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14/03/2013 | FRANCE | N°12NT01181

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 14 mars 2013, 12NT01181


Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2012, présentée pour le GAEC du Clos Quentin, dont le siège est 2, Le Bois André à Saint-Georges-Montcocq (50000), et pour MM. E...et G...C..., demeurant..., ; le GAEC du Clos Quentin et MM. E...et G...C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-2622 en date du 1er mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2010 du préfet de la Manche autorisant le président de la communauté de communes de l'agglomération Saint-Loise à résilier, pour ch

angement de destination de terres agricoles, le bail rural consenti à M. ...

Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2012, présentée pour le GAEC du Clos Quentin, dont le siège est 2, Le Bois André à Saint-Georges-Montcocq (50000), et pour MM. E...et G...C..., demeurant..., ; le GAEC du Clos Quentin et MM. E...et G...C...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-2622 en date du 1er mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2010 du préfet de la Manche autorisant le président de la communauté de communes de l'agglomération Saint-Loise à résilier, pour changement de destination de terres agricoles, le bail rural consenti à M. E...C...et concernant les parcelles respectivement cadastrées ZE 72, sise à Saint-Georges-Montcocq, pour une superficie de 1 h 5 a et D 120, sise au Mesnil-Rouxelin, pour une superficie de 3 h 85 a, ensemble la décision du 20 octobre 2010 rejetant leur recours gracieux ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision précités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier

Vu le code rural ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu l'article 70 de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me H..., substituant Me Musso, avocat du GAEC du Clos Quentin et de MM. E...et G...C... ;

1. Considérant que le GAEC du Clos Quentin et MM. E... et G...C...relèvent appel du jugement du 1er mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2010 du préfet de la Manche, confirmé sur recours gracieux le 20 octobre 2010, qui a autorisé le président de la communauté de communes de l'agglomération Saint-Loise à résilier le bail rural consenti à M. E... C... pour changement de destination de terres agricoles concernant les parcelles respectivement cadastrées ZE 72, sise à Saint-Georges-Montcocq, pour une superficie de 1 h 5 a et D 120, sise au Mesnil-Rouxelin, pour une superficie de 3 h 85 a ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en écartant le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux à raison de l'incompétence de son président au motif que le vice de procédure invoqué n'avait pas été susceptible d'exercer une influence sur la décision litigieuse, le tribunal n'a pas relevé d'office un moyen qu'il aurait été tenu de communiquer préalablement aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Sur la légalité des décisions contestées :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier que par un arrêté n° 10-48 du 23 mars 2010, qui a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Manche n° 3 de mars 2010, le préfet de la Manche a donné délégation de signature à M. F... I..., directeur départemental des territoires et de la mer " à l'effet de signer tous actes, décisions (...) relevant de la direction départementale des territoires et de la mer " ; que M. I... a, ensuite, subdélégué sa signature à M. B... en tant que directeur départemental adjoint des territoires et de la mer de la Manche par un arrêté du 3 juin 2010, qui a également été régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 25 de juillet 2010 ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. B... n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté contesté du 21 juillet 2010 et que M. I... n'était pas compétent pour signer le courrier du 20 octobre 2010 de rejet du recours gracieux formé par les requérants doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 414-1 du code rural et de la pêche maritime : " La commission consultative paritaire départementale des baux ruraux mentionnée à l'article L. 411-11 se réunit à la diligence du commissaire de la République du département chaque fois que le règlement des affaires de sa compétence l'exige ou que le commissaire de la République estime devoir la consulter. Elle comprend : Le préfet ou son représentant, président ; Le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ou son représentant ; Le président de la chambre départementale d'agriculture ou son représentant ; Un représentant de chacune des organisations syndicales d'exploitants agricoles à vocation générale habilitées en application de l'article 1er du décret n° 90-187 du 28 février 1990 ; le président de l'organisation départementale des bailleurs de baux ruraux affiliée à l'organisation nationale la plus représentative ou son représentant, le président de cette organisation ayant la faculté de renoncer à faire partie de la commission, auquel cas siège le président de l'organisation départementale de la propriété agricole affiliée à l'organisation nationale la plus représentative ou son représentant ; le président de l'organisation départementale des fermiers et des métayers affiliée à l'organisation nationale la plus représentative ou son représentant ; le président de la chambre départementale des notaires ou son représentant ; des représentants titulaires des bailleurs non preneurs et des preneurs non bailleurs, élus dans le ressort de chaque tribunal paritaire des baux ruraux, dans les limites du département, dans les conditions suivantes : a) Lorsque le département comporte un seul tribunal paritaire, ces élus sont au nombre de six bailleurs et de six preneurs ; b) Lorsque le département comporte deux tribunaux paritaires, ces élus sont au nombre de trois bailleurs et de trois preneurs par tribunal ; c) Lorsque le département comporte trois tribunaux paritaires, ces élus sont au nombre de deux bailleurs et de deux preneurs par tribunal ; d) Lorsque le département comporte quatre tribunaux paritaires ou plus, ces élus sont au nombre d'un bailleur et d'un preneur par tribunal. Il est élu autant de suppléants que de titulaires ; En cas d'absence du préfet et de son représentant, le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ou son représentant préside la commission " ;

5. Considérant, d'une part, que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'il appartient au juge administratif d'écarter, le cas échéant de lui-même, un moyen tiré d'un vice de procédure qui, au regard de ce principe, ne lui paraît pas de nature à entacher d'illégalité la décision contestée ; que si, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 414-1 du code rural et de la pêche maritime, la commission consultative départementale des baux ruraux est placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, elle peut, en leur absence, être présidée par le directeur de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, devenue direction départementale des territoires et de la mer, ou par l'un des chefs de service de cette direction régulièrement habilité à cet effet ; qu'il ressort des pièces versées au dossier que cette commission s'est réunie le 30 juin 2010 sous la présidence de M. D... A..., responsable de l'unité " Aides conjoncturelles et structurelles " de la direction départementale des territoires et de la mer de la Manche ; qu'à supposer que le président ainsi désigné aurait dû faire l'objet de la part du préfet d'une délégation de pouvoir spécifique, ce seul vice, alors qu'il n'est pas établi que M. A..., lequel avait été chargé par ailleurs de l'instruction de la demande d'autorisation de résiliation du bail litigieux, aurait par ses propos ou son comportement influencé l'avis rendu par la commission ou manqué d'impartialité, n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de l'avis que cet organisme consultatif a rendu et, par suite, sur le sens de la décision contestée du préfet du 21 juillet 2010 ; qu'il n'a pas davantage privé les requérants d'une garantie ; que le moyen tiré de ce que la réunion du 30 juin 2010 aurait été irrégulièrement présidée doit dès lors être écarté ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces versées au dossier que le représentant du syndicat des jeunes agriculteurs, qui au demeurant n'avait pas voix délibérative et ne pouvait participer au vote, a été effectivement convoqué ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la composition de la commission consultative paritaire départementale qui s'est tenue le 30 juin 2010 aurait été irrégulière doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 414-2 du code rural : " (...). Les votes ne peuvent intervenir que si la moitié au moins des membres élus est présente et si les représentants des bailleurs et ceux des preneurs sont en nombre égal. Les votes sont acquis à la majorité des voix, sauf dans le cas prévu à l'article L. 411-53, dernier alinéa, où une majorité des trois quarts est requise. Les membres de la commission n'ayant pas voix délibérative peuvent demander à faire inscrire leur avis au procès-verbal de la séance ; lorsqu'une majorité n'a pu se dégager, le président doit solliciter leur avis en vue de cette inscription (...) " ; qu'il ressort du procès-verbal de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux de la Manche réunie le 30 juin 2010 que les représentants des bailleurs et les représentants des preneurs composant au moins la moitié des membres élus étaient présents ; que si trois membres représentant les bailleurs étaient présents alors que six membres représentant les preneurs assistaient à la réunion, seuls trois preneurs et trois bailleurs ont participé au vote, dans le respect de la parité et conformément aux dispositions précitées de l'article R. 414-2 du code rural ; que le quorum requis par les dispositions précitées de l'article R. 414-2 du code rural étant atteint lors de la séance du 30 juin 2010 de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux et la règle de parité respectée, la circonstance que le procès-verbal de la réunion ne permet pas d'identifier les membres du collège des preneurs qui n'ont pas pris part au vote demeure sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-32 du code rural qui détermine les conditions dans lesquelles le propriétaire peut modifier un bail agricole en vue de donner une autre utilisation à un terrain : " Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. En l'absence d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsque existe un plan local d'urbanisme, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, le droit de résiliation ne peut être exercé sur des parcelles en vue d'un changement de leur destination agricole qu'avec l'autorisation de l'autorité administrative (...) Lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué(...) " et qu'aux termes de l'article L. 415-11 du même code : " Les baux du domaine de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs groupements ainsi que des établissements publics, lorsqu'ils portent sur des biens ruraux constituant ou non une exploitation agricole complète, sont soumis aux dispositions du présent titre. Toutefois, le preneur ne peut invoquer le droit au renouvellement du bail lorsque la collectivité, le groupement ou l'établissement public lui a fait connaître, dans un délai de dix-huit mois avant la fin du bail, sa décision d'utiliser les biens loués, directement et en dehors de toute aliénation, à une fin d'intérêt général (...) Enfin, le bail peut, à tout moment, être résilié sur tout ou partie des biens loués lorsque ces biens sont nécessaires à la réalisation d'un projet déclaré d'utilité publique ; dans ce cas, le preneur a droit à une indemnité à raison du préjudice qu'il subit " ;

9. Considérant, d'une part, que, par une demande du 30 mars 2010, la communauté de communes de l'agglomération Saint-Loise a sollicité du préfet de la Manche l'autorisation de résilier le bail consenti à M. E...C...pour changement de destination agricole des parcelles ZE 72 et D 120 incluses respectivement dans le PLU de Saint-Georges-Montcocq et le POS du Mesnil Rouxelin et situées dans une zone à urbanisation future ; qu'il ressort sans ambiguïté des pièces versées au dossier, en particulier des mentions de l'arrêté contesté du préfet de la Manche et des termes du rejet, le 20 octobre 2010, du recours gracieux formé par le GAEC du Clos-Quentin et par MM. E... etG... C... en qualité d'associés du groupement, que la demande de la communauté de communes a bien été examinée par l'administration au regard des conséquences que la résiliation du bail pouvait avoir sur l'exploitation du GAEC du Clos-Quentin ; que, par suite, la circonstance que M. E...C...a, dans l'arrêté contesté, été par erreur désigné comme titulaire du bail aux lieu et place du GAEC du Clos-Saint-Quentin n'a pas eu d'incidence sur le sens et la portée de la décision contestée du 21 juillet 2010 ;

10. Considérant, d'autre part, que la résiliation du bail en litige conduit à la reprise de deux parcelles d'une superficie totale de 5 ha 33 a 50 ca sur les 114 ha de surface exploitée par le GAEC du Clos-Saint-Quentin, soit 4,6 % de cette surface ; qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles concernées ne figurent pas au plan d'épandage et sont donc sans conséquence sur les obligations d'épandage de l'exploitation et sur le cheptel du groupement ; que la perte de l'agrément d'appellation AOC " beurre d'Isigny ", laquelle n'est pas conditionnée à la surface de l'exploitation, n'est davantage établie en appel qu'en première instance ; qu'enfin, la création d'un nouvel îlot constitué au sein de l'exploitation par la parcelle ZE 73, située en bordure de route et à proximité des terres de l'exploitation, ne peut être regardée comme portant une atteinte excessive à l'équilibre de celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'en autorisant la résiliation du bail en litige, le préfet de la Manche n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant, enfin, que les requérants ne sauraient utilement faire valoir que le projet de la communauté de communes méconnaîtrait l'objectif de gestion économe des espaces et l'équilibre entre les populations résidant en zone urbaine et rurale prévu par l'article L. 110 du code de l'urbanisme, lequel n'est applicable que dans le cadre de l'élaboration ou de la révision des documents d'urbanisme ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le GAEC du Clos Quentin et MM. E... etG... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demandent le GAEC du Clos Quentin et MM. E...et G...C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du GAEC du Clos Quentin et de MM. E...et G...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC du Clos Quentin, à MM. E...et G...C...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt.

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N° 12NT01181 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01181
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : MUSSO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-03-14;12nt01181 ?
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