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05/04/2013 | FRANCE | N°12NT01363

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 05 avril 2013, 12NT01363


Vu le recours, enregistré le 23 mai 2012, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005577 du 21 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme Camara, la décision du 25 juin 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté sa demande de naturalisation ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Camara devant le tribunal administratif de Nantes ;

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Vu le recours, enregistré le 23 mai 2012, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005577 du 21 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme Camara, la décision du 25 juin 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté sa demande de naturalisation ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Camara devant le tribunal administratif de Nantes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

Vu le décret n° 2009-1671 du 28 décembre 2009 sur l'expérimentation de la déconcentration des décisions individuelles relatives aux demandes d'acquisition de la nationalité française ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2013 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que, par décision du 25 juin 2010, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a rejeté la demande de naturalisation présentée par Mme Camara, de nationalité mauritanienne, au motif de l'existence d'une polygamie de fait, contraire aux valeurs de la société française, M. Camara ayant contracté mariage avec Mme Camara en France et créé de nouvelles cellules familiales en Mauritanie ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 21 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme Camara, cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 28 décembre 2009 sur l'expérimentation de la déconcentration des décisions individuelles relatives aux demandes d'acquisition de la nationalité française : " (...) / III. - Lorsque le préfet ou, à Paris, le préfet de police estime, même si la demande est recevable, qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. / (...) / V. - Les décisions du préfet ou, à Paris, du préfet de police peuvent faire l'objet, dans les deux mois suivant leur notification, d'un recours auprès du ministre chargé des naturalisations (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'assimilation du postulant à la communauté française ;

3. Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par Mme Camara, le ministre en charge des naturalisations a retenu la bigamie de fait de M. Camara avec deux compatriotes, avec lesquelles il a eu douze enfants dont cinq étaient encore mineurs à la date de la décision contesté, et l'acceptation de Mme Camara de cette situation familiale ;

4. Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. Camara, entré en France en 1987, n'a contracté qu'un seul mariage et ne vit en France qu'avec son épouse, Mme Camara ; que la seule circonstance qu'il entretient depuis plusieurs années deux relations extraconjugales avec deux compatriotes mauritaniennes résidant dans ce pays, dont sont issus douze enfants, n'établit pas l'existence en France d'une situation de bigamie ; qu'en conséquence, alors même que M. Camara a fiscalement déclaré lesdits enfants à sa charge, la décision contestée repose sur des faits matériellement inexacts ; que le ministre ne pouvait, dès lors, légalement se fonder sur ce motif pour rejeter la demande de naturalisation de M. Camara ; que le ministre invoque toutefois en appel un autre motif tiré de l'absence de fixation en France des attaches familiales de M. Camara et en conséquence de celles de Mme Camara ;

5. Considérant, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée ou a été obtenue par le demandeur devant le premier juge est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même les parties de présenter leurs observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s 'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas l'auteur de la demande à fin d'annulation de ladite décision d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

6. Considérant qu'il ressort effectivement des pièces du dossier et qu'il est constant que cinq enfants de M. Camara, mineurs aux dates des décisions contestées, dont le dernier est né le 2 février 2009, résident en Mauritanie avec leurs mères respectives ; que, par ailleurs, M. et Mme Camara ont déclaré les avoir pris en charge pour le calcul de leur impôt sur le revenu au titre des années 2006 et 2007 ; que, toutefois, il ressort également des pièces du dossier que Mme Camara, entré en France en 1987, est mère de sept enfants qui résident en France, dont quatre sont issus d'une précédente union ; qu'elle exerçait à la date de la décision en litige une activité professionnelle et pouvait se prévaloir d'une bonne intégration sur le territoire ; que, par suite, alors même que son époux ne disposait pas de l'intégralité de ses attaches familiales en France, cette circonstance, extérieure au comportement de Mme Camara en France ne pouvait, dans les circonstances de l'espèce, fonder, à la date de la décision en litige, le motif évoqué par le ministre devant la cour et n'était pas de nature, dans ces conditions, à fonder légalement cette décision ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de procéder à la substitution de motif demandée ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme Camara, sa décision du 25 juin 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette le recours du ministre, n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celle que lui ont donné, à bon droit, les premiers juges ; que, par suite, les conclusions de Mme Camara tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de réexaminer sa demande doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, le versement de la somme de 1 500 euros que Mme Camara demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Mme Camara une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme Camara présentées devant la cour est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... Kamara épouseA....

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N° 12NT01363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01363
Date de la décision : 05/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-01-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Nationalité. Acquisition de la nationalité. Naturalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : MARANHAO-GUITTON ; MARANHAO-GUITTON ; MARANHAO-GUITTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-04-05;12nt01363 ?
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