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06/06/2013 | FRANCE | N°12NT00960

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 juin 2013, 12NT00960


Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2012, présentée pour La Poste, dont le siège est 44, boulevard de Vaugirard à Paris (75757), Cedex 15, par Me Bellanger, avocat au barreau de Paris ; La Poste demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-3626 du 7 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision du 31 août 2009 refusant d'inscrire M. B... A... sur la liste d'aptitude au grade de conducteur de travaux de l'acheminement et de la distribution ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administrati

f d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros ...

Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2012, présentée pour La Poste, dont le siège est 44, boulevard de Vaugirard à Paris (75757), Cedex 15, par Me Bellanger, avocat au barreau de Paris ; La Poste demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 09-3626 du 7 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision du 31 août 2009 refusant d'inscrire M. B... A... sur la liste d'aptitude au grade de conducteur de travaux de l'acheminement et de la distribution ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- que l'accord du 6 juin 2006 relatif à la promotion à La Poste n'a pas pour effet d'empêcher le maintien des voies de promotion interne des agents reclassés de l'établissement ; que le tribunal administratif a entaché sa décision d'une erreur de droit et a inexactement qualifié les faits ; qu'aucun recrutement dans le corps de conducteur de travaux de la distribution et de l'acheminement, corps de reclassement, n'ayant été effectué depuis 1993 à la suite de son remplacement par une corps de reclassification, aucune liste d'aptitude ne pouvait être ouverte pour l'accès à ce corps en voie d'extinction ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2012, présenté pour M. A..., par Me Communal, avocat au barreau d'Orléans, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de La Poste au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir :

- qu'en indiquant que l'accord du 6 juin 2006 ne prévoit des voies de promotion interne que vers les grades des corps de classification et qu'il exclut toute voie de promotion vers les corps de reclassement, le tribunal administratif a suffisamment motivé sa décision ;

- que cet accord du 6 juin 2006, sur la base duquel La Poste a refusé par sa décision du 31 août 2009 son inscription sur la liste d'aptitude au corps de conducteur de travaux (CDTX-DA), a bien pour objet et pour effet d'exclure toute promotion interne vers un corps de reclassement ;

- que le Conseil d'État a jugé que les dispositions statutaires des corps de " reclassement ", lorsqu'elles ne prévoient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes, sont devenues illégales dès lors que, par l'arrêt de tout recrutement dans ces corps, elles ont eu pour effet de faire obstacle au droit à la promotion interne garanti aux fonctionnaires de ces corps par le législateur ;

Vu le mémoire en réplique, enregistrée le 10 mai 2013, présenté pour La Poste, qui conclut aux mêmes fins que dans sa requête par les mêmes moyens :

Elle soutient en outre :

- qu'il y a lieu de substituer au motif principal de sa décision fondé sur l'impossibilité pour M. A... d'accéder, par voie d'inscription sur une liste d'aptitude, aux corps de reclassement, le motif tiré de ce que l'intéressé ne satisfaisait pas, en tout état de cause, aux conditions statutaires permettant son inscription sur une liste d'aptitude au corps des conducteurs de travaux du service de la distribution et de l'acheminement de La Poste (CDTX-DA), dès lors que cette inscription était subordonnée à la détention du grade d'agent d'exploitation du service de la distribution et de l'acheminement (AEX-DA) ; que M. A..., détenteur du grade de préposé du service de la distribution et de l'acheminement de La Poste, ne pouvait accéder au corps des conducteurs de travaux du service de la distribution et de l'acheminement avant l'entrée en vigueur du décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 et de la décision de portée générale du 16 décembre 2009 ; que la demande de l'agent est intervenue avant que le délai de neuf mois imparti à La Poste pour modifier le statut des corps de reclassement par la décision du Conseil d'État du 11 décembre 2008 ait expiré ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2013, présenté pour M. A..., qui conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Il fait valoir en outre :

- que la décision de rejet de La Poste, fondée sur un motif illégal au regard de la jurisprudence du Conseil d'État du 11 décembre 2008 et adoptée en parfaite connaissance de cause, s'inscrivait dans une stratégie visant à contrarier et retarder délibérément la promotion des fonctionnaires qui avaient fait le choix du maintien dans leur statut d'origine jusqu'à l'adoption du décret prévoyant pour eux une voie de promotion ;

- que la décision du 16 décembre 2009, prise en application du décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ouvrant cette voie d'accès, se borne à mettre en oeuvre l'article 63 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État qui prévoit qu'un fonctionnaire peut être intégré directement dans un corps de même catégorie et de niveau comparable à celui de son corps d'origine ; que le grade de préposé relevant d'un corps de niveau comparable à celui dont relève le grade d'AEX-DA, les préposés dont la candidature au grade de conducteur de travaux aurait été retenue à... ; que cette disposition législative préexistante aurait pu être mise en oeuvre par La Poste avant même l'intervention du décret du 14 décembre 2009, de sorte que la demande de promotion au grade de conducteur de travaux présentée par M. A... pouvait être retenue, même antérieurement à la décision du 16 décembre 2009 ; qu'en conséquence, la substitution de motif demandée ne peut justifier l'annulation du jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, modifiée ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, modifiée ;

Vu la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales ;

Vu le décret n° 57-1319 modifié du 21 décembre 1957 portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier des corps des services de la distribution et du transport des dépêches ;

Vu le décret n° 72-500 modifié du 23 juin 1972 portant statut particulier du corps des agents d'exploitation des postes et télécommunications ;

Vu le décret n° 90-1224 du 31 décembre 1990 relatif au statut particulier du corps des services de la distribution et de l'acheminement de La Poste ;

Vu le décret n° 90-1235 du 31 décembre 1990, modifié ;

Vu le décret n° 92-930 du 7 septembre 1992 relatif au statut particulier du corps des agents d'exploitation de La Poste et du corps des agents d'exploitation de La Poste ;

Vu le décret n° 92-935 du 7 septembre 1992 relatif statut particulier des corps des services de la distribution et de l'acheminement de La Poste ;

Vu le décret n° 2004-738 du 26 juillet 2004 relatif à l'application aux corps de fonctionnaires de l'État et de ses établissements publics des dispositions de l'article 29-3 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications ;

Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public,

1. Considérant que M. A..., recruté comme préposé du service public des Postes et Télécommunications en 1982, a refusé d'intégrer l'un des corps de classification constitués à la suite de la réforme initiée par la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom et a opté pour son maintien dans un corps dit de " reclassement " ; qu'ayant sollicité, par lettre du 5 août 2009, son inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès au grade de conducteur des travaux de la distribution et de l'acheminement, il s'est vu opposer un refus par une décision de son employeur du 31 août 2009 ; que La Poste relève appel du jugement du 7 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et lui a enjoint de procéder au réexamen des droits à avancement de M. A... à compter du 5 août 2009 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (...) " ; que l'article 31 de la même loi a permis à La Poste d'employer, sous le régime des conventions collectives, des agents contractuels ; qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) " ;

3. Considérant que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de reclassement de La Poste de bénéficier de mesures de promotion en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans des corps de reclassification, ne dispense pas La Poste de faire application des dispositions précitées relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de reclassement afin de respecter ce droit à promotion, garanti aux fonctionnaires reclassés de l'exploitant public par les dispositions combinées de la loi du 2 juillet 1990 et de la loi du 11 janvier 1984 ; que les décrets régissant les statuts particuliers des corps de reclassement, en ce qu'ils n'organisaient pas de voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et privaient en conséquence les fonctionnaires " reclassés " de toute possibilité de promotion interne, étaient entachés d'illégalité ; qu'en faisant application de ces décrets illégaux et en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires " reclassés ", La Poste a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, sans pouvoir utilement se prévaloir, ni de la circonstance que les décrets statutaires des corps de " reclassement " auraient interdit ces promotions et que ces corps placés en voie d'extinction n'étaient plus ouverts au recrutement, ni de la circonstance qu'aucun emploi ne serait devenu vacant, au cours de la période, pour permettre de procéder à de telles promotions ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité, par lettre du 5 août 2009, son inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps de conducteur des travaux de la distribution et de l'acheminement en application de l'article 18 du décret susvisé du 21 décembre 1957 ; que La Poste a rejeté sa demande par une décision du 31 août 2009 au motif que l'ancien grade de reclassement de " conducteur des travaux de la distribution et de l'acheminement " ne pouvait plus donner lieu à promotion et que seuls les titulaires d'un grade de reclassement dont le niveau supérieur correspond à un pied de corps pouvaient être inscrits sur une liste d'aptitude ; qu'en privant ainsi M. A..., fonctionnaire reclassé, de toute possibilité de promotion interne en méconnaissance de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984, La Poste a entaché sa décision du 31 août 2009 d'illégalité ;

5. Considérant que, pour établir que la décision contestée était légale, La Poste invoque, dans son mémoire en réplique communiqué à M. A..., un autre motif, tiré de ce que ce dernier, détenteur du grade de préposé du service de la distribution et de l'acheminement, ne satisfaisait pas aux conditions statutaires permettant son inscription sur une liste d'aptitude au corps des conducteurs de travaux du service de la distribution et de l'acheminement de La Poste (CDTX-DA) dès lors que cette inscription était subordonnée, antérieurement à l'entrée en vigueur du décret susvisé du 14 décembre 2009 assimilant les préposés aux agents d'exploitation pour l'inscription sur cette liste d'aptitude, à la détention du grade d'agent d'exploitation du service de la distribution et de l'acheminement (AEX-DA) ;

6. Mais considérant qu'aux termes de l'article 1 du décret du 31 décembre 1990 susvisé : " Sont créés à La Poste les corps suivants : 1° Préposés de la distribution et de l'acheminement comprenant les grades de préposé et de préposé-chef, dotés chacun de onze échelons ; 2° Conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement comprenant un grade doté de douze échelons (...) " ; qu'aux termes de l'article 63 bis de la loi du 11 janvier 1984 alors applicable : " Sous réserve de l'article 13 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le fonctionnaire peut être intégré directement dans un corps de même catégorie et de niveau comparable à celui de son corps ou cadre d'emplois d'origine, ce niveau étant apprécié au regard des conditions de recrutement ou de la nature des missions. " ; qu'en application de ces dispositions, entrées en vigueur avant la décision contestée, La Poste a prévu, dans une décision de portée générale du 16 décembre 2009, la possibilité, pour les agents titulaires du grade de préposé, d'être intégrés directement dans le corps d'agent d'exploitation du service de la distribution et de l'acheminement afin de pouvoir être promus ensuite dans le corps des conducteurs de travaux du service de la distribution et de l'acheminement ; que dans ces conditions, et alors même que la décision contestée est antérieure à la décision de portée règlementaire du 16 décembre 2009 précitée, La Poste ne peut être regardée comme établissant qu'elle aurait pris la même décision en se fondant sur le motif qu'elle demande de substituer à celui qui a été censuré ci-dessus ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de procéder à la substitution demandée ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision contestée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande La Poste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste le versement à M. A... de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.

Article 2 : La Poste versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste, à M. B... A...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2013 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 juin 2013.

Le rapporteur,

F. LEMOINE

Le président,

I. PERROT

Le greffier,

A. MAUGENDRE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT00960


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00960
Date de la décision : 06/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : BELLANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-06;12nt00960 ?
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