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19/09/2013 | FRANCE | N°12NT02383

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 19 septembre 2013, 12NT02383


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2012, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me Berthault, avocat au barreau de Rennes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-927 du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant d'une part, à déclarer le département du Finistère responsable de l'accident dont il a été victime le 11 janvier 2008, et d'autre part, à la condamnation du département du Finistère à l'indemniser de ses préjudices résultant de cet accident ;

2°) de condamner, à titre prin

cipal, le département du Finistère à lui verser la somme de 87 744 euros au titre ...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2012, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me Berthault, avocat au barreau de Rennes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-927 du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant d'une part, à déclarer le département du Finistère responsable de l'accident dont il a été victime le 11 janvier 2008, et d'autre part, à la condamnation du département du Finistère à l'indemniser de ses préjudices résultant de cet accident ;

2°) de condamner, à titre principal, le département du Finistère à lui verser la somme de 87 744 euros au titre de son préjudice professionnel, la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et de son déficit fonctionnel permanent, et la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal, les intérêts étant eux mêmes capitalisés ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'instruction afin que soit transmis le rapport d'intervention du SDIS 29 du 11 janvier 2008, d'ordonner une expertise médicale en vue de déterminer l'étendue de son préjudice et de dire quelles sont les séquelles de l'accident après consolidation et s'il existe des chances de reprise d'une activité normale, et de condamner le département du Finistère à lui verser la somme de 5 000 euros à titre provisionnel ;

4°) de mettre à la charge du département du Finistère la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la responsabilité du département du Finistère est engagée à raison du défaut d'entretien normal de la chaussée à l'origine de l'aquaplaning qui a provoqué l'accident dont il a été victime ; que l'inondation de la chaussée par un torrent d'eau et de boue n'était pas signalée ; qu'un témoin de l'accident, qui suivait son véhicule, atteste de la présence de ce torrent qui barrait la route sur une longueur de plus de 10 mètres et une largeur de plus de 3 mètres et que cet obstacle excédait les difficultés que les usagers doivent normalement s'attendre à rencontrer ; que la dernière intervention des services départementaux sur les avaloirs bordant la route est datée du 17 décembre 2011, soit 24 jours avant l'accident ; que sa vitesse n'était pas excessive ;

- que le lien de causalité entre son accident et l'importante flaque d'eau sur la chaussée est établi ;

- qu'à raison des séquelles médicales liées à son accident, il ne peut plus embarquer sur un navire et qu'il justifie de la perte de sa prime d'embarquement et ce jusqu'à l'âge de 58 ans ; qu'il justifie également de son déficit fonctionnel, de son préjudice moral, des souffrances endurées et des troubles dans ses conditions d'existence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2012, présenté pour le département du Finistère, représenté par son président en exercice, par Me Martin, avocat au barreau de Rennes, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que les sommes demandées soit ramenées à de plus justes proportions, et enfin, à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir :

- qu'aucun élément ne permet d'établir l'existence d'un défaut d'entretien normal de la chaussée ; que, si la voie était mouillée, ce phénomène n'était pas anormal en raison des conditions météorologiques ; que le flux d'eau présent sur la chaussée ne présentait pas un caractère exceptionnel ; que l'entretien des avaloirs permettant l'écoulement des eaux dans les accotements de la chaussée est attesté par les comptes-rendus d'intervention des services départementaux entre novembre et décembre 2007 ; que la circonstance qu'une signalisation a été mise en place postérieurement à l'accident en cause et que des travaux ont été réalisés en 2008 est sans incidence sur la responsabilité du département quant au niveau de l'entretien normal de l'ouvrage ; que seul M. B... a été victime d'un accident à cet endroit ; que les pluies ont été soudaines et n'ont pas permis au département d'alerter les usagers de la RD 887 ;

- que l'unique cause de l'accident résulte de l'imprudence de M. B... qui roulait à une vitesse excessive, ainsi que cela ressort du procès-verbal dressé par les services de la gendarmerie, alors que la chaussée était mouillée et que la visibilité était réduite ; que M. B..., connaissant parfaitement cette route qu'il empruntait quotidiennement, aurait dû adapter sa vitesse aux conditions de circulation ;

- que le préjudice professionnel dont M. B... demande réparation n'est qu'éventuel dès lors qu'il exerçait ses fonctions sur un poste à terre depuis 5 ans à l'école navale et qu'il ne ressort pas des pièces versées au dossier qu'il aurait émis le voeu de reprendre un service en mer ; que M. B... a pu être affecté à terre pour des raisons médicales antérieures à l'accident en litige ; qu'en tout état de cause, il ne saurait prétendre au versement d'une prime correspondant à un embarquement à temps complet au cours des 18 prochaines années ; qu'il a été indemnisé de son pretium doloris par l'État qui se trouve ainsi subrogé dans les droits de M. B... pour ce chef de préjudice ; que M. B... n'établit aucun déficit fonctionnel permanent puisqu'il est en mesure de poursuivre son activité ; qu'il ne justifie pas plus de son préjudice d'agrément ;

- qu'en ce qui concerne la demande indemnitaire présentée par l'État, celui-ci n'établit pas avoir versé la somme de 7 500 euros au titre des souffrances endurées par M. B... et être ainsi subrogé dans les droits de son agent ; que l'évaluation de ce préjudice par l'assureur de M. B... est excessive au regard du barème de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales habituellement utilisé ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 décembre 2012, présenté par le ministre de la défense qui conclut à la condamnation du département du Finistère à lui rembourser les sommes versées à son agent durant l'arrêt de travail de celui-ci pour des montants de 15 536,05 euros et 7 500 euros, et à ce que la somme de 997 euros soit mise à la charge du département du Finistère au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion :

Il fait valoir :

- qu'en tant qu'employeur de M. B..., il est fondé à demander au tiers responsable de l'accident le montant de la solde versée durant la période d'indisponibilité de son agent du 11 janvier au 13 avril 2008 ; qu'il a indemnisé les souffrances endurées par M. B... à hauteur de 7 500 euros ;

- qu'il a engagé des frais pour obtenir le remboursement des sommes demandées justifiant l'attribution d'une indemnité forfaitaire de gestion ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 janvier 2013, présenté pour le ministre de la défense qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que dans son précédent mémoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 février 2013, présenté pour la caisse nationale militaire de sécurité sociale qui déclare ne pas intervenir dans la présente instance ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 juillet 2013, présenté pour M. B..., qui conclut à ce que la somme de 87 744 euros qu'il demandait au titre de son préjudice professionnel soit ramenée à 11 783 euros, qu'il soit donné acte de la subrogation de l'État au titre de l'indemnisation des souffrances endurées, et au maintien de ses autres conclusions ;

Il soutient en outre :

- que la présence de boue sur la chaussée révèle un défaut d'entretien normal des bas-côtés ; que les services techniques sont intervenus tous les quatre jours entre le 11 et le 17 décembre 2011 mais plus après cette date, sans justification ; que le classement sans suite par le Parquet exclut toute conduite excessive de sa part ;

- qu'il a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er janvier 2013 à raison de l'impossibilité pour lui de prétendre à nouveau à un poste en mer et que son préjudice de carrière s'élève à 11 783 euros ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 août 2013 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Berthault, avocat de M. B... ;

1. Considérant que, le 11 janvier 2008 vers 7h45, M. B... a été victime d'une sortie de route alors qu'il circulait sur la voie départementale D887, au lieu-dit " Ty Anglais " sur la commune de Dinéault, pour se rendre à son travail ; qu'attribuant son accident à la présence anormale d'eau et de boue sur la chaussée à l'origine d'un phénomène d'hydroplanage lui ayant fait perdre la maîtrise de son véhicule, M. B... a saisi le tribunal administratif de Rennes afin d'obtenir du département du Finistère l'indemnisation des différents préjudices subis par lui ; qu'il relève appel du jugement du 27 juin 2012 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que, sur le fondement de l'ordonnance du 7 janvier 1959, le ministre de la défense demande à la cour de condamner le département du Finistère à l'indemniser des traitements versés à son agent durant sa période d'indisponibilité, et de la somme versée au titre des souffrances endurées par lui ;

Sur la responsabilité du département du Finistère :

2. Considérant que si M. B... soutient qu'il a dérapé sur une nappe d'eau et de boue recouvrant la voie qu'il empruntait et que cet obstacle résultait d'un défaut d'entretien des avaloirs permettant l'écoulement des eaux dans les fossés bordant la route à l'endroit où s'est produit l'accident, le département du Finistère invoque en réponse les très mauvaises conditions météorologiques de ce début de matinée, fait valoir que le procès-verbal de constat d'accident dressé par les services de gendarmerie de Châteaulin arrivés sur les lieux à 8h50 fait état d'une chaussée simplement " mouillée ", et produit des fiches d'intervention régulière de ses services entre le 11 décembre 2007 et le 11 janvier 2008 pour des opérations de déblaiement du réseau d'assainissement de la RD 887 ; que le rapport de l'expert mandaté par l'assureur de M. B... indique, par ailleurs, que le lieu où s'est produit la sortie de route n'est pas classé comme accidentogène et que l'accident de la victime est isolé au regard des interventions des services de secours de Chateaulin au cours de cette période ; qu'au surplus, le rapport de gendarmerie précise que M. B... roulait à une vitesse excessive eu égard aux conditions de circulation difficiles en raison de fortes pluies ; que le département doit ainsi être regardé comme apportant la preuve de l'absence de défaut d'entretien normal du réseau d'assainissement bordant la chaussée ; que la circonstance que la collectivité publique a procédé, courant mai 2008, à des travaux d'élargissement des fossés creusés dans l'accotement et d'installation de buses d'un diamètre supérieur et que des piquets de signalisation de ces travaux ont été disposés n'est pas de nature à démontrer le défaut d'entretien normal des bas côtés ou que le département aurait manqué à son obligation de signaler un danger connu ou prévisible ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires et celles tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale ne peuvent qu'être rejetées ; que, pour les mêmes motifs, les conclusions indemnitaires présentées par le ministre de la défense et celles tendant au versement d'une indemnité forfaitaire de gestion ne pourront qu'être rejetées,

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Finistère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par le département du Finistère au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de la défense et les conclusions du département du Finistère tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au département du Finistère, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 29 août 2013, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 septembre 2013.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02383
Date de la décision : 19/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : BERTHAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-09-19;12nt02383 ?
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