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20/06/2013 | FRANCE | N°12NT01104

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 20 juin 2013, 12NT01104


Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2012, présentée pour la SA France Télécom, dont le siège est 6 place d'Alleray à Paris Cedex (75015), par Me Mechinaud, avocat au barreau de Nantes ; la SA France Télécom demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-7417 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société GT Canalisations à réparer le préjudice résultant des dommages causés à son réseau le 5 décembre 2006 sur le territoire de la commune de la Flèche et l'a condamnée à verser

à cette société la somme de 7 328,21 euros hors taxes assortie des intérêts au ta...

Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2012, présentée pour la SA France Télécom, dont le siège est 6 place d'Alleray à Paris Cedex (75015), par Me Mechinaud, avocat au barreau de Nantes ; la SA France Télécom demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-7417 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société GT Canalisations à réparer le préjudice résultant des dommages causés à son réseau le 5 décembre 2006 sur le territoire de la commune de la Flèche et l'a condamnée à verser à cette société la somme de 7 328,21 euros hors taxes assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010 ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner cette société à lui verser la somme de 15 188,41 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de rejeter les conclusions reconventionnelles de la société GT Canalisations ;

4°) de mettre à la charge de cette dernière la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'elle avait la qualité de tiers par rapport aux travaux et que la responsabilité de la société GT Canalisations, auteur du dommage, est engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute ; que la charge de la preuve de la faute exonératoire de la victime incombe à l'auteur du dommage ; que la société GT Canalisations n'a pas rapporté cette preuve ;

- qu'elle a rempli les obligations résultant de l'article 10 du décret du 14 octobre 1991 dès lors qu'elle a fourni les plans d'implantation du réseau et indiqué les coordonnées d'un agent sur le récépissé de la déclaration d'intention de commencement de travaux ; que, s'agissant de la profondeur d'enfouissement des ouvrages, le tribunal administratif a renversé la charge de la preuve ; que la société GT Canalisations n'a démontré aucun des faits allégués ; qu'elle n'a pas renoncé aux sondages indispensables en raison d'une erreur dans les plans mais de l'interdiction formulée par le maître de l'ouvrage ; qu'elle n'a commis aucune faute de nature à exonérer la responsabilité de la société GT Canalisations ;

- que c'est la société GT Canalisations qui doit réparer les dommages ; que la facture produite par cette société a été établie pour les besoins de la cause ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2013, présenté pour la société GT Canalisations, par Me Landry, avocat au barreau du Mans, qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que la somme que France Télécom a été condamnée à lui verser par le tribunal administratif soit portée à 9 730,57 euros HT, enfin à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de France Télécom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'après vérification sur place avec un géomètre elle a établi de nouveaux plans d'exécution qui ont été communiqués au maître de l'ouvrage puis au maître d'oeuvre qui les a validés ; que, par précaution, et alors que le projet du maître d'oeuvre prévoyait comme fil d'eau le moins profond 1,52 m, elle a décidé de le porter à 1,70 m ; que le 6 septembre 2006 elle a établi une déclaration d'intention de commencement de travaux qu'elle a communiquée à France Télécom, à la DDE et au maître de l'ouvrage ; qu'à cette occasion France Télécom lui a fourni un plan mentionnant le tracé de ses réseaux mais pas leur altimétrie et a omis de cocher la case du formulaire invitant l'entreprise à prendre contact avec l'un de ses représentants ; qu'une réunion s'est tout de même tenue sur place avec un agent de France Télécom le 29 septembre ; qu'à cette occasion il a été indiqué que la profondeur maximum de la nappe des réseaux France Télécom devait faire 30 cm d'épaisseur et être enterrée à 80 cm maximum ; que ces indications ont été vérifiées sur le terrain ; qu'elle n'a pas été autorisée par la DDE à réaliser des sondages sous la chaussée ; qu'elle ne peut être tenue de réparer les dommages subis par France Télécom qui ont pour cause exclusive la propre faute de celle-ci ;

- qu'en vertu de l'article 10 du décret du 14 octobre 1991 la société France Télécom devait lui indiquer le tracé horizontal de ses ouvrages mais également l'altimétrie de ceux-ci ; que cette faute l'exonère de toute responsabilité ;

- que la somme demandée en première instance au titre du " véhicule équipé et petits matériels " correspond au coût horaire d'un fourgon de liaison permettant le transport du personnel de chantier, de l'entreprise jusqu'au lieu du chantier ; que les frais généraux sont constitués de l'ensemble des frais de structure, de fonctionnement et d'ordre administratif et représentent 11% du chiffre d'affaires ; qu'elle est ainsi en droit d'obtenir une indemnisation complémentaire de 1 332 euros HT ;

Vu le mémoire enregistré le 16 mai 2013, présenté pour la société France Télécom, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens, et soutient en outre :

- que la société GT Canalisations ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute ; qu'aucun sondage n'a été réalisé par cette société ;

- que cette société n'apporte aucun élément pour justifier son préjudice poste par poste ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2013 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Mechinaud, avocat de la société France Télécom ;

- et les observations de Me Landry, avocat de la société GT Canalisations ;

1. Considérant que la société GT Canalisations a été chargée, dans le cadre d'un marché public conclu le 18 septembre 2006, de la mise en conformité des réseaux d'eaux et d'assainissement sur une partie du territoire de la commune de la Flèche et, notamment, sur le boulevard Latouche et rue de la Brasserie ; qu'à l'occasion de la réalisation de ces travaux, le 5 décembre 2006, la société a endommagé des réseaux appartenant à la société France Télécom ; que les travaux de reconnexion des abonnés ont été réalisés immédiatement entre le 5 et le 7 décembre 2006 ; que, le 23 janvier 2007, la société France Télécom a adressé à la société GT Canalisations une demande indemnitaire d'un montant de 15 188,41 euros au titre des travaux de reprise ; que, le 25 mai 2007, la société GT Canalisations a pour sa part présenté une facture de 12 060,46 euros à la société France Télécom au titre des moyens humains et matériels mis à la disposition de celle-ci lors des travaux de reprise des désordres ; que la société France Télécom a alors saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 9 février 2012, a rejeté sa demande mais a fait partiellement droit aux conclusions reconventionnelles présentées par la société GT Canalisations en condamnant France Télécom à lui verser la somme de 7 328,21 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010 au titre de sa participation aux travaux de reprise ; que la société France Télécom fait appel de ce jugement ; que la société GT Canalisations demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de porter à 9 730,57 euros la somme qui lui a été allouée par les premiers juges ;

Sur l'appel principal :

2. Considérant que, même en l'absence de faute, la collectivité maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du décret susvisé du 14 octobre 1991 dans sa rédaction alors en vigueur : " En ce qui concerne les travaux effectués à proximité d'ouvrages énumérés à l'article 1er autres que ceux mentionnés à l'article 9, les exploitants communiquent au moyen du récépissé prévu à l'article 8, sous leur responsabilité et avec le maximum de précisions possible tous les renseignements en leur possession sur l'emplacement de leurs ouvrages existant dans la zone où se situent les travaux projetés et y joignent les recommandations techniques écrites applicables à l'exécution des travaux à proximité desdits ouvrages. / Si les travaux, en raison de leurs conditions de réalisation telles que celles-ci sont précisées dans la déclaration souscrite par l'exécutant, rendent nécessaire le repérage, préalable et en commun, de l'emplacement sur le sol des ouvrages, les exploitants en avisent, au moyen du même récépissé, l'exécutant des travaux afin de coordonner les dispositions à prendre. / Les travaux ne peuvent être entrepris qu'après la communication des indications et recommandations fournies par les exploitants concernés. Toutefois, à défaut de réponse des exploitants concernés dans le délai fixé à l'article 8, les travaux peuvent être entrepris trois jours, jours fériés non compris, après l'envoi par l'exécutant des travaux d'une lettre de rappel confirmant son intention d'entreprendre les travaux. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société GT Canalisations, qui devait réaliser un tunnel passant sous le réseau de France Télécom, a adressé à cette dernière une déclaration d'intention de commencement des travaux le 6 septembre 2006 ; que si France Télécom a indiqué sur le récépissé de cette déclaration qu'au moins un ouvrage était concerné par les travaux litigieux, que l'emplacement de cet ouvrage figurait sur un plan annexé et a mentionné le nom de l'agent à contacter, il est constant qu'elle n'a pas renseigné la case invitant la société à prendre contact avec son représentant " afin de procéder au repérage préalable et en commun de l'emplacement des ouvrages et d'arrêter en commun les mesures à prendre pour préserver la sécurité de ses ouvrages ", et que le plan ainsi communiqué ne précisait pas la profondeur des réseaux ; que si une réunion sur place a néanmoins eu lieu le 29 septembre 2006 en présence d'un agent de France Télécom, aucun plan complémentaire n'a été remis et seules des informations orales et partielles relatives à l'altimétrie des ouvrages ont été communiquées à l'entreprise ; que, dans ces conditions, la société GT Canalisations, qui se prévaut de l'ensemble de ces éléments, doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de ce que la société France Télécom ne lui a pas communiqué avec " le maximum de précisions possible tous les renseignements en (sa) possession sur l'emplacement de (ses) ouvrages " ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges, qui n'ont pas renversé la charge de la preuve, ont estimé que la société France Télécom avait commis une faute totalement exonératoire de toute responsabilité pour la société GT Canalisations ; que la circonstance que cette dernière aurait renoncé aux sondages indispensables en raison du refus du maître de l'ouvrage est sans incidence dès lors, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que sa responsabilité était susceptible d'être engagée en dehors de toute faute et qu'au surplus elle n'avait aucune raison de penser que les informations communiquées oralement par la société France Télécom, qui correspondaient aux premières constatations faites sur le chantier, n'étaient pas exactes ;

Sur les demandes indemnitaires de la société GT Canalisations :

5. Considérant que si la société France Télécom soutient que la facture établie le 25 mai 2007 par la société GT Canalisations, sur le fondement de laquelle a statué le tribunal administratif, n'est pas justifiée, qu'elle a été adressée en l'absence de tout bon de commande et postérieurement à sa propre réclamation préalable, il est constant que les équipes de cette société sont intervenues en urgence les 5, 6 et 7 décembre 2006 pour la reprise des désordres et notamment pour dégager le câble endommagé appartenant à la société France Télécom ; que, par suite, France Télécom n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser la somme de 7 328,21 euros HT à la société GT Canalisations, laquelle justifiait du montant de ces dépenses et de leur lien de causalité direct et certain avec les désordres litigieux ;

6. Considérant qu'en appel la société GT Canalisations indique que les frais intitulés " véhicule équipé + petits matériels ", dont elle sollicite également le remboursement et qui ont été exclus par les premiers juges correspondent au coût de transport de son personnel sur le chantier, et précise que le véhicule de liaison concerné transporte des petits matériels indispensables à la réalisation des travaux de voirie et réseaux divers ; que le détail de cette dépense, dont la nécessité n'est pas contestable, apparaît sur la facture du 25 mai 2007 ; qu'ainsi la société GT Canalisations est fondée à soutenir que cette dépense, dont le montant s'élève à 1 332 euros, devait également être mise à la charge de la société France Télécom ; qu'en revanche, en se bornant à solliciter le versement d'une indemnité correspondant à 11 % du montant total des travaux pour couvrir ses frais généraux, sans justifier de la pertinence de ce pourcentage qui selon ses allégations serait " usuel " pour une entreprise de travaux publics, elle n'établit pas le montant réel de son préjudice ; que, par suite, ces conclusions seront rejetées ; qu'il résulte de ce qui précède que la société GT Canalisations est seulement fondée à demander que la somme que les premiers juges lui ont allouée soit portée à 8 660,21 euros HT ; que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010 ainsi qu'elle le demandait en première instance ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société GT Canalisations, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société France Télécom de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société requérante le versement à la société GT Canalisations de la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société France Télécom est rejetée.

Article 2 : La somme de 7 328,21 euros HT que la société France Télécom a été condamnée par le tribunal administratif de Nantes à verser à la société GT Canalisations est portée à 8 660,21 euros HT. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010.

Article 3 : Le jugement n° 09-7417 du tribunal administratif de Nantes en date du 9 février 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par la société GT Canalisations est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société France Télécom et à la société GT Canalisations.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2013, où siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 juin 2013.

Le rapporteur,

V. GÉLARDLe président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT01104


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01104
Date de la décision : 20/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : MECHINAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-20;12nt01104 ?
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