Vu le recours, enregistré le 21 janvier 2013, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1107576 du 31 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. C... B..., la décision du 1er juillet 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ;
il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande de M. B... au motif que ce dernier a été l'auteur de faits de violence sur son épouse le 7 juin 2008 ;
- ces faits récents ont donné lieu à un rappel à la loi et sont d'une particulière gravité, même en l'absence de poursuites pénales ;
- il a pris en considération l'ensemble du comportement de l'intéressé dont la conduite lui a paru plus que blâmable, ce qui a été totalement éludé par le tribunal ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2013, présenté pour M. B..., demeurant..., par Me Uroz, avocat au barreau de Lyon ; M. B... conclut au rejet du recours du ministre, à ce qu'il soit enjoint au ministre, à titre principal, de faire droit à sa demande, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 1 448,20 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le recours du ministre est présenté par une autorité incompétente donc il est irrecevable ;
- l'existence d'une procédure de rappel à la loi intervenue en 2008 ne permet pas de justifier le refus de sa naturalisation ;
- les faits qui ont justifié les décisions d'ajournement de ses précédentes demandes ne peuvent fonder la décision contestée ;
- il est parfaitement assimilé à la société française et l'absence de nationalité française fait obstacle à ses perspectives d'évolution professionnelle ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 mai 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut aux mêmes fins que son recours par les mêmes moyens ;
il soutient, en outre, que M. A..., sous-directeur de l'accès à la nationalité française, était dûment habilité à signer le recours ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2013 :
- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;
- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Uroz, avocat de M. B... ;
1. Considérant que par jugement du 31 octobre 2012, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B..., ressortissant marocain, la décision du 1er juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant la demande de naturalisation présentée par l'intéressé ; que le ministre de l'intérieur interjette appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-9 figurant au livre IV du code de justice administrative : " (...) les recours, les mémoires en défense et les mémoires en intervention présentés au nom de l'Etat sont signés par le ministre intéressé. Les ministres peuvent déléguer leur signature dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur (...) " ;
3. Considérant, qu'il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, que le sous-directeur de l'accès à la nationalité française relevant du secrétariat général à l'immigration et à l'intégration, M. A..., dont l'arrêté de nomination pris le 2 septembre 2011 a été publié au Journal officiel de la République française le 4 septembre 2011, avait de ce fait qualité pour signer la requête en appel au nom du ministre de l'intérieur ;
Sur la légalité de la décision du 1er juillet 2011 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations d'apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une procédure pour faits de violences sur conjoint le 7 juin 2008 à Valence, assortie d'un rappel à la loi ; que la matérialité des faits n'est pas sérieusement contestée par M. B..., qui se borne à soutenir qu'il n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale ; que cette circonstance ne faisait toutefois pas obstacle à ce que le ministre prenne en considération de tels faits, eu égard à leur nature, à leur gravité et à leur caractère récent ; que, dans ces conditions, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont il dispose, le ministre a pu, sans commettre ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation, décider, pour ce seul motif, de rejeter la demande de naturalisation de M. B..., alors, qu'au surplus, ce dernier s'était déjà rendu coupable d'un comportement répréhensible ayant justifié l'ajournement de ses deux demandes précédentes ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision contestée du ministre au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de
l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour ;
7. Considérant qu'à supposer même qu'il soit inséré professionnellement, il ressort des pièces du dossier que le ministre aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur le seul motif tiré des faits reprochés à M. B... rappelés au point 5, sans entacher, ainsi qu'il vient d'être dit, sa décision d'illégalité ;
8. Considérant enfin, que les circonstances que M. B... serait entré régulièrement en France par regroupement familial, à l'âge de sept ans, que sa mère et ses frères et soeurs auraient acquis la nationalité française, qu'il serait parfaitement intégré au sein de la société française, en particulier sur le plan professionnel et que l'absence de nationalité française ferait obstacle à sa titularisation éventuelle dans un poste de la fonction publique hospitalière, sont sans influence sur la légalité de la décision contestée ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 1er juillet 2011 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, annulant le jugement du tribunal administratif de Nantes, fait revivre par voie de conséquence la décision contestée ; que, par suite, il n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il suit de là que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par M. B..., tant devant les premiers juges, qu'en cause d'appel, ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 31 octobre 2012 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2013.
Le président-assesseur,
J.-F. MILLET
Le président-rapporteur,
B. ISELIN
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT00162