Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2010, présentée pour la S.A.S. Fougerolle venant aux droits de la société EGTP Le Guillou, dont le siège est 3, avenue Morane-Saulnier à Velizy-Villacoublay (78140), pour la société TES Nantaise des Eaux, dont le siège est Z.I de la gare, rue Gironnière à Sainte-Luce-sur-Loire (44980), pour la société ETPO, dont le siège est 3, place du Sanitat à Nantes (44100), pour la société Soletanche Bachy France, venant aux droits de la société Soletanche Entreprises, dont le siège est 38, rue Jules Verne à Orvault (44700) et pour M. A... B..., architecte, domicilié..., par Me Bettinger, avocat au barreau de Paris ; les sociétés précitées et M. B... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-441 du 7 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Nantes, dite Nantes Métropole, à réparer les préjudices résultant de leur éviction irrégulière, par la décision de la commission d'appel d'offres du 20 mars 1997, du marché public relatif à la modernisation des installations de la station d'épuration de " La petite Californie " située sur le territoire des communes de Rezé et Bouguenais ;
2°) de condamner la communauté urbaine de Nantes, dite Nantes Métropole, à leur verser la somme de 3 304 860 euros représentant :
- la somme de 352 459 euros pour le cabinet d'études d'architecture et d'urbanisme MichelB... ;
- la somme de 1 271 819 euros pour la société TES Nantaise des Eaux au titre du traitement des eaux et des boues;
- la somme de 199 646 euros pour la société Soletanche Bachy au titre des fondations profondes ;
- la somme de 713 524 euros pour la société EGTP Le Guillou au titre du génie civil ;
- la somme de 667 412 euros pour la société ETPO au titre du bâtiment ;
- l'ensemble de ces sommes étant assorti des intérêts au taux légal ;
3°) de condamner Nantes Métropole à leur verser la somme de 78 000 euros à titre d'indemnisation des frais occasionnés par les deux instances et la constitution d'un mémoire de réclamation ;
4°) de mettre à la charge de Nantes Métropole la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2013 :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bettinger, avocat de la SAS Fougerolle, de la société TES Nantaise des Eaux, de la société ETPO, de la société Soletanche Bachy France et de M. A... B... ;
Vu la note en délibéré en date du 22 avril 2013 présentée pour la SAS Fougerolle, la société TES Nantaise des Eaux, la société ETPO, la société Soletanche Bachy France et M. A... B...;
1. Considérant que le Syndicat d'assainissement de l'agglomération nantaise aux droits duquel vient la communauté urbaine de Nantes a, dans le cadre de la procédure d'appel d'offres sur performance, attribué à un groupement d'entreprises représenté par la société OTV le marché ayant pour objet la réalisation des travaux de modernisation de la station d'épuration de la Petite Californie située sur le territoire des communes de Rezé et Bouguenais ; que, par une décision du 25 janvier 2006, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, à la demande notamment de la société EGTP Le Guillou, candidat évincé, annulé la décision du 20 mars 1997 de la commission d'appel d'offres retenant l'offre du groupement OTV à raison d'un vice de procédure tenant à la composition du jury appelé à donner à la commission d'appel d'offres un avis sur le choix de l'attributaire de ce marché ; que la SAS Fougerolle, venant aux droits de la société EGTP Le Guillou, la société TES Nantaise des Eaux, la société ETPO, la société Soletanche Bachy France venant aux droits de la société Soletanche Entreprises et M. A... B..., architecte, membres du même groupement dénommé TES évincé, ont saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Nantes, dite Nantes Métropole, à leur verser la somme de 3 304 860 euros HT, en réparation des préjudices subis du fait du rejet de leur offre, ainsi que la somme de 78 000 euros au titre des frais divers de procédure ; qu'ils relèvent appel du jugement du 7 mai 2010 par lequel cette juridiction a rejeté leur demande ;
2. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, de plus dans le cas où elle a des chances sérieuses d'obtenir le marché, l'entreprise a droit à être indemnisée du manque à gagner calculé à partir du montant du marché attribué à son concurrent, et incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 303 du code des marchés publics applicable à la procédure d'appel d'offres en litige : " Il est procédé à un appel d'offres sur performances pour des motifs d'ordre technique ou financier lorsque la personne publique contractante définit les prestations dans un programme fonctionnel détaillé sous la forme d'exigences de résultats vérifiables à atteindre ou de besoins à satisfaire. Les moyens de parvenir à ces résultats ou de répondre à ces besoins sont proposés par chaque candidat dans son offre. Cet appel d'offres est toujours restreint. L'appel d'offres sur performances peut porter à la fois sur l'établissement d'un projet et son exécution, ou sur l'exécution d'un projet préalablement établi en tout ou partie. Les offres sont examinées et classées par la commission prévue à l'article 279 qui comprend, en outre, un tiers au moins de personnalités désignées par le représentant légal de la collectivité, en raison de leur compétence dans la matière qui fait l'objet de l'appel d'offres. Ces personnalités ont voix consultative. Chaque concurrent est entendu par la commission, dans les conditions de stricte égalité définies préalablement. A la suite de cette audition, les concurrents peuvent préciser, compléter ou modifier leur offre. / (...) La commission choisit le concurrent retenu par une décision motivée annexée au procès-verbal. / (...) Il n'est pas donné suite à l'appel d'offres si aucune offre n'est jugée acceptable. Les concurrents en sont avisés " ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du règlement de la consultation de l'appel d'offres du marché litigieux que les critères de jugement des offres étaient, par ordre décroissant d'importance, en premier lieu, la valeur technique comprenant un premier sous-critère relatif au " respect des performances à atteindre (...) réduction des nuisances, vis-à-vis des installations projetées " et un troisième sous-critère " limitation maximale d'occupation des sols vis-à-vis des développements futurs " ; qu'en deuxième lieu, venait " l'intégration dans l'environnement ", troisièmement " le montant de l'investissement ", quatrièmement " le délai de réalisation des études et des travaux ", enfin les " capacités organisationnelles du groupement " ; qu'aux termes de l'article 13.30 du cahier des clauses techniques particulières relatif à la ventilation/désodorisation : " La priorité sera donnée à la prévention de la production d'odeurs par une conception soignée évitant les stagnations de matières polluantes ... et au confinement systématique de toutes les zones (...) Il sera également prévu un sas pour le chargement-déchargement des boues et déchets. " ; que l'article 6.1.3 des données de base contenu dans le règlement de la consultation rappelait quant à lui " que la lutte contre les odeurs commence par le confinement au plus près des sources d'émanation " et que " le concepteur-réalisateur est tenu de confiner et de ventiler les ouvrages et bâtiments dans lesquels des sources d'odeur importantes peuvent apparaitre " ; qu'il résulte de ces stipulations que la prévention de la production d'odeurs comprise nécessairement dans l'objectif de réduction des nuisances énoncé, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, au 1er sous-critère du critère I mentionné au règlement de consultation, était un élément à prendre en considération pour le classement et l'appréciation des offres ; qu'il est constant d'ailleurs que le maître d'oeuvre, qui a examiné la performance des différents systèmes proposés à ce titre par les candidats au regard de chacun des critères de choix des offres a, dans son analyse multicritères, relevé que les offres de TES et d'EI (autre candidat évincé) présentaient un risque d'émissions d'odeurs lors du chargement des boues plus important que pour les autres projets, pour conclure au titre du sous critère 1 " qualité de l'air ", du critère 1 relatif à la valeur technique que, s'agissant des nuisances olfactives lors du chargement des bennes, " les projets pouvaient être classés par ordre décroissant de qualité : OTV, Stereau, EI, TES " ; qu'il pouvait à cet égard être tenu compte de ce que le projet du groupement requérant était conçu à partir d'un silo extérieur avec un chargement sous le silo sans captation d'odeurs, spécificité susceptible d'affecter le respect des exigences énoncées par le maître de l'ouvrage ; que, de la même façon, et bien que les documents du marché n'imposent pas l'installation d'un second ventilateur d'extraction-désodorisation, le maître d'oeuvre pouvait au regard du sous-critère 1.5 " traitement de l'air " retenir, s'agissant d'un équipement de sécurité, la circonstance que toutes les autres offres proposaient d'installer un deuxième ventilateur de secours alors que le groupement proposait seulement un second ventilateur en stockage, ce qui ne le rendait pas immédiatement disponible ; qu'il s'ensuit que le groupement requérant ne démontre pas que le dispositif technique proposé permettait de répondre de meilleure façon que les autres offres aux prescriptions du cahier des clauses techniques particulières ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'article 3.1 du cahier des clauses techniques particulières régissant l'emplacement des ouvrages que : " Le site retenu est celui de la station d'épuration existante située sur les communes de Rezé et de Bouguenais. Celui-ci comporte deux parcelles séparées par le Seil dites zone ouest et zone est (...). Les ouvrages liés à l'augmentation de la capacité hydraulique de la station (clarificateur(s), bassin de stockage) seront implantés sur la parcelle ouest à proximité de l'actuel poste de contrôle. Le bâtiment regroupant les fonctions d'exploitation de prétraitement, de traitement des boues et de désodorisation sera implanté en limite Nord de la parcelle Est, de façon à réserver au sud le maximum de place disponible (sans préjuger de sa destination). La façade du bâtiment donnera rue Ordronneau. " ; qu'il résulte de l'instruction que l'offre du groupement requérant prévoyait une implantation de la totalité des ouvrages à réaliser sur la seule parcelle ouest alors que, dans le cadre des principes précités fixés par l'article 3.1 du cahier des clauses techniques particulières, les données de base, en particulier le sous-critère 1.6 - " Limitation maximale d'utilisation des sols vis-à-vis des implantations futures " - du critère 1 Valeur technique de l'offre visaient une implantation partagée entre les parcelles ouest et est permettant ainsi de ménager, dans un contexte d'incertitudes rappelé à tous les candidats, le maximum de possibilités pour l'évolution future du site en fonction du développement urbain ultérieur et de l'évolution des productions de pollution par les industriels ; qu'à ce titre, la solution proposée par le groupement requérant, intéressante à court terme, hypothéquait la perspective future d'implantation de bâtiments techniques sur la parcelle ouest et faisait obstacle à la construction d'ouvrages nouveaux sans arrêt de l'exploitation sur les ouvrages anciens ; qu'il s'ensuit que l'offre du groupement requérant, ce que le jury a relevé dans sa séance du 20 mars 1997 et ce qu'ont rappelé à bon droit les premiers juges, ne satisfaisait pas aux objectifs du maître de l'ouvrage énoncés dans les prescriptions du marché ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que le marché litigieux avait pour objet la modernisation des installations de la station de traitement des eaux et non leur remplacement, y compris en ce qui concernait le dispositif de ventilation des installations, alors assuré par des brosses d'aération ; que le groupement requérant a cependant présenté une offre prévoyant le remplacement complet du système d'insufflation d'air, à l'origine d'une augmentation sensible du prix de son offre ; qu'ainsi, et alors même que ce dispositif permettait une réduction des coûts d'exploitation que la commission d'appel d'offres a d'ailleurs prise en compte, l'offre faite par le groupement était, ainsi que l'ont rappelé justement les premiers juges, la plus coûteuse des quatre offres examinées, l'écart d'investissement notamment entre les groupements OTV et TES, même partiellement compensé par la prise en compte d'un coût d'exploitation réduit, se situant à 13 % ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que le maître d'oeuvre, constatant que l'offre proposée par le groupement requérant s'écartait des documents de la consultation sur des points majeurs, et alors même qu'il ne s'agissait pas d'un critère de choix des candidatures, a pu ainsi, sans entacher la procédure d'examen des offres d'irrégularité, évoquer en conclusion du rapport d'analyse multicritère desdites offres le fait que " des risques de recours n'étaient pas à exclure vis-à-vis de la solution présentée (...) " ; que cette mention, pas plus que son rappel par les premiers juges, ne sont constitutifs d'une erreur dans l'analyse des éléments du dossier ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort du règlement particulier de consultation que les candidats, s'ils ne pouvaient présenter une offre assortie d'une ou plusieurs variantes, conservaient toutefois une certaine latitude dans la conception du projet, en particulier en ce qui concerne les options, dès lors qu'ils remplissaient les exigences minimales de performance ; que si le groupement requérant persiste à soutenir que le marché ne pouvait pas être attribué au groupement OTV faute pour celui-ci d'avoir prévu l'installation d'un concentrateur de graisses, il résulte cependant des stipulations de l'article 10.2 du cahier des clauses techniques particulières, et ainsi que l'ont justement estimé les premiers juges, que les opérateurs n'étaient pas tenus de s'engager sur la présence d'un tel équipement mais uniquement sur un niveau de concentration des graisses à laquelle l'entreprise qui s'est vu attribuer le marché satisfaisait en recourant à d'autres techniques ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le groupement requérant n'établit pas que son offre aurait été, sur le plan technique et fonctionnel, supérieure à celle du groupement OTV à qui le marché a été attribué ; qu'il était ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, dépourvu d'une chance sérieuse de se voir attribuer le marché litigieux et ne peut, par suite, prétendre à une indemnité correspondant aux bénéfices qu'il escomptait retirer du marché, à la couverture des frais généraux qu'il a dû supporter et à son préjudice commercial ; que s'il n'était, en revanche, pas dépourvu de toute chance d'emporter le marché, le groupement évincé ne justifie, au titre des frais exposés pour la conception et de l'établissement du projet en vue de la présentation de son offre, par les factures qui ont été produites dans le cours de la procédure, que des coûts liés au recours à un prestataire extérieur, la société Techni-Forez, et de dépenses engagées au titre du génie civil bâtiment pour des montants respectifs de 79 762 francs (12 159,64 euros) et 7 500 francs ( 1143,37 euros) ; que ces sommes sont inférieures au montant de l'indemnité de 150 000 Francs HT soit 180 900 Francs TTC (27 578,02 euros) versée au groupement requérant, comme à chaque concurrent ayant remis une offre conforme aux spécifications du règlement d'appel d'offres, en vertu de l'article 7-2 de ce règlement ; qu'ainsi, et en tout état de cause, ses conclusions ne peuvent à cet égard qu'être rejetées ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A.S. Fougerolle, la société TES Nantaise des Eaux, la société ETPO, la société Soletanche Bachy France et M. A... B..., architecte, membres du même groupement, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande d'indemnisation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés Fougerolle, venant aux droits de la société EGTP Le Guillou, TES Nantaise des Eaux, ETPO, Soletanche Bachy France venant aux droits de la société Soletanche Entreprises et de M. A... B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine de Nantes, Nantes Métropole tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Fougerolle, venant aux droits de la société EGTP Le Guillou, TES Nantaise des Eaux, ETPO, Soletanche Bachy France venant aux droits de la société Soletanche Entreprises, à M. A... B...et à la communauté urbaine Nantes Métropole.
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N° 10NT015222