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27/06/2013 | FRANCE | N°12NT02326

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 27 juin 2013, 12NT02326


Vu la requête, enregistrée le 10 août 2012, présentée pour la SARL Prest'im, dont le siège social est situé ZI rue Nicolas Appert, BP 147 à Alençon (61005), par Me Girondin, avocat au barreau d'Alençon ; la SARL Prest'im demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100765 en date du 19 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle a acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ;

2°) de prononcer la restitution dem

andée de la somme de 296 975,80 euros, assortie des intérêts moratoires ;

3°) ...

Vu la requête, enregistrée le 10 août 2012, présentée pour la SARL Prest'im, dont le siège social est situé ZI rue Nicolas Appert, BP 147 à Alençon (61005), par Me Girondin, avocat au barreau d'Alençon ; la SARL Prest'im demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100765 en date du 19 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle a acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 ;

2°) de prononcer la restitution demandée de la somme de 296 975,80 euros, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'administration ne peut invoquer l'application directe de la directive TVA à son encontre ;

- l'article 257, 6° du code général des impôts ne peut être regardé comme ayant transposé la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 qui lui est postérieure ;

- les opérations par lesquelles elle a cédé des terrains à des particuliers en vue de la construction d'un immeuble à usage d'habitation auraient dû être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des articles 12 § 1) b et 135 § 1) k de la directive TVA dès lors que les terrains vendus à des particuliers ont été exclus par la loi française de la définition des terrains à bâtir ;

- les dispositions de l'article 257, 6° du code général des impôts sur lesquelles s'est fondée l'administration pour l'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas conformes à la directive TVA en ce qu'elles s'appliquent à une catégorie d'assujettie, les marchands de biens, inconnue de la directive qui ne connaît que la notion d'assujetti en tant que tel, en fonction du régime d'imposition de ces assujettis ;

- les dispositions de l'article 257, 6° du code général des impôts ne sont pas conformes à la directive TVA en ce qu'elles soumettent à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de terrains qui ne sont pas à bâtir alors que l'article 135 § 1) k de la directive TVA du 28 novembre 2006 exonère de taxe les livraisons des biens immeubles non bâtis ;

- le principe de neutralité fiscale s'oppose à ce qu'elle soit assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 257, 6° du code général des impôts alors que d'autres assujettis réalisant les mêmes opérations ne sont pas soumis à cette taxe ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 février 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- la demande de restitution est irrecevable en application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales en tant qu'elle excède la somme de 136 455 euros ;

- si pour la période antérieure au 11 mars 2010, l'article 257, 7° du code général des impôts ne s'appliquait pas aux ventes de terrains à bâtir réalisées au profit de personnes physiques en vue de la construction d'immeubles affectés à l'habitation, rien n'interdisait de faire application de l'article 257,6° du même code sur la vente de ces terrains ; par suite, c'est à bon droit que le tribunal a distingué la cession du terrain à bâtir à des particuliers, que l'article 257, 7° du code général des impôts exonérait de taxe sur la valeur ajoutée et la transaction effectuée par le lotisseur, opération économique réalisée par un assujetti agissant en tant que tel comprise dans le champs de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le régime, qui prévoit que, pour les professionnels de l'immobilier, les opérations d'achat-revente de terrains à bâtir entrent dans le champ d'application de la taxe et sont, conformément à l'article 268 du code général des impôts, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur la seule marge, est conforme à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 qui énonce que les opérations portant sur les terrains à bâtir entrent dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et sont soumises à la taxe ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2013 :

- le rapport de Mme Coiffet, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Prest'im, qui exerce une activité de lotisseur dans le département de l'Orne, fait appel du jugement susvisé du 19 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge d'un montant total de 296 975,80 euros qu'elle soutient avoir acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 à raison d'opérations de cession, après aménagement, de terrains à bâtir ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les opérations de cession en litige ont été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions du 6° de l'article 257 du code général des impôts ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait opposer à la société requérante les dispositions de la directive TVA du 28 novembre 2006 ne peut être accueilli ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'insuffisante transposition de cette directive doit être écarté comme étant dépourvu des précisions nécessaires permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ;

4. Considérant, en troisième lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la directive susvisée du 28 novembre 2006 : " 1. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (...) les livraisons de biens effectuées à titre onéreux sur le territoire d'un Etat membre par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de cette directive : " 1. Les Etats membres peuvent considérer comme assujetti quiconque effectue, à titre occasionnel, une opération relevant des activités visées à l'article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, et notamment une seule des opérations suivantes : b) la livraison d'un terrain à bâtir. (...) 3 ; Aux fins du paragraphe 1 point b), sont considérés comme " terrains à bâtir " les terrains nus ou aménagés, définis comme tels par les Etats membres (...) " ; qu'aux termes de l'article 135 de la même directive : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes : (...) k) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir (...) " ; qu'aux termes de l'article 137 de la même directive : " 1. Les Etats membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d'opter pour la taxation des opérations suivantes : (...) c) les livraisons de biens immeubles non bâtis autres que celles des terrains à bâtir visés à l'article 12, paragraphe 1, point b) (...) " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 6° Sous réserve du 7° : a) Les opérations qui portent sur des immeubles (...) dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux ; (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G (...) ; Ces dispositions ne sont pas applicables aux terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation. (...) " ; qu'aux termes de l'article 268 de ce code : " En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l'article 257, la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : a. D'une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s'y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; b. D'autre part, selon le cas : - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du bien (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Prest'im a procédé, au cours de la période en litige, dans le cadre de son activité de lotisseur, à la cession à des particuliers de terrains préalablement viabilisés en vue de l'édification de bâtiments à usage d'habitation ; que ces terrains, qui pouvaient, en application de la réglementation en matière d'urbanisme, recevoir des constructions, présentaient le caractère de terrains à bâtir au sens des dispositions de l'article 135, paragraphe 1 k) de la directive du 28 novembre 2006 lesquelles excluent expressément du bénéfice de l'exonération de taxe qu'elles instituent en faveur des opérations de cession de biens immeubles non bâtis, les livraisons de terrains à bâtir ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les opérations de cession de terrains en cause auraient dû être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de ces dispositions ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que les marchands de biens, aménageurs et lotisseurs qui, à l'instar de la SARL Prest'im, vendent des terrains à bâtir, effectuent des opérations économiques entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ils ont, à ce titre, la qualité d'assujetti au sens de la directive du 28 novembre 2006 ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions de l'article 257 du code général des impôts soumettent à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de terrains à bâtir réalisées par des personnes n'ayant pas la qualité d'aménageur, de lotisseur ou de marchand de biens ; que si les cessions de terrains à des particuliers en vue de la construction d'immeubles à usage d'habitation sont placées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du 7° de l'article 257, il est constant que ces dernières dispositions n'ont pas fondé les impositions dont la SARL Prest'im a sollicité la restitution ; que, par suite, le moyen tiré par l'intéressée de ce que les dispositions du 6° de l'article 257 du code général des impôts sont incompatibles avec ladite directive dès lors qu'elles concernent une catégorie professionnelle, les marchands de biens, inconnue de celle-ci, et de ce qu'elles méconnaissent le principe de neutralité fiscale dans la mesure où des assujettis réalisant des opérations identiques à celles qu'elle effectue ne sont pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, doit être écarté ;

8. Considérant, enfin, que si la SARL Prest'im soutient que les dispositions de l'article 257, 6° du code général des impôts, en ce qu'elles soumettent par principe et de façon générale les opérations portant sur des immeubles à la taxe sur la valeur ajoutée, sont incompatibles avec le principe d'exonération fixé à l'article 135 paragraphe 1 k) de la directive du 28 novembre 2006 en faveur notamment des livraisons de biens immeubles non bâtis, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige qui procèdent de la taxation d'opérations de cession de terrains à bâtir, lesquelles, ainsi qu'il a été dit au point 6, ne sont pas au nombre des opérations exonérées de taxe par la directive ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la

fin de non-recevoir opposée par le ministre délégué chargé du budget, que la SARL Prest'im n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :

10. Considérant qu'en l'absence de litige né et actuel les conclusions de la SARL Prest'im tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables et doivent, dès lors et en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Prest'im demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de la SARL Prest'im est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Prest'im et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Piot, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Coiffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2013.

Le rapporteur,

V. COIFFETLe président,

J-M. PIOT

Le greffier,

C. CROIGER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02326 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02326
Date de la décision : 27/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: Mme Valérie COIFFET
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : GIRONDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-27;12nt02326 ?
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