Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2012, présentée pour M. et Mme C... B..., demeurant..., en leur nom propre et en qualité d'ayants-droits de D...B...et de représentants légaux de Thibault et Sébastien B..., par Me Deniau, avocat au barreau de Nantes ; M. et Mme B... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-3862 du 15 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nantes à leur verser la somme globale de 50 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2009, en réparation de leur préjudice moral résultant d'un défaut de soins post-mortem prodigués au corps de leur fille et soeur D...à la suite de son décès le 10 mai 2006 ;
2°) de condamner le CHRU de Nantes à leur verser cette somme, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du CHRU de Nantes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent :
- que les conclusions de l'expertise judiciaire confirment que le comportement du CHRU de Nantes dans les soins post-mortem apportés à leur fille a été fautif ; que les attestations du personnel du CHRU doivent être relativisées ; qu'ils contestent avoir pu se recueillir auprès du corps de l'enfant le 11 mai au matin ; que selon l'expert, les constatations faites à l'arrivée du corps de l'enfant ne peuvent s'expliquer par la durée et les conditions du transport, dont rien ne permet de déterminer qu'elles ont été anormales ; que les témoignages de l'employé des pompes funèbres et du médecin traitant de la famille sont accablants ;
- qu'ils ont assisté en présence de leur deux fils à l'ouverture du sac mortuaire ; qu'ils n'ont pas pu se recueillir auprès du corps de l'enfant avant la mise en bière et la fermeture du cercueil ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 12 avril 2013 à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère Sud, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2013, présenté pour le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nantes, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient :
- que M. et Mme B... ont pu voir le corps de leur fille avant son départ du CHRU ; que le transport du corps de l'enfant impliquait des formalités administratives auxquelles les parents ont procédé ; qu'ils n'ont formulé aucune observation quant aux soins post-mortem reçus par leur fille ; que le corps de l'enfant a été conduit en chambre mortuaire pour y subir une toilette ; que les attestations émanant de l'unité pédiatrique sont circonstanciées et décrivent avec précision la prise en charge de l'enfant décédée ; que les services des pompes funèbres de Bretagne mandatés par les époux B...n'ont formulé aucune observation lors de la pose du bracelet d'identification ou lors de mise de la house de transport ; que le corps de l'enfant est arrivé 26 heures après le décès dans sa famille ; que le processus de rigidification s'était estompé ; que le corps a été placé dans une housse et le transport a duré trois heures ; que les conditions de transport ont contribué à l'état dans lequel le corps a été trouvé lors de son arrivée chez M. et Mme B... ; que pour l'ensemble de ces raisons, la responsabilité du CHRU ne peut être retenue ;
- que M. et Mme B... ne sont pas fondés à solliciter une indemnisation au titre de leur fils Thibault né le 27 août 1993 et qui était donc majeur à la date du jugement ;
- qu'en tout état de cause, les indemnités sollicitées présentent un caractère excessif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :
- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
1. Considérant que la jeune D...B..., qui est née le 23 août 2001 et souffrait d'une cardiopathie congénitale conotroncale, a été hospitalisée à compter du 3 mai 2006 au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nantes en vue d'y subir l'implantation d'une valve cardiaque ; que l'enfant, qui a été victime d'une infection qui n'a pu être jugulée, est décédée le 10 mai suivant à 17 heures 25 ; que le corps de D...a été transporté le 11 mai 2006 au domicile de ses parents situé près de Douarnenez ; que M. et Mme B..., les employés des pompes funèbres et le médecin de famille, ont constaté lors de l'arrivée du corps de l'enfant vers 19 heures que sa bouche était entre-ouverte, que ses yeux n'étaient pas clos et qu'elle présentait des écoulements au niveau des narines ; que les parents de D...ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande d'expertise, laquelle a été confiée par une ordonnance du 30 janvier 2008 du président du tribunal administratif de Nantes au professeur Gallet, chef du service pédiatrique de l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt, auquel a été adjoint un sapiteur, le docteur Fermont, spécialisé en cardiologie pédiatrique ; que le rapport d'expertise ayant été déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2008, M. et Mme B..., agissant tant en leur nom propre, qu'en leur qualité d'ayants-droits de leur fille décédée et de représentants légaux de leurs deux fils, Thibault et Sébastien, alors mineurs, ont présenté une réclamation préalable auprès du CHRU de Nantes qui l'a reçue le 27 avril 2009 ; que suite au rejet implicite de ce recours, les consorts B...ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à ce que cet établissement leur verse une somme globale de 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu'ils estiment avoir subi en raison d'un défaut de soins post-mortem prodigués au corps de leur fille et soeurs ; que par un jugement du 15 mars 2012, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ; que les consorts B...font appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le CHRU de Nantes ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le corps de l'enfant D...présentait des signes de dégradation lors de son arrivée au domicile de ses parents ; que l'expert et son sapiteur, qui ont exclut tout manquement du CHRU de Nantes tant au niveau de l'intervention chirurgicale pratiquée, qu'au niveau de l'infection ayant provoqué le décès de l'enfant, ont indiqué que, selon eux, " la responsabilité de l'hôpital est engagée en ce qui concerne l'état du corps lors du transfert " ; qu'il résulte cependant, d'une part, de l'instruction que cette conclusion repose essentiellement sur les témoignages du médecin traitant de la famille et de M. A..., agent des pompes funèbres de Douarnenez, lequel employé, qui devait réceptionner le corps mais n'en a pas assuré le transport, a indiqué qu'en entrouvrant la housse de transport du corps de l'enfant, il a constaté " qu'elle n'avait fait l'objet d'aucun soin préalable : la bouche était entrouverte, les yeux n'étaient pas clos, aucun orifice n'était obstrué, pas d'emmaillotage (...) " ; que, d'autre part, il est également précisé dans un rapport, établi le 6 octobre 2006 par le cadre supérieur de santé de la direction " Pôle mère enfant " du CHRU, que l'infirmière en réanimation pédiatrique qui s'est occupée du corps deD..., qui a été entendue, et dont les propos ont été confirmés par sa collègue qui l'a aidée, a procédé à l'enlèvement des prothèses résultant de l'intervention chirurgicale et des soins post-opératoires, a réalisé les pansements nécessaires ainsi qu'une toilette de l'enfant et que les yeux et la bouche de D...étaient alors fermés ; qu' il est constant que de tels soins post-mortem ainsi réalisés sur le corps de D...correspondent aux pratiques habituelles du CHRU de Nantes pour un enfant décédé en service pédiatrique ; que, par ailleurs, M. et Mme B..., qui n'étaient pas présents lors du décès de leur enfant, ne contestent pas que le 11 mai 2006 vers 15 heures la famille est allée à la morgue avec le salarié des pompes funèbres chargé d'assurer le transport du corps, que l'employé de la morgue leur a présenté le corps sur un chariot et que vers 16 heures au moment du départ du convoi funèbre, aucune remarque particulière n'a été formulée ni par eux-mêmes, qui ont nécessairement vu au moins une fois leur enfant décédée avant son départ du CHRU de Nantes, ni par les employés des pompes funèbres chargés du transport du corps, qui l'ont placé dans la housse de transport ; qu'il n'est pas davantage contesté que le corps de l'enfant n'a pas été transporté dans une bière où il reste maintenu mais sur un brancard sous la responsabilité d'un transporteur qui devait prendre toutes les précautions de conduite nécessaires durant ce trajet qui a duré trois heures ; qu'enfin, les propos du professeur Rodat du service médico-légal du CHRU de Nantes, figurant dans sa note du 25 septembre 2006, selon lequel le processus de rigidification du corps s'estompe et disparaît au bout de 18 heures et peut entraîner une ouverture de la bouche et de la fente palpébrale ne sont contredits par aucun élément d'ordre médical ; que ce médecin ajoute que des écoulements peuvent ensuite survenir par le nez lors du processus naturel de dégradation du corps, lequel s'accélère notamment lors d'un transport et de la rupture de l'équilibre thermique du corps ; que dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que la preuve d'une faute du CHRU de Nantes dans la réalisation des soins post-mortem apportés à l'enfant D...B...ne pouvait être regardée comme établie ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHRU de Nantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement aux consorts B...de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B..., au centre hospitalier régional universitaire de Nantes et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère Sud.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2013 à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Specht, premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 octobre 2013.
Le rapporteur,
V. GÉLARDLe président,
O. COIFFET
Le greffier,
A. MAUGENDRE
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 12NT01437