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06/06/2013 | FRANCE | N°12NT02999

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 juin 2013, 12NT02999


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012, présentée pour Mme A... C..., demeurant..., par Me le Bourhis, avocat au barreau de Rennes ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-167 du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2011 du préfet des Côtes d'Armor l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ;

2°) d'annuler ce

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3°) d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor de lui délivrer un titr...

Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2012, présentée pour Mme A... C..., demeurant..., par Me le Bourhis, avocat au barreau de Rennes ; Mme C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-167 du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2011 du préfet des Côtes d'Armor l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes d'Armor de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient :

- que les premiers juges ont omis de statuer sur l'absence de prise en compte par le préfet de son état de santé ;

- que l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé ; que le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle en particulier du fait de son entrée régulière en Italie et de sa demande de titre de séjour au regard de son état de santé à laquelle elle n'avait pas renoncé ; qu'en effet, elle n'a jamais été informée de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé requérant l'avis complémentaire d'un spécialiste avant de se prononcer définitivement sur sa demande et qu'ainsi elle n'a jamais été en mesure de solliciter ce nouvel avis avant que le préfet ne se prononce ; que l'arrêté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière pour les mêmes motifs ;

- que le préfet a mal apprécié la réalité de sa communauté de vie avec un ressortissant étranger résidant régulièrement sur le territoire ;

- que le préfet ne pouvait se fonder sur le 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer l'obligation de quitter le territoire français avant d'avoir refusé explicitement le titre de séjour ;

- que l'arrêté est entaché d'une erreur de fait puisqu'elle n'a jamais entendu renoncer à sa demande de titre de séjour en raison de son état de santé et qu'elle atteste de sa communauté de vie avec M. B... depuis août 2010 et non août 2011 comme l'a retenu le préfet ; que l'arrêté a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'eu égard à ses attaches familiales en France, l'arrêté a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation pour les mêmes motifs ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er février 2013, présenté par le préfet des Côtes d'Armor, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

- que son arrêté comporte les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement et qu'il est suffisamment motivé ;

- qu'il a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme C..., laquelle a renoncé à sa demande de titre de séjour en raison de son état de santé en ne déférant pas à l'examen complémentaire sollicité par le médecin inspecteur de santé publique ;

- que Mme C... était informée des éléments médicaux qu'il lui appartenait de produire pour instruire sa demande ; que la procédure n'est entachée d'aucune irrégularité ;

- que son arrêté n'a pas méconnu les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- qu'il n'a commis aucune erreur de fait dès lors que Mme C... n'a pas démontré que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle n'apporte d'éléments probants relatifs à sa vie commune avec M. B... que pour la période de mars à août 2011 ;

- que sa présence en France est récente ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en République démocratique du Congo où résident ses deux enfants ; que son arrêté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme C... une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; qu'il n'a commis aucune d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C... ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes en date du 15 octobre 2012, accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme C... et désignant Me Le Bourhis pour la représenter dans la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C..., ressortissante de République démocratique du Congo, est entrée irrégulièrement en France le 27 mars 2009 en provenance d'Italie où elle séjournait de manière irrégulière depuis le 29 novembre 2008, date d'expiration de son visa Schengen ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 29 juin 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 avril 2010 ; qu'en février 2011, Mme C... ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé, le préfet des Côtes-d'Armor lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable 3 mois, expirant le 21 juin 2011, au regard de l'avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique ; que, le 21 juin 2011, l'intéressée a informé les services préfectoraux de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec M. D... B..., ressortissant congolais, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 17 octobre 2012 ; que, sur la base des éléments en sa possession relatifs à la vie commune entre les deux ressortissants congolais, le préfet des Côtes-d'Armor a, par un arrêté du 9 septembre 2011, décidé d'obliger Mme C... à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours ; que Mme C... relève appel du jugement du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient Mme C..., le tribunal a répondu au moyen tiré de la prise en compte de son état de santé en indiquant qu'elle avait entendu renoncer à cette demande ; que, par suite Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme C..., qui avait déposé une demande de titre de séjour en raison de son état de santé à laquelle elle n'a en définitive pas donné suite faute d'avoir apporté de nouveaux éléments sur cet état avant l'expiration de l'autorisation provisoire de séjour délivrée par le préfet dans le but de lui laisser la possibilité de compléter sa demande sur ce fondement, doit être regardée comme ayant sollicité, le 21 juin 2011, un titre de séjour en qualité de conjoint d'étranger résidant régulièrement sur le territoire ; que si le préfet des Côtes-d'Armor a, par l'arrêté contesté du 9 septembre 2011, obligé Mme C... à quitter le territoire français, il n'a toutefois pas statué explicitement sur le droit au séjour de l'intéressée, alors qu'à cette date le délai de quatre mois courant depuis la demande de titre de séjour formulée le 21 juin 2011 et nécessaire pour faire naître une décision implicite de refus de séjour n'était pas écoulé ; qu'ainsi, en l'absence de décision statuant sur le doit au séjour de Mme C..., celle-ci ne se trouvait pas dans le cas prévu au 3° du L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de l'obliger à quitter le territoire ;

4. Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision contestée, sous réserve que l'intéressée ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;" ; qu'en l'espèce, la décision contestée, motivée par le refus de délivrer un titre de séjour à Mme C..., est susceptible de trouver son fondement légal dans les dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 3° dès lors, d'une part, que Mme C... est entrée irrégulièrement en France le 27 juin 2009 et n'a obtenu aucun titre de séjour depuis cette date et, d'autre part, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ; qu'il suit de là, qu'il y a lieu de substituer comme fondement légal de l'arrêté contesté les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté comporte les éléments suffisants relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressée ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des énonciations de cet arrêté qu'en se fondant sur la circonstance que, la requérante s'étant rendue au guichet de la préfecture le 21 juin 2011, à l'expiration de l'autorisation provisoire de séjour délivrée notamment dans le but de lui laisser la possibilité de compléter sa demande formulée au titre de son état de santé, sans apporter aucun nouvel élément sur celui-ci, elle n'entendait plus invoquer son état de santé à l'appui de sa demande, et qu'en faisant état de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec un ressortissant congolais en situation régulière elle sollicitait un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Côtes d'Armor a procédé à l'examen complet de la situation personnelle de l'intéressée ; que, par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté, qui n'a pas pour objet de rejeter la demande de titre de séjour présentée par elle en février 2011, aurait été pris selon une procédure irrégulière ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que si Mme C... soutient qu'elle vit maritalement avec M. B... depuis le mois d'août 2010, les seules attestations émanant de proches et le courrier émanant d'un laboratoire d'analyses médicales adressé à la requérante chez M. B... correspondant à une analyse effectuée le 25 août 2011 ne sont pas de nature à établir cette communauté de vie dès cette date ; que, par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas exactement apprécié les faits relatifs à la durée et à l'effectivité de la vie commune du couple ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que si Mme C... soutient que son époux est décédé au Congo en 1998 et qu'elle a conclu, le 30 mai 2011, un pacte civil de solidarité avec M. B..., ressortissant congolais résidant en France sous couvert d'une carte de résident valable jusqu'au 17 octobre 2012, elle n'établit pas, par les éléments qu'elle produit et ainsi qu'il a été précisé au point 8, qu'elle vivait avec M. B... depuis plus d'un an à la date de l'arrêté litigieux ; qu'elle n'est, par ailleurs, pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ou résident ses deux enfants, nés respectivement en 1991 et 1998 ; qu'ainsi, eu égard au caractère récent de sa présence en France et de sa relation avec M. B..., le préfet n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive eu égard aux buts en vue desquels il a été pris en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme C... ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se

plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2013 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 juin 2013.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02999
Date de la décision : 06/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-06;12nt02999 ?
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