La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2013 | FRANCE | N°12NT00220

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 16 mai 2013, 12NT00220


Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Vendé, avocat au barreau de Nantes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-4420 du 23 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à ce que la Poste soit condamnée à lui verser la somme de 60 974,77 euros en réparation du préjudice que lui ont causé, d'une part, son refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison des diffamations et plaintes dont il a fait l

'objet dans le cadre de ses fonctions et, d'autre part, son déclasseme...

Vu la requête, enregistrée le 27 janvier 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Vendé, avocat au barreau de Nantes ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08-4420 du 23 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à ce que la Poste soit condamnée à lui verser la somme de 60 974,77 euros en réparation du préjudice que lui ont causé, d'une part, son refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison des diffamations et plaintes dont il a fait l'objet dans le cadre de ses fonctions et, d'autre part, son déclassement résultant de sa mutation sur un emploi de chargé de mission de La Poste en décembre 2003 ;

2°) de condamner La Poste à lui verser cette somme de 60 974,77 euros assortie des intérêts de droit à compter du 2 avril 2008, date de sa réclamation préalable ;

3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 2004-662 du 6 juillet 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2013 :

- le rapport de M. Lemoine, rapporteur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Vendé, avocat de M. B... ;

1. Considérant que M. B..., alors directeur de groupement postal, a fait l'objet, en 2001 et 2005, d'une main courante et d'une plainte déposées à son encontre par deux de ses collaborateurs, d'une part pour coups et blessures et menaces, d'autre part pour harcèlement moral ; que ces deux procédures ont été classées sans suite ; que M. B... a, par la suite, été placé en cessation progressive d'activité à sa demande du 1er décembre 2003 au 30 avril 2005 par une décision n° 44201 du 23 janvier 2004 ; qu'il a, dans ce cadre, été muté sur un poste de chargé de mission du directeur de La Poste de Loire-Atlantique, puis a été admis à la retraite à compter du 10 avril 2006 ; qu'estimant que La Poste lui aurait illégalement refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle lors des poursuites judiciaires engagées à son encontre et des mises en cause interne par deux de ses subordonnés, et que tant le placement en cessation progressive d'activité que sa mutation comme chargé de mission lui auraient été imposés et lui auraient causé divers préjudices, M. B... a saisi La Poste d'une demande indemnitaire préalable le

2 avril 2008 ; qu'à la suite du silence gardé par son employeur, il a saisi le tribunal administratif de Nantes ; qu'il demande à la cour d'annuler le jugement du 23 novembre 2011 par lequel ce tribunal n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant La Poste à lui verser la somme de 2 438,77 euros correspondant aux frais d'avocats exposés pour sa défense et de 800 euros en réparation du préjudice moral que lui aurait causé le refus de La Poste de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, et en rejetant le surplus de ses conclusions ; que, par la voie de l'appel incident, La Poste demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a retenu sa responsabilité du fait de son refus d'accorder la protection fonctionnelle à M. B... et l'a condamnée à lui verser ces sommes ;

Sur la responsabilité de La Poste :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 applicables à l'espèce : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales (...) 4° La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle " ; que ces dispositions instituent en faveur des fonctionnaires ou des anciens fonctionnaires qui font l'objet de poursuites pénales une protection qui ne peut être refusée que si les faits en relation avec les poursuites ont le caractère d'une faute personnelle ; que doivent être regardés comme des éléments pouvant donner lieu à cette protection les frais exposés en relation directe avec une plainte déposée à l'encontre du fonctionnaire ou de l'ancien fonctionnaire, alors même que cette plainte aboutit ultérieurement à une décision de classement sans suite ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que M. B... a fait l'objet de la part de deux de ses collaborateurs, d'une part, le 12 décembre 2001, d'une main courante pour coups et blessures et menaces et, d'autre part, en 2005, d'une plainte déposée à son encontre pour des faits de harcèlement moral pour lesquels il a été auditionné par les services de police le 10 mai 2005 ; que, pour refuser de faire droit aux demandes de protection formulées les 24 juillet 2002 et 3 août 2005, La Poste s'est fondée, le 1er août 2002, sur l'absence de poursuites pénales et sur le caractère prématuré de la demande de M. B... tout en l'assurant du bénéfice de cette protection en cas d'exercice effectif des poursuites, et, le 3 août 2005, sur le caractère privé du litige qui l'opposait à l'agent ayant déposé la plainte ultérieurement classée sans suite ; que toutefois, en l'absence de faute personnelle y faisant obstacle, La Poste, en refusant d'accorder à M. B..., qui l'avait demandée, la protection statutaire à raison des poursuites détaillées ci-dessus engagées à son encontre, et alors même que ces poursuites ont donné lieu à un classement sans suite, a fait une application erronée des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; que cette faute de La Poste était, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, de nature à engager sa responsabilité ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 3° de l'article 11 précité de la loi du 13 juillet 1983 : " (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'État ou de la collectivité publique intéressée et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général ;

5. Considérant que M. B... soutient par ailleurs que La Poste aurait commis une faute en s'abstenant de mettre en oeuvre la protection fonctionnelle lors d'un différend entre lui-même et l'un de ses agents en 2001, et lors des accusations de harcèlement moral dont il a fait l'objet en 2003 et ayant abouti au déclenchement d'un protocole interne de lutte contre le harcèlement moral, ou encore à la suite de la diffusion en avril 2004 d'un tract syndical le visant personnellement, diffusé notamment sur l'intranet de La Poste ; qu'il est constant, toutefois, que M. B... n'a jamais expressément sollicité de son service le bénéfice des dispositions du 3° de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 à raison de ces évènements ; que, par ailleurs, si des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre à l'agent public qui en est l'objet d'obtenir la protection fonctionnelle, il résulte de l'instruction que l'enquête interne diligentée dans le cadre du protocole de lutte contre le harcèlement a conclu à l'abus d'autorité de M. B... sur l'un de ses agents ; que M. B..., qui n'était pas la victime des agissements en cause, n'était ainsi pas fondé à demander le bénéfice de cette protection ; qu'il résulte enfin des termes mêmes du tract syndical incriminé que celui-ci ne formule aucune injure, diffamation ou outrage et n'excède pas les limites de la liberté d'expression syndicale ; qu'à cet égard, M. B... n'a d'ailleurs pas engagé de poursuites contre les auteurs de ce tract pour outrage ou diffamation justifiant qu'il bénéficie de la protection statutaire, ni sollicité que La Poste engage de telles poursuites ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que La Poste aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne mettant pas oeuvre spontanément la protection fonctionnelle à son bénéfice ;

6. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que M. B... a sollicité, le

30 novembre 2003, le bénéfice de la cessation progressive d'activité à compter du 1er décembre 2003 et celui du congé de fin de carrière à compter du 1er mai 2005 ; qu'il a ensuite sollicité et obtenu du directeur de La Poste Loire Atlantique, par un engagement écrit du 19 janvier 2004, l'aménagement de son temps de travail exercé à temps complet du 1er décembre 2003 au 15 août 2004, suivi d'une dispense d'activité du 16 août 2004 au 30 avril 2005 ; qu'à raison de sa cessation progressive d'activité, M. B... a été muté sur un poste de chargé de mission auprès du directeur de La Poste Loire Atlantique par le comité de nomination du 19 février 2004, décision dont il a été informé le 25 février 2004 ; que si M. B... soutient, tout d'abord, qu'il a été contraint par sa hiérarchie de solliciter la cessation progressive de son activité, il ne fournit à la cour aucun élément lui permettant d'apprécier le bien fondé de ces allégations ; qu'ensuite, si le poste de chargé de mission sur lequel il a été muté comportait des responsabilités très différentes de celui de directeur de groupement postal où il était précédemment affecté, il ne résulte pas de l'instruction que cette mutation ait entraîné pour le requérant un déclassement ou une atteinte aux prérogatives attachées à son grade ; que si M. B... soutient que la perte de ses responsabilités d'encadrement l'a affaibli vis-à-vis de ses collègues, cette nouvelle affectation correspondait à des fonctions que son corps et son grade lui donnaient statutairement vocation à occuper ; qu'enfin, s'il fait valoir qu'il n'a pas postulé au poste de chargé de mission, il pouvait toutefois légalement faire l'objet d'une mutation dans l'intérêt du service dès lors que l'enquête interne menée dans le cadre du protocole pour harcèlement à la demande du directeur des ressources humaines de la direction exécutive Ouest du 12 novembre 2003, après qu'il eut été auditionné par ce directeur lors d'un entretien du 7 novembre 2003, faisait état en ce qui le concerne de modes de management inappropriés relevant de l'abus d'autorité ; que, par suite, et ainsi que l'ont justement estimé les premiers juges, M. B... n'est pas fondé à soutenir que La Poste, aurait, dans le cadre de la gestion de sa fin de carrière, commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

7. Considérant, ainsi qu'il a été dit, que La Poste a commis des illégalités constitutives de fautes de nature à engager sa responsabilité en refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle à son agent en relation directe avec une plainte déposée à l'encontre de celui-ci ; que, par suite, l'intéressé était fondé à obtenir l'indemnisation des frais et honoraires d'avocats directement liés au suivi des poursuites pénales dont il a fait l'objet en 2002 et 2005, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges en condamnant La Poste à lui verser la somme non contestée de 2 438,77 euros correspondant à ces frais et la somme de 800 euros au titre de son préjudice moral ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes n'a fait droit que partiellement à sa demande ; que les conclusions d'appel incident présentées par La Poste ne peuvent, également, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste la somme demandée par M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, également, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par La Poste, au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... et les conclusions présentées en appel par La Poste sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à La Poste .

''

''

''

''

2

N° 12NT00220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00220
Date de la décision : 16/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : BELLANGER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-05-16;12nt00220 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award