La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2013 | FRANCE | N°10NT02371

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 28 mars 2013, 10NT02371


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 10 novembre et 24 décembre 2010, présentés pour la commune de Languidic représentée par son maire en exercice, par Me Coudray, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Languidic demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 10-1330 du 22 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire ou, à défaut, chacune pour sa faute, des sociétés BPR Europe, Paysages de l'Ouest et Colas à lui ver

ser une provision de 118 549,09 euros correspondant au coût de la reprise d...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 10 novembre et 24 décembre 2010, présentés pour la commune de Languidic représentée par son maire en exercice, par Me Coudray, avocat au barreau de Rennes ; la commune de Languidic demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 10-1330 du 22 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation conjointe et solidaire ou, à défaut, chacune pour sa faute, des sociétés BPR Europe, Paysages de l'Ouest et Colas à lui verser une provision de 118 549,09 euros correspondant au coût de la reprise des dalles de granit constituant le revêtement des trottoirs dans le cadre des travaux d'aménagement du centre du bourg, ainsi que la somme de 14 574 euros au titre des frais d'expertise ;

2°) de condamner ces trois sociétés à lui verser les sommes demandées à titre provisionnel ;

3°) de mettre à la charge des mêmes sociétés solidairement la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2013 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Mocaer, substituant Me Guillon-Coudray, avocat de la commune de Languidic ;

- les observations de Me Demay, substituant Me Sinquin, avocat de la SARL Paysage de l'Ouest ;

- les observations de Me Flambeaux, substituant Me Aberlen, avocat de la SA BPR Europe ;

- et les observations de Me Croix, substituant Me Couëtoux du Tertre, avocat de la SA Colas ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 7 mars 2013, présentée pour la commune de Languidic ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 28 mars 2013, présentée pour la SA Colas ;

1. Considérant que, par un acte d'engagement du 19 novembre 2003, la commune de Languidic a confié à la société Colas l'exécution du lot n° 1 " terrassement, voirie et mobilier urbain " du marché de travaux relatif à une opération d'aménagement du centre bourg, dont la maitrise d'oeuvre a été confiée à un groupement composé de la SARL Paysages de l'Ouest et du cabinet Gaudriot, devenu société Saunier et Associés puis SA BPR Europe ; qu'après réception des travaux sans réserve le 9 octobre 2007 avec effet du 4 octobre précédent, la commune a constaté que les dalles de granit qui avaient été posées présentaient une finition bouchardée et non flammée comme prévu contractuellement, et a rapidement relevé sur ces dalles des éclatements des arrêtes supérieures ou épaufrures, ainsi que des fractures et des différences de niveau ; que sur la demande de la commune, présentée le 15 septembre 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a désigné un expert, qui s'est attaché les services d'un sapiteur, aux fins de constater et d'évaluer ces désordres ; que le rapport d'expertise a été déposé le 3 décembre 2009 ; que, le 1er avril 2010, la commune de Languidic a saisi le juge des référés de ce tribunal en vue d'obtenir la condamnation des constructeurs et des maîtres d'oeuvre à lui payer une provision de 118 549,09 euros correspondant au coût des travaux de reprise des désordres ainsi qu'au remboursement des frais d'expertise d'un montant de 14 574,58 euros ; que la commune de Languidic relève appel de l'ordonnance du 22 octobre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que la société Paysage de l'Ouest conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à la condamnation solidaire de la société BPR Europe et de la société Colas à la garantir de l'intégralité des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ; que la SA BPR Europe conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à la condamnation solidaire des constructeurs à la garantir de l'ensemble des condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre ; que la SA Colas conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à la condamnation solidaire des sociétés Paysage de l'Ouest et BPR Europe à la garantir de l'intégralité des condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la société Colas avait soulevé en défense, dans son mémoire enregistré le 10 juin 2010 au greffe du tribunal administratif de Rennes, le moyen tiré de ce que la commune de Languidic avait été informée des causes des défauts de conformité des ouvrages avant la réception de ces derniers ; que dès lors, la commune de Languidic n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif a rejeté sa requête en se fondant sur un moyen qu'il aurait soulevé d'office alors qu'il n'était pas d'ordre public ;

Sur la demande de provision :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise déposé au greffe du tribunal administratif de Rennes le 3 décembre 2009 que le revêtement des trottoirs de la rue des Fleurs à Languidic est constitué de dalles de granit à face visible bouchardée et non flammée comme cela était prévu dans les documents contractuels et que sur certaines zones ont été constatés des éclatements des arrêtes supérieures des dalles de granit ainsi que des fractures, souvent à mi longueur, et des différences de niveau, ou " désaffleurements " ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que si l'expert a relevé une faible différence d'apparence entre la surface bouchardée et la surface flammée des dalles mises en oeuvre et estimé que l'erreur d'appréciation quant au matériau utilisé incombait aux entreprises et aux maitres d'oeuvre, le sapiteur dont l'expert s'était adjoint l'assistance a indiqué pour sa part qu'il était difficile, voire impossible, de confondre les deux types de surface, notamment s'agissant d'un granit beige, et que le maitre d'ouvrage aurait dû, comme les autres participants à la réunion du 6 décembre 2006, relever ces différences de finition dès la présentation des échantillons mais aussi lors de l'exécution des travaux, notamment par comparaison des matériaux en cause avec ceux déjà posés auparavant dans le segment de rue voisin ; que, le caractère apparent ou non avant réception des travaux de la non-conformité des matériaux utilisés n'étant pas établi, la commune n'est pas fondée, en l'état de l'instruction, à soutenir que l'obligation dont elle se prévaut à l'encontre des maîtres d'oeuvre sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre de l'obligation d'assistance aux opérations de réception des travaux n'est pas sérieusement contestable ; que la commune de Languidic n'est pas davantage fondée à se prévaloir, à l'égard de la société Colas, d'une obligation non sérieusement contestable dès lors que, la réception des travaux étant intervenue sans réserve, la responsabilité contractuelle de l'entreprise ne peut plus être engagée à son égard ; qu'enfin, la modification des matériaux utilisés ne relèvant pas de la garantie décennale des constructeurs, l'obligation de ces derniers à l'égard de la commune ne peut être retenue à ce titre ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte du rapport d'expertise que les désordres constatés sur les zones examinées, qui consistent ainsi que rappelé aux points 1 et 4, en des éclatements des arrêtes supérieures des dalles, des fractures et des différences de niveau, ont pour origine une pause bord à bord ou avec des joints trop minces sur une fondation insuffisamment rigide, mais aussi la circulation de véhicules sur les trottoirs aménagés avec ces dalles ; que si la pose bord à bord est contraire aux règles de l'art et n'aurait pas dû être validée par le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, ces derniers soutiennent que la commune maître d'ouvrage en avait fait la demande expresse ; que si la fondation des trottoirs était insuffisamment compactée, il est soutenu que la faible largeur des trottoirs empêchait l'utilisation de compacteurs puissants et que, si ce choix technique constitue une imprudence technique du maitre d'oeuvre en raison de la moindre portance et de l'accroissement des déplacements de dalles générés, il résulte également de l'instruction que la circulation de véhicules sur les dalles de granit, contre laquelle les constructeurs avaient mis en garde la commune, a contribué à la fracture de certaines dalles ; que les maîtres d'oeuvre et la société Colas contestent en outre l'ampleur des dommages constatés ; que, dans ces conditions, en l'état de l'instruction, et alors au surplus que les conclusions de l'expertise ne permettent pas d'affirmer que les désordres litigieux seraient de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, l'obligation dont se prévaut la commune tant contre les maitres d'oeuvre sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre de l'obligation d'assistance aux opérations de réception des travaux, qu'à l'encontre de l'entreprise Colas au titre de la garantie décennale demeure sérieusement contestable ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Languidic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés de Rennes a rejeté sa demande de provision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Le Paysage de l'Ouest, de la SA BPR Europe et de la SA Colas, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la commune de Languidic demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la SA Colas et de la SA BPR Europe tendant au versement des sommes demandées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Languidic est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Languidic, à la SARL Le Paysage de L'Ouest, à la SA BPR Europe et à la SA Colas.

Une copie du présent arrêt sera expédiée à M. André Guillermo, expert.

''

''

''

''

N° 10NT023712


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT02371
Date de la décision : 28/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-03-28;10nt02371 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award