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04/07/2013 | FRANCE | N°12NT03380

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 juillet 2013, 12NT03380


Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Le Bourhis, avocat au barreau de Rennes ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-1117 du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le Congo comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et

-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de...

Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2012, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Le Bourhis, avocat au barreau de Rennes ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-1117 du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le Congo comme pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à Me Le Bourhis de la somme de

2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, moyennant la renonciation de celui-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ; en effet, le préfet d'Ille-et-Vilaine se borne à faire référence aux dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans préciser sur lequel des cas envisagés par celles-ci il a entendu fonder sa décision ; en outre, l'erreur de fait quant au pays de destination mentionné dans l'arrêté contesté révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- deux de ses enfants sont mineurs et scolarisés en France depuis leur arrivée sur le territoire où ils sont bien intégrés ; elle souffre de troubles psychologiques importants qui nécessitent une prise en charge médicale ; son compagnon et père de ses enfants, est décédé en République démocratique du Congo en 2008 ; elle dispose d'un logement à Fougères et ses compétences en langues étrangères lui ont permis de proposer son aide à plusieurs associations de la région ; le préfet d'Ille-et-Vilaine a, par conséquent, méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté contesté méconnait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car son état de santé nécessite une prise en charge médicale importante et des consultations spécialisées auprès d'un psychiatre ; en outre, l'origine de sa pathologie et le caractère insuffisant de l'offre de soins des dépressions nerveuses en République démocratique du Congo l'empêcheront de bénéficier d'un traitement approprié en cas de retour dans ce pays ;

- le préfet d'Ille-et-Vilaine a commis une erreur de fait en mentionnant le Congo comme pays de destination alors qu'elle est née à Kinshasa en République démocratique du Congo ; son compagnon a été assassiné en 2008 du fait de son engagement contre le président Joseph Kabila ; elle a dû fuir son domicile et se réfugier à Brazzaville avant de venir en France après avoir reçu des menaces de la part de militaires ; l'arrêté contesté a méconnu, pour ces motifs, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine qui n'a pas produit de mémoire ;

Vu la décision du 23 novembre 2012 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes admettant Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Le Bourhis pour l'assister dans la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2013 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme B..., ressortissante de République démocratique du Congo, relève appel du jugement du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2012 du préfet d'Ille-et-Vilaine portant refus de lui délivrer un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le Congo comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que Mme B... soutient que le préfet d'Ille-et-Vilaine se borne à viser le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans indiquer sur lequel des cas envisagés par ces dispositions il a entendu fonder sa décision ; que, toutefois, le fondement juridique de la décision faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours peut être déduit des faits mentionnés dans l'arrêté qui font état du rejet de la demande d'asile de Mme B... par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, de sa demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade, de l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ainsi que des circonstances qu'aucun élément nouveau ni de droit ni de fait ne permet à l'intéressée de bénéficier d'un titre de séjour et qu'elle n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme B..., à laquelle la délivrance d'un titre de séjour avait été refusée, relevait par conséquent du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, la décision par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est suffisamment motivée ; qu'en outre, la circonstance que l'arrêté contesté mentionne " le Congo " comme pays de destination et non la République démocratique du Congo n'est pas de nature à établir, à elle seule, que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen complet de la situation personnelle de l'intéressée ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

4. Considérant que Mme B... soutient que deux de ses enfants nés en 2007 sont scolarisés en France depuis leur arrivée sur le territoire, qu'elle souffre de troubles psychologiques qui nécessitent une prise en charge médicale importante, qu'elle est bien intégrée en France, s'investit dans des activités bénévoles, et que son compagnon est décédé en 2008 en République démocratique du Congo ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de Mme B..., qui déclare être entrée irrégulièrement en France le 29 septembre 2009, est récent ; que sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été examinée et rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile par des décisions des 3 juin 2010 et 23 décembre 2011 ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans et où réside sa fille aînée, née en 1994 ; qu'en outre, aucune circonstance ne fait obstacle à ce que ses jeunes enfants poursuivent leur scolarité dans leur pays d'origine ; qu'ainsi, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour en France de Mme B..., l'arrêté contesté n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de la requérante ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) " ;

6. Considérant que si Mme B... soutient qu'elle souffre de troubles psychologiques en lien avec son pays d'origine qui nécessitent une prise en charge médicale importante et des consultations spécialisées auprès d'un psychiatre, les certificats médicaux qu'elle produit, lesquels sont peu circonstanciés et se bornent à mentionner qu'elle " se plaint de troubles du sommeil, fait des cauchemars par rapport à ce qu'elle a vécu dans son pays ", qu'elle " a peur pour sa sécurité et sa vie si elle retourne dans son pays " et que l'interruption de son traitement médical " aurait des conséquences néfastes sur son état ", ne sont pas de nature à contredire l'avis du 24 août 2010 du médecin inspecteur de la santé qui a estimé que l'absence de soins ne devrait pas entraîner pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi, Mme B... ne peut utilement faire valoir qu'elle ne pourrait disposer d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

8. Considérant que si Mme B..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, soutient qu'elle encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'engagement politique de son compagnon qui a été assassiné en 2008, qu'elle a reçu des menaces de la part de militaires et qu'elle a dû quitter son pays pour échapper aux persécutions dont elle faisait l'objet, les documents qu'elle produit ne permettent pas de tenir pour établie la réalité des risques allégués en cas de retour en République démocratique du Congo ; qu'en outre, si l'arrêté contesté mentionne que l'intéressée pourra être reconduite " à destination du pays dont elle déclare avoir la nationalité à savoir le Congo ", cette mention n'est pas de nature à entrainer l'illégalité de la décision fixant le pays de destination, dès lors qu'eu égard aux termes de l'arrêté contesté, lequel fait référence indifféremment à la République démocratique du Congo, au Congo (RDC) et au Congo, le pays de destination est déterminé sans ambiguïté comme étant la République démocratique du Congo ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2013.

Le rapporteur,

F. LEMOINE Le président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT033802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT03380
Date de la décision : 04/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-04;12nt03380 ?
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