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07/06/2013 | FRANCE | N°12NT02279

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 07 juin 2013, 12NT02279


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour M. D... F..., demeurant au ...et pour Mme A... F..., demeurant au..., par Me Chambaret, avocat au barreau de Toulouse ; M. et Mme F... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1006541, 1007272 du 22 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 16 septembre 2010 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du consul général de France à

Rabat du 10 mai 2010 refusant à M. F... un visa d'entrée et de long sé...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012, présentée pour M. D... F..., demeurant au ...et pour Mme A... F..., demeurant au..., par Me Chambaret, avocat au barreau de Toulouse ; M. et Mme F... demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1006541, 1007272 du 22 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 16 septembre 2010 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du consul général de France à Rabat du 10 mai 2010 refusant à M. F... un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- la décision est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ; ils n'ont pas été informés des nom, prénom, qualité et adresse administrative de l'agent en charge du dossier de recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; elle a été édictée sur la base d'un avis du consul général de France à Rabat qui ne porte mention d'aucune date, et qui est fondé sur un entretien intervenu le 14 décembre 2005, trop ancien pour être pris en compte à la date de la décision en litige ; de même elle repose sur une enquête à laquelle en application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, Mme F... aurait du pouvoir présenter des observations ; les éléments retenus sont extérieurs au dossier de demande de visa ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée, puisqu'elle n'indique pas précisément sur quel motif parmi ceux mentionnés à l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la décision est fondée ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait ; bien que séparés depuis des années, ils communiquent régulièrement ; Mme F... s'est rendue à plusieurs reprises au Maroc afin de rendre visite à son époux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le vice de procédure doit être écarté ; la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est signée du président de la commission, qui a indiqué en outre son nom et son prénom ; le moyen tiré du vice de procédure entachant la décision consulaire est inopérant ; l'avis consulaire communiqué par le ministère a été établi suite à un entretien entre M. F... et un agent consulaire le 14 décembre 2005 ; le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ;

- la décision est motivée ; elle repose sur l'absence de sincérité de l'union ;

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France disposait d'un faisceau d'indices précis et concordants faisant douter de la sincérité du mariage contracté par le requérant ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 janvier 2013, présenté pour M. et Mme F... qui concluent par les mêmes moyens aux mêmes fins que la requête ;

Ils font valoir que Mme est enceinte à la suite de son dernier voyage au Maroc et qu'elle a effectué des transferts d'argent au profit de son époux ;

Vu le mémoire et les pièces, enregistrés le 23 janvier 2013, présentés pour M. et Mme F... qui maintiennent les conclusions de leur requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2013, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut par les mêmes moyens au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- les pièces complémentaires produites n'ont aucune valeur probante ; elles sont postérieures à la date de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

- le certificat de grossesse produit, qui n'est confirmé par aucune preuve médicale, n'est

pas probant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2013 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. D... F..., de nationalité marocaine, a épousé au Maroc Mme A... C..., ressortissante française ; que ce mariage célébré le 17 février 2004 a fait l'objet d'une transcription sur les registres de l'état civil français ; que le consul général de France à Rabat a refusé le 15 mars 2007 de délivrer le visa de long séjour sollicité par M. F... en qualité de conjoint de français ; que, saisi le 23 avril 2010 à nouveau d'une demande de visa de long séjour, le même consul a refusé d'y faire droit par décision du 10 mai 2010 ; que cette décision a été confirmée à la suite du recours administratif préalable obligatoire formé par M. F... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France le 16 septembre 2010 ; que M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 22 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Sont considérés comme autorités administratives au sens de la présente loi les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés de la gestion d'un service public administratif " ; qu'aux de l'article 4 de la même loi : " Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui, lorsqu'elle rejette un recours en application de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est une autorité administrative au sens de l'article 1er de la loi du 12 avril 2000, se trouve dans cette hypothèse soumise aux prescriptions de l'article 4 de cette loi ; que, d'une part, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'était pas tenue d'adresser aux requérants une correspondance comportant ces mentions en l'absence de demandes des intéressés ; que, d'autre part, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. et Mme F... aient été destinataires, à la suite du recours administratif préalable obligatoire enregistré le 28 juin 2010 au secrétariat de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, d'une correspondance dans le cadre de l'instruction de leur demande ; que, par suite, et en tout état de cause, ils ne sont pas fondés à soutenir que le premier alinéa de ces dispositions a été méconnu ; que, s'agissant d'une autorité de caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant du deuxième alinéa de l'article 4 dès lors que les décisions que prend la commission portent la signature de son président, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, prévues par cet article ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 16 septembre 2010 a été signée par M. B... E..., sa qualité de président de la commission étant mentionnée ; que cette décision répond ainsi aux prescriptions de l'article 4 précité de la loi du 12 avril 2000 ; que, par suite, le moyen tiré par M. et Mme F... de leur méconnaissance doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que M. et Mme F... ne sont pas fondés à se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la même loi aux termes desquelles : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ", dès lors que la décision contestée, qui a été prise sur demande de M. F..., relève de l'exception prévue par ces dispositions ; que, par ailleurs, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a retenu le caractère insincère de l'union entre les deux époux pour refuser le visa sollicité sur la base d'un faisceau d'indices reposant sur l'absence de preuves de visite de Mme F... au domicile de son époux, lors de ses déplacements au Maroc, sur l'inexistence de contacts réguliers entre eux depuis leur séparation, et sur les termes d'un avis consulaire retraçant un entretien conduit par un agent consulaire le 14 décembre 2005 avec M. F... ; que la seule circonstance que cet avis, non daté, soit fondé sur les termes de l'entretien conduit en 2005 n'est pas de nature à entraîner l'illégalité de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui n'était pas tenue d'inviter les intéressés présenter des observations sur cet avis ; qu'en s'appuyant sur cette dernière pièce parmi d'autres, dont les énonciations ne sont pas contestées par les requérants, pour caractériser l'absence de lien matrimonial entre les épouxF..., sans les inviter préalablement à présenter des observations, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas méconnu le principe général des droits de la défense ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Par dérogation aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, les décisions de refus de visa d'entrée en France, prises par les autorités diplomatiques ou consulaires, ne sont pas motivées sauf dans les cas où le visa est refusé à un étranger appartenant à l'une des catégories suivantes et sous réserve de considérations tenant à la sûreté de l'Etat : (...) 2° Conjoints (...) de ressortissants français ; " ; que, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la décision contestée énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels elle est fondée ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la légalité interne :

5. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ;

6. Considérant que l'administration soutient sans être contredite sur ce point que M. F..., interrogé à la suite d'une précédente demande de visa en qualité de conjoint de français, ne connaissait à cette date ni l'adresse de son épouse, ni de celle de son futur foyer et que son épouse n'était pas revenue au Maroc depuis leur mariage ; que, ni devant le consul, ni devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France M. et Mme F... n'ont fait état ni d'échanges épistolaires, ou de contacts téléphoniques réguliers, depuis 2004, ou de déplacements de Mme F... au Maroc ; que si cette dernière produit, pour la première fois en appel, des copies de son passeport, justifiant de son entrée sur le territoire marocain en 2007 et 2011, il est constant qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle y a séjourné aux côtés de son époux, alors que le ministre fait valoir sans être contredit qu'elle y a encore de la famille ; que si Mme F... fait état de son état de grossesse, en produisant le résultat d'analyse d'immunologie du 11 juillet 2012, cet état n'est confirmé par aucune autre pièce médicale au dossier ; que les relevés téléphoniques et les justificatifs de versement d'argent produits au dossier, au demeurant postérieurs, à l'exception d'un seul, à la date de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, ne suffisent pas, en eux-mêmes, à démontrer l'existence d'une réelle intention de vie commune ; que M. et Mme F... n'apportent ainsi aucune justification de nature à établir la sincérité de leur intention matrimoniale, alors que celle-ci est contestée par l'administration sur la base d'un faisceau d'indices précis et concordants ; que la commission de recours, qui ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts, a pu légalement déduire de l'ensemble de ces éléments que M. F... avait contracté mariage à des fins étrangères à l'union matrimoniale pour rejeter la demande dont elle était saisie ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. et Mme F... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F..., à Mme A... F...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2013, où siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juin 2013.

Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAULe président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02279


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02279
Date de la décision : 07/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-07;12nt02279 ?
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