aux tickets de série de tours de karting vendus en carnets, ce qui constitue également une violation du principe du contradictoire ;

- il n'est pas établi que la comptabilité serait dépourvue de valeur probante ; en effet les recettes relatives à l'organisation de séminaires ont été justifiées par les factures des fournisseurs à l'exception d'une seule, ainsi que l'a admis l'administration ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, elle a été en mesure de justifier ses recettes ; elle dispose d'une caisse enregistreuse dont les tickets " Z " étaient agrafés sur le livre de caisse ; par ailleurs, l'éventualité d'une omission de recettes dans la vente de boissons, notamment de bière, ne permettait pas à l'administration de conclure à la valeur non probante de la comptabilité ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires est viciée dans son principe ; elle repose sur un postulat erroné tiré de la vente de bières, et sur diverses hypothèses non vérifiées et sujettes à caution en ce qui concerne le nombre de boissons vendues ; le montant des recettes journalières résultant de la vente de boissons a été déterminé de manière irréaliste et incohérente ; le vérificateur a commis des erreurs dans les tableaux de détermination du nombre de boissons vendues aux particuliers en ne tenant pas compte des consommations en " open bar " de sodas et de café lors des séminaires ; la vente des boissons lors des séminaires doit inclure les séminaires non déclarés évalués par le vérificateur et le taux de perte et d'offerts de 5 % retenu par l'administration n'a pas été appliqué sur l'ensemble des achats de boissons d'une même catégorie contrairement à ce qui est indiqué dans la proposition de rectification ;

- l'administration n'a pas pris en compte les justifications apportées, alors que la documentation de base 4 G-3343 n° 4 du 15 mai 1993 prévoit que les renseignements donnés par les contribuables doivent être retenus s'ils sont jugés acceptables ; les chiffres d'affaires déterminés par l'administration s'avèrent très sensiblement supérieurs à ceux d'établissements de même nature implantés autour de Nantes ; l'évolution à la baisse des montants d'omissions de recettes successivement retenus par l'administration prive de crédibilité la reconstitution effectuée ; le vérificateur n'a pas examiné les justifications apportées, notamment en ce qui concerne la comptabilisation des recettes relatives aux prestations de séminaires avec et sans buffet, qui ont toutes été justifiés à l'exception d'un seul buffet en 2004 ; ni l'administration ni le tribunal n'ont motivé le rejet des pièces versées ;

- les éléments de reconstitution erronés concernent notamment la quantité de carburant retenue pour évaluer le nombre de tours de kart vendus, qui a été surévaluée, ne prenant pas en compte, en particulier, la consommation de carburant du véhicule utilisé à des fins professionnelles et privées, la reconstitution des recettes de vente des carnets de série et la méthode retenue pour déterminer le nombre " d'équivalence-séries " effectuées lors des séminaires, totalement discrétionnaire et non contradictoire, car le nombre de pilotes retenu par l'administration pour chaque karting n'est pas cohérent ;

- compte tenu de ces correctifs le montant des recettes omises s'élèverait à 16 591,26 euros TTC pour l'exercice 2003, à 29 791,40 euros TTC pour l'exercice 2004, aucune recette omise n'étant constatée pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2005 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense et les pièces complémentaires, enregistrés respectivement les 1er mars et 6 août 2013, présentés par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

il fait valoir que :

- la société conteste en appel l'intégralité des impositions mises à sa charge sans tenir compte des dégrèvements prononcés le 11 septembre 2012 en exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 juin 2012 ; le litige est désormais limité à la somme totale de 129 208 euros en droits et pénalités ; en tant qu'elles excèdent cette somme, les conclusions présentées par la société sont sans objet ;

- la vérification de comptabilité s'est effectuée dans les locaux de l'entreprise et a donné lieu à plusieurs interventions du vérificateur en présence de M. A..., mandaté par la gérante ; la société Karting Côte d'Amour n'établit pas que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vue avec ses représentants ; par ailleurs, aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au vérificateur de donner au contribuable, avant l'envoi de la proposition de rectification, une information sur les redressements envisagés ; enfin, l'administration n'est pas tenue de communiquer les documents préparatoires à l'établissement de la proposition de rectification ; l'argument selon lequel le service se serait refusé à communiquer sous forme de fichier informatique les tableaux de l'annexe 8 à la proposition de rectification ne peut donc qu'être écarté ;

- la proposition de rectification est par ailleurs suffisamment motivée, permettant à la société de faire valoir utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait ; la réponse aux observations du contribuable, qui retient certains des arguments présentés, est également suffisamment motivée ;

- le projet de règlement transactionnel de l'affaire, envisagé à la suite de la réclamation préalable présentée par la société, relève de la juridiction gracieuse et demeure sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

- contrairement à ce que soutient la société, le vérificateur n'a pas admis oralement devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires que l'écart entre les buffets facturés par les fournisseurs et ceux facturés par la société aurait été limité à deux buffets ; l'écart reste de quatorze buffets fournis sans séminaire correspondant sur l'ensemble de la période ;

- les anomalies relevées dans la comptabilité de la société, et consignées sur des procès verbaux contresignés par M. A..., mandaté par la société, privent la comptabilité présentée de toute valeur probante ; le vérificateur a constaté que la société ne disposait pas de caisse enregistreuse, contrairement à ce qu'elle soutient, et qu'elle se bornait à comptabiliser globalement ses recettes en fin de journée, les ventilant seulement selon le mode de paiement, sans les appuyer par des factures ou des tickets de caisse ; le détail par mode de paiement ne permet pas de justifier la consistance et la nature des recettes ; les factures présentées relatives à la vente de prestations à des groupes comportaient par ailleurs des incohérences, voire une absence de numérotation, ainsi qu'une absence d'identification complète de la société cliente ; le caractère non probant de la comptabilité est établi ; dès lors, l'administration était en droit de reconstituer les recettes par une méthode extra comptable ;

- la méthode de reconstitution ne s'est appuyée que sur des éléments propres à l'entreprise ; le vérificateur a recherché si les achats de carburants effectués au titre de la période vérifiée corroboraient les recettes déclarées ; il a déterminé la quantité de carburant consommée pour les courses sur circuits proposées par la société et appelées " séries ", d'une durée de 10 minutes, puis le nombre de séries réalisées dans l'année pour calculer la consommation de carburant de l'année ; il a procédé au préalable à deux corrections, la première en excluant des recettes de la vente de séries aux particuliers les ventes de boissons au bar de l'établissement, qui y étaient incluses, et la seconde en convertissant les formules de " séminaires " en équivalences séries " de 10 minutes ; il a ensuite déterminé une consommation de carburant par série et le nombre de série par exercice ; un stock important de carburant restant en fin d'année a ainsi été mis en évidence alors que les capacités de stockage de la société étaient réduites ; l'écart constaté révélait des omissions de recettes de karting, qui ont été reconstituées à partir de la consommation de carburant par série de 10 minutes et du prix unitaire moyen d'une série, à la fois pour les ventes de séries aux particuliers, les prestations de séminaires avec ou sans buffet et les recettes relatives aux séries vendues en carnet ;

- contrairement à ce que soutient la société, les justificatifs produits ont été pris en compte d'abord dans le cadre de la procédure d'imposition, puis au stade de la réclamation préalable ; la consommation de carburant relative aux sorties de reconnaissance en quads n'est pas établie par les documents produits ; les pièces produites concernant les séminaires non déclarés ne démontrent pas que la société a régulièrement inscrit en comptabilité les recettes correspondantes ; s'agissant des ventes de carnets de série, les justificatifs produits ne concernent que les moyens de paiement, ce qui ne permet pas d'établir la réalité des ventes déclarées ;

- la circonstance que, dans le cadre de la négociation transactionnelle, le service vérificateur aurait proposé des conséquences financières inférieures à celles notifiées dans la décision d'admission partielle du 23 mars 2009 est sans incidence sur le bien-fondé de la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé ;

- la société ne fait valoir aucun moyen à l'encontre des pénalités dont elle demande la décharge ; par ailleurs la juridiction administrative est incompétente pour connaître des demandes de remise gracieuse ; les conclusions de la société tendant à ce que soit prononcée la remise intégrale des pénalités pour manquement délibérées sont donc irrecevables ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 septembre 2013, présenté pour la société Karting Côte d'Amour, qui conclut aux mêmes fins que sa requête et fixe à 80 275,39 euros la somme qu'elle demande de mettre à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soulève les mêmes moyens et soutient en outre que :

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier et n'a pas suffisamment motivé le jugement ;

- les pièces complémentaires produites ainsi que celles déjà au dossier permettent d'établir la réalité des recettes relatives aux séminaires avec buffets, à l'exception de quatre d'entre eux, ainsi que celles relatives à la vente de série aux particuliers et aux comités d'entreprises ;

Vu, II, sous le n° 13NT01544 la requête, enregistrée le 3 juin 2013, présentée pour la SARL Karting Côte d'Amour, représentée par sa gérante, dont le siège est 33, rue de la Pierre à Guérande (44350), par Me de Lorgeril, avocat au barreau de Saint Nazaire ; la SARL Karting Côte d'Amour demande à la cour de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la mise en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2003 au 30 septembre 2005 ainsi que des pénalités y afférentes ;

elle soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'au vu de sa situation patrimoniale et financière, qui s'est détériorée depuis la précédente demande de référé suspension présentée le 7 février 2013, l'exécution du recouvrement est susceptible d'entraîner pour elle de graves conséquences, mettant en jeu sa capacité de paiement, voire le maintien de son activité ;

- il existe un doute sérieux sur le bien-fondé des impositions et pénalités contestées ; en effet, l'absence de débat contradictoire et le refus de prendre en compte de multiples justifications apportées par la société sont de nature à vicier la procédure d'imposition au regard des dispositions des articles L. 47 à L. 52 du livre des procédures fiscales ; c'est à tort que l'administration a écarté comme non probante sa comptabilité ; la reconstitution administrative de ses recettes, qui n'a pas tenu compte des renseignements fournis par elle, est complexe et ambiguë ; cette reconstitution repose sur des appréciations non vérifiées voire erronées, notamment en ce qui concerne les ventes de boissons, les prestations de séminaires, les séries de karting vendues au carnet ou à l'unité et la consommation de carburant, et aboutit à des résultats irréalistes, très éloignés de ceux d'établissements comparables ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me de Lorgeril, avocat de la SARL Karting Côte d'Amour ;

1. Considérant que la SARL Karting Côte d'Amour, dont le siège social est à Guérande (Loire-Atlantique) et qui exerce l'activité d'organisation de courses de karts à destination de particuliers et de groupes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2003 et 2004 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2003 au 30 septembre 2005, à l'issue de laquelle le vérificateur a écarté comme non probante la comptabilité présentée et a reconstitué les chiffres d'affaires de la société, faisant apparaître des omissions de recettes ; que, par une proposition de rectification du 27 juin 2006, les redressements en résultant en matière d'impôts sur les société et de taxe sur la valeur ajoutée ont été notifiés à la société ; que la SARL Karting Côte d'Amour relève appel du jugement susvisé du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes n'a que très partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période considérée ;

Sur la requête n°12NT02415 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la SARL Karting Côte d'Amour s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise en présence du représentant mandaté par la gérante de droit, avec lequel le vérificateur a eu plusieurs entretiens portant notamment sur les conditions d'exploitation de l'entreprise et sur les tests de consommation des engins ; que, dans ces conditions, la société ne peut être regardée comme apportant la preuve que le vérificateur, qui n'était pas tenu de lui donner, avant l'envoi de la proposition de rectification, des informations sur les redressements auxquels il envisageait de procéder, se serait refusé à tout échange de vue avec son représentant ; que, par ailleurs, aucune disposition ne fait obligation au service chargé du contrôle de faire droit à la demande du contribuable de production, sous forme de fichier informatique, des tableaux annexés à la proposition de rectification ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de débat oral et contradictoire pris en tous ses motifs doit être écarté ;

4. Considérant que la proposition de rectification adressée le 27 juin 2006 à la SARL Karting Côte d'Amour mentionne les années d'imposition, la nature et le montant en base des rehaussements envisagés ; qu'elle indique également les motifs ayant conduit le vérificateur à écarter la comptabilité produite ainsi que la méthode utilisée pour reconstituer les recettes du contribuable ; que, par suite, la requérante disposait des éléments d'information nécessaires pour présenter, ainsi qu'elle l'a fait par lettres du 28 juillet et du 12 septembre 2006, utilement ses observations sur la détermination des recettes omises ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification au regard des exigences des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, à le supposer soulevé par la société requérante, ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le bien fondé des suppléments d'impositions :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Karting Côte d'Amour, qui n'établit pas qu'elle utilisait une caisse enregistreuse, contrairement à ce qu'elle soutient, enregistrait globalement ses recettes en fin de journée, les ventilant seulement selon le mode de paiement, et qu'elle n'a pas été en mesure de produire au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet les pièces justifiant le détail et la consistance de ses recettes ; que ne sauraient constituer de tels justificatifs les pièces, produites en cours d'instance, constituées de factures clients sommaires et entachées d'irrégularités formelles, telles qu'une numérotation absente ou sans séquence chronologique continue, et de tickets de caisse ne faisant apparaître que le mode de paiement ; que les irrégularités relevées suffisaient par elles-mêmes, compte tenu de leur gravité, à autoriser l'administration à regarder la comptabilité de la société comme dénuée de valeur probante et à l'écarter afin de procéder à une reconstitution administrative de ses recettes ;

S'agissant de la reconstitution des chiffres d'affaires :

7. Considérant que, par un avis rendu le 13 mars 2008, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a estimé que la comptabilité de la SARL Karting Côte d'Amour n'était pas probante et proposé de ne modifier les bases d'imposition issues de la reconstitution des recettes et chiffres d'affaires de la société qu'en ce qui concernait le calcul de la consommation en carburant d'un kart en portant la consommation moyenne à 0,33 litre par kart pour une course de 10 minutes, appelée " série " ; que l'administration, qui a établi les graves irrégularités affectant la comptabilité s'étant conformée à cet avis, la charge de la preuve du caractère exagéré de la reconstitution en litige incombe à la société requérante, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant, en premier lieu, que pour reconstituer les chiffres d'affaires réalisés par la SARL Karting Côte d'Amour au titre des exercices 2003 et 2004 et de la période du 1er janvier au 30 septembre 2005, le vérificateur s'est fondé sur les données propres à l'entreprise vérifiée, dans toute la mesure où elles ont pu être connues du service, ainsi que sur les indications données par le représentant de la société, mandaté par la gérante de droit, et a pris en considération les éléments produits par la société requérante, tant au cours des opérations de contrôle qu'au stade de la réponse aux observations du contribuable du 20 novembre 2006 et de la décision d'admission partielle de sa réclamation du 20 mars 2009 ; que la double circonstance que la méthode de reconstitution employée, précisément décrite dans la proposition de rectification, aboutirait à des résultats supérieurs à ceux relevés dans des établissements concurrents et que l'administration a, en cours de procédure, et y compris dans le cadre d'un projet de règlement transactionnel demeuré sans suite, révisé à la baisse les bases d'imposition initialement retenues afin de tenir compte des éléments justificatifs produits par la société après le contrôle, n'est pas de nature à établir le caractère radicalement vicié de la méthode de reconstitution retenue ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les chiffres d'affaires réalisés par la SARL Karting Côte d'Amour, le vérificateur a d'abord recherché si les achats de carburants effectués au titre de la période vérifiée corroboraient les recettes régulièrement comptabilisées ; que la consommation de carburant pour les courses sur circuit proposées par la société aux particuliers a été fixée, en dernier lieu par le jugement du tribunal administratif, à 0,36 litre pour chaque série de 10 minutes ; qu'en se fondant sur les recettes comptabilisées, le vérificateur a ensuite déterminé le nombre de séries réalisées dans l'année pour calculer la consommation de carburant de la période, selon les différentes activités proposées par la société requérante ; que, s'agissant des recettes comptabilisées au titre de la vente de " séries " aux particuliers, qui incluaient la vente de boissons au bar de l'établissement, le vérificateur a, en l'absence de détail des recettes, évalué la part de vente de ces boissons afin de les exclure de ces recettes et de déterminer les recettes relatives aux seules ventes de séries aux particuliers ; qu'il a estimé le montant des ventes de boissons à partir des achats correspondants, ceux-ci comprenant notamment des achats de bière en quantité importante ; que les pièces produites par la société, constituées des seuls témoignages de ses salariés, ne sont pas de nature à établir que, comme elle le soutient, les achats de bière ne seraient destinés qu'à la consommation du personnel ; que la société n'est pas davantage fondée à demander la prise en compte, dans le cadre de l'évaluation des ventes de boissons dans les recettes comptabilisées, des boissons vendues dans le cadre des séminaires non comptabilisés, telles qu'évaluées par le vérificateur ; qu'enfin, si le vérificateur a indiqué dans la proposition de rectification que le coefficient des offerts, évalué à 5 %, serait appliqué à la totalité des boissons vendues, alors qu'il l'a été, à bon droit, sur les seules boissons consommées hors prestations " open bar ", lesquelles ne sont pas, par nature, concernées par les offerts, cette circonstance n'est pas de nature à rendre erronée l'estimation des recettes à laquelle il a procédé ; qu'enfin, s'agissant des recettes comptabilisées de prestations de courses de karting à destination de groupes, désignées sous le vocable de " séminaires ", consistant en des courses d'une durée variable avec plusieurs véhicules, accompagnées éventuellement de la fourniture d'un buffet et d'une prestation de bar ouvert, le vérificateur a déterminé le nombre de " séries " de 10 minutes équivalant à ces courses ; que le vérificateur a comparé la consommation résultant de l'ensemble de ces éléments aux achats de carburant effectués et a mis en évidence, compte tenu des capacité de stockage très réduites de la société, un écart important d'achat de carburant de nature à révéler des omissions de recettes de karting, lesquelles ont fait l'objet d'une reconstitution ;

10. Considérant, en troisième lieu, que s'agissant de l'activité de séminaires, le vérificateur a reconstitué les recettes omises relatives aux séminaires avec buffet à partir du rapprochement des factures des traiteurs fournisseurs de la société, obtenues par l'exercice de son droit de communication, faisant apparaître que, sur la période contrôlée, après prise en compte par l'administration des justificatifs produits par la société en réponse à la proposition de rectification et au stade de la réclamation, quatorze buffets livrés n'avaient pas donné lieu à la comptabilisation de recettes de séminaires correspondantes ; que le vérificateur a, dans ces conditions, pu à juste titre estimer qu'une proportion analogue de recettes de séminaires sans buffet n'avait pas été déclarée, et en évaluer le montant au prorata de la part de ces séminaires dans le total des recettes comptabilisées au titre de cette activité ; qu'à cet égard la société n'est pas fondée à soutenir que l'écart entre les recettes comptabilisées des séminaires et celles omises se réduirait, en dernier lieu, à quatre séminaires avec buffet, les justifications produites par elle et qui n'ont pas, contrairement à ce qu'elle soutient, été admises par l'administration, telles que des factures des fournisseurs, des tickets de caisse ne mentionnant que les modes de règlement, ou des bordereaux de remise en banque, ne permettant pas de justifier la réalité et la consistance des recettes correspondantes, ni leur correcte inscription en comptabilité ; qu'enfin, la requérante n'apporte pas d'élément permettant de remettre en cause la méthode du vérificateur, qui s'est fondé sur les éléments communiqués par le représentant de l'entreprise, pour déterminer le nombre d'équivalence/séries effectué dans le cadre des séminaires ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que, s'agissant des recettes omises relatives à la vente de carnets de tickets de " séries " de karting, le vérificateur a déterminé le nombre de carnets vendus à partir des achats de carnets de la période, déduction faite des recettes régulièrement comptabilisées à ce titre, le solde étant considéré comme représentant des séries vendues aux particuliers et les recettes correspondantes étant évaluées sur la base du prix moyen du carnet ; que le vérificateur a ensuite, compte tenu du nombre de séries correspondant aux carnets non comptabilisés, calculé la consommation de carburant correspondante ; qu'enfin, s'agissant des recettes omises relatives à la vente de séries à l'unité aux particuliers, le solde du stock de carburant a été considéré comme correspondant à ces ventes ; que si la société soutient que le nombre de carnets vendus aux particuliers ne saurait correspondre strictement au nombre de tickets commandés à l'imprimerie, et qu'aucun stock de carnet de tickets n'a été pris en considération par l'administration, elle n'apporte pas, en se bornant à indiquer les dates d'achat et les quantités de carnet achetées, d'élément permettant de déterminer les variations dans le stock de ces carnets dont elle demande la prise en compte ; que les copies des tickets de caisse produites faisant seulement apparaître les moyens de paiement et les bordereaux de remise en banque d'espèces ne permettent pas d'établir que les recettes alléguées correspondraient aux ventes comptabilisées ; que, par ailleurs, en ce qui concerne la consommation de carburant relative à l'utilisation du véhicule du gérant pour les besoins de la société et ses besoins personnels, les tableaux produits ne permettent pas de remettre en cause la position de l'administration qui a admis l'utilisation professionnelle du véhicule à concurrence de 1 000 km par mois ; qu'enfin, en ce qui concerne les consommations de carburant résultant des reconnaissances des circuits de quads à partir de 2004 et celles résultant de la vente de tickets de quads à partir de 2005, qui n'ont pas été retenues par le vérificateur à défaut d'élément probant, les pièces produites ne permettent pas davantage de remettre en cause la position du service ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que l'instruction administrative reprise à la documentation de base 4 G 3342 n° 4 à jour au 25 juin 1998, qui précise que les renseignements donnés par les contribuables doivent être retenus s'ils sont jugés acceptables, ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi la SARL Karting Côte d'Amour ne peut utilement se prévaloir de cette instruction sur le fondement de ces dispositions ;

13. Considérant, en sixième lieu, que l'engagement, avant l'intervention de la décision d'admission partielle de la réclamation de la société, de discussions entre celle-ci et l'administration fiscale en vue d'un arrangement transactionnel, qui au demeurant n'a pas aboutit, ne constitue pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal dont la société puisse se prévaloir sur le fondement de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré :

14. Considérant que si les redressements opérés ont été assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts qui est contestée par la SARL Karting Côte d'Amour, celle-ci n'a présenté aucun moyen propre à ces pénalités ; que ses conclusions sur ce point ne peuvent qu'être rejetées ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Karting Côte d'Amour n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est, au demeurant, suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur la requête n°13NT01544 :

16. Considérant que, le présent arrêt statuant sur les conclusions de fond présentées par la SARL Karting Côte d'Amour, les conclusions présentées par la société sous le n° 13NT01544 tendant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de la mise en recouvrement des impositions et pénalités contestées, sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Karting Côte d'Amour demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 13NT02415 de la SARL Karting Côte d'Amour est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 13NT01544 de la même société.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Karting Côte d'Amour et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 octobre 2013.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 12NT02415, 13NT01544 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02415
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : DE LORGERIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-17;12nt02415 ?
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