La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/03/2013 | FRANCE | N°12NT01671

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 14 mars 2013, 12NT01671


Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me Preneux, avocat au barreau de Rennes ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-5409 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2010 du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine rejetant le recours gracieux formé par lui pour contester le montant du revenu de solidarité active qui lui a été versé à partir du mois de juin 2010 et demander à bénéficier d'u

n montant de revenu de solidarité active au titre de l'année 2010 de 404,88 ...

Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant..., par Me Preneux, avocat au barreau de Rennes ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-5409 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2010 du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine rejetant le recours gracieux formé par lui pour contester le montant du revenu de solidarité active qui lui a été versé à partir du mois de juin 2010 et demander à bénéficier d'un montant de revenu de solidarité active au titre de l'année 2010 de 404,88 euros ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge du conseil général d'Ille-et-Vilaine la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :

- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., substituant Me Bernot, avocat du département d'Ille-et-Vilaine ;

1. Considérant que M. C... relève appel du jugement du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 octobre 2010 du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine rejetant le recours gracieux formé par lui pour contester le montant du revenu de solidarité active qui lui a été versé à partir du mois de juin 2010 et pour demander à bénéficier d'un montant de revenu de solidarité active au titre de l'année 2010 de 404,88 euros ;

2. Considérant que lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d'une personne à l'allocation de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention dans la reconnaissance du droit à cette prestation d'aide sociale qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision contestée, mais d'examiner les droits de l'intéressé sur lesquels l'administration s'est prononcée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction ; qu'au vu de ces éléments, il appartient au juge administratif d'annuler ou de réformer, s'il y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même les droits de l'intéressé, pour la période en litige, à la date à laquelle il statue ou, s'il ne peut y procéder, de renvoyer l'intéressé devant l'administration afin qu'elle procède à cette fixation sur la base des motifs de son arrêt ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " (...)Le revenu garanti est calculé, pour chaque foyer, en faisant la somme : 1° D'une fraction des revenus professionnels des membres du foyer (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 262-3 du même code : " (...) L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État qui détermine notamment : 1° Les ressources ayant le caractère de revenus professionnels ou qui en tiennent lieu ; 2° Les modalités d'évaluation des ressources, y compris les avantages en nature. " ; qu'aux termes de l'article L. 262-7 du même code : " Pour bénéficier du revenu de solidarité active, le travailleur relevant du régime mentionné à l'article L. 611-1 du code de la sécurité sociale doit (...) réaliser un chiffre d'affaires n'excédant pas un niveau fixé par décret. " ; qu'aux termes de l'article R. 262-6 de ce code : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent (...) l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. " ; qu'aux termes de l'article R. 262-8 du même code : " Ont le caractère de revenus professionnels ou en tiennent lieu en application du 1o de l'article L. 262-3 : 1° L'ensemble des revenus tirés d'une activité salariée ou non salariée ; 2° Les revenus tirés de stages de formation professionnelle; 3° Les revenus tirés de stages réalisés en application de l'article 9 de la loi no 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances ; 4° L'aide légale ou conventionnelle aux salariés en chômage partiel; 5° Les indemnités perçues à l'occasion des congés légaux de maternité, de paternité ou d'adoption; 6° Les indemnités journalières de sécurité sociale (...)" ; qu'aux termes des dispositions de l'article D. 262-16 du même code : " Les personnes relevant du régime mentionné à l'article L. 611-1 du code de la sécurité sociale peuvent prétendre au revenu de solidarité active lorsque le dernier chiffre d'affaires annuel connu, actualisé le cas échéant, n'excède pas, selon la nature de l'activité exercée, les montants fixés aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts. " ; qu'il résulte des dispositions des articles R. 262-18 et suivants du code de l'action sociale et des familles que les ressources des personnes qui exercent une activité non salariée sont déterminées selon des modalités particulières fixées par ces articles ; qu'aux termes de l'article R. 262-19 du code de l'action sociale et des familles : " Les bénéfices industriels et commerciaux et les bénéfices non commerciaux s'entendent des résultats ou bénéfices déterminés en fonction des régimes d'imposition applicables au titre de la pénultième année (...)" ; qu'aux termes de l'article R. 262-23 du même code : " Selon les modalités prévues aux articles R. 262-18 à R. 262-22, le président du conseil général arrête l'évaluation des revenus professionnels non salariés nécessaires au calcul du revenu de solidarité active. A cet effet, il tient compte, soit à son initiative, soit à la demande de l'intéressé, des éléments de toute nature relatifs aux revenus professionnels de l'intéressé " ; qu'aux termes de l'article R. 262-24 du même code : " En l'absence de déclaration ou d'imposition d'une ou plusieurs activités non salariées, le président du conseil général évalue le revenu au vu de l'ensemble des éléments d'appréciation fournis par le demandeur. " ; qu'il résulte de ces dispositions que pour les travailleurs indépendants prétendant à l'allocation du revenu de solidarité active, sont prises en compte toutes les ressources ayant le caractère de revenus professionnels tirés d'une activité salariée ou non salariée ou qui en tiennent lieu, de quelque nature qu'elles soient ; que la détermination des ressources ayant le caractère de revenus professionnels et les modalités d'évaluation de ces ressources ont été fixés par voie réglementaire ; qu'en ce qui concerne l'évaluation des revenus professionnels des travailleurs indépendants, celle-ci est réalisée au vu du dernier chiffre d'affaires annuel connu qui ne doit pas excéder un niveau fixé aux articles 50-O et 102 ter du code général des impôts ; que c'est sur la base de ce chiffre d'affaire et des éléments de toute nature relatifs aux revenus professionnels de l'intéressé que le président du conseil général doit arrêter l'évaluation des revenus professionnels non salariés nécessaires au calcul du revenu de solidarité active ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C..., qui déclare exercer la profession de consultant sous le statut de travailleur indépendant depuis le 9 mai 2005, a obtenu le bénéfice du revenu minimum d'insertion de février 2008 à mai 2009 ; qu'à compter du 1er juin 2009, date d'entrée en vigueur du dispositif du revenu de solidarité active, le montant de son allocation a été recalculé à la baisse du fait de la prise en compte par l'administration d'une évaluation forfaitaire de ses revenus professionnels issus de son activité de travailleur indépendant fixée à 250 euros par mois ; que pour contester cette diminution, M. C... a saisi le président du conseil général qui, après réunion de la commission départementale des recours relative à l'insertion, lui a accordé, par une décision du 2 novembre 2009, une dérogation à l'application de ce forfait de revenus pour la période de juin 2009 à mai 2010 inclus ; que lors de sa demande de renouvellement du bénéfice de l'allocation de revenu de solidarité active au titre de l'année 2010, demande datée du 23 mars 2010, M. C... s'est à nouveau déclaré entrepreneur individuel et a indiqué avoir réalisé un chiffre d'affaires nul au titre de l'exercice 2009, comme en 2008 ; que sur la base de cette déclaration, en se fondant sur une décision de la commission permanente du conseil général du 7 décembre 2009 qui prévoit que tant qu'il est déficitaire ou qu'il retire moins de 250 euros de revenus d'activité par mois, un revenu forfaitaire d'activité de 250 euros est comptabilisé comme revenu d'activité du travailleur indépendant pour déterminer son droit au revenu de solidarité active, le président du conseil général a ajouté ce montant forfaitaire de revenus d'activité de 250 euros mensuels aux revenus professionnels de M. C... ; que cet ajout a eu pour conséquence une diminution du montant de l'allocation de revenu de solidarité active versée à l'intéressé ;

5. Considérant que s'il est exact que M. C... n'a versé aucun justificatif à l'appui de sa déclaration de chiffre d'affaires malgré la demande formulée le 23 juillet 2009 par les services du conseil général d'Ille et Vilaine de fournir le dernier bilan comptable de son entreprise et d'expliquer les raisons pour lesquelles son activité ne lui permettait pas de parvenir à son autonomie financière, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait omis de déclarer une ou plusieurs activités non salariées ; que dans ces conditions, les services du conseil général étaient ainsi en mesure de procéder, sur la base des dispositions législatives et réglementaires précitées des articles R. 262-23 et R. 262-24 du code de l'action sociale et de la famille, à l'évaluation des revenus professionnels non salariés nécessaires au calcul du revenu de solidarité active de l'intéressé ; que toutefois, le président du conseil général, qui peut en application de l'article R.262-23 précité tenir compte " des éléments de toute nature relatifs aux revenus professionnels de l'intéressé " ne tenait pas légalement de ces dispositions ni des articles R. 262-8, R. 262-19 et D. 261-16 du code précité qui énumèrent la liste des rémunérations professionnelles, ou qui en tiennent lieu, à prendre en compte, et qui déterminent les modalités d'évaluation de celles-ci, le pouvoir d'évaluer forfaitairement des revenus professionnels non perçus pour arrêter le montant des revenus servant de base de calcul au revenu de solidarité active de l'allocataire ; qu'ainsi, en ajoutant sur le fondement de la délibération de la commission permanente du conseil général d'Ille et Vilaine du 7 décembre 2009, un " revenu d'activité forfaitaire " non perçu de 250 euros pour déterminer les droits de M. C..., l'administration a fait usage d'une modalité d'appréciation des revenus professionnels de l'intéressé non prévue par les textes ; que par suite, la décision contestée du président du conseil général du 22 octobre 2010 rejetant le recours gracieux de M. C... et confirmant ainsi le mode d'évaluation de ses revenus professionnels retenu est entachée d'une erreur de droit et ne peut qu'être annulée ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les revenus de M. C... doivent être rétablis au montant déclaré par lui pour la période à compter du 1er juin 2010 ; que, toutefois, l'état de l'instruction ne permet pas de fixer le montant de la somme qui lui est due au titre de l'allocation de revenu de solidarité active à compter de cette même date ; qu'il y a lieu, en conséquence, de renvoyer M. C... devant le président du conseil général d'Ille-et-Vilaine pour le calcul et le versement de cette somme, conformément aux motifs du présent arrêt ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le département d'Ille-et-Vilaine demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du département d'Ille-et-Vilaine la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 décembre 2011 et la décision du 22 octobre 2010 du président du conseil général d'Ille-et-Vilaine sont annulés.

Article 2 : M. C... est renvoyé devant le président du conseil général d'Ille-et-Vilaine pour le calcul et le versement de la somme due au titre du revenu de solidarité active pour la période à compter du 1er juin 2010, conformément aux motifs du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le département d'Ille-et-Vilaine versera à M. C..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au département d'Ille-et-Vilaine.

''

''

''

''

2

N° 12NT01671


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01671
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Revenu minimum d'insertion (RMI).

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Revenu minimum d'activité (RMA).


Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. François LEMOINE
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : PRENEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-03-14;12nt01671 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award