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18/01/2013 | FRANCE | N°12NT01497

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 janvier 2013, 12NT01497


Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Esquerre, avocat au barreau de Lyon ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100081 du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire rejetant sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au ministre

chargé des naturalisations de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à c...

Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Esquerre, avocat au barreau de Lyon ; M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100081 du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire rejetant sa demande de naturalisation ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le principe du contradictoire a été méconnu ; qu'en effet, la production de la note du ministère de l'intérieur en date du 10 juillet 2008 par l'administration, qui n'est étayée par aucun document concret, l'a mis dans l'impossibilité de connaître les faits précis qui lui sont opposés et donc de les contester ;

- que c'est à tort que le tribunal administratif a renversé la charge de la preuve en estimant qu'il n'apportait pas d'élément de nature à infirmer les affirmations de l'administration ;

- que c'est à tort que le ministre chargé des naturalisations a pris en considération le comportement de son épouse pour rejeter sa demande de naturalisation ; qu'en outre, celui-ci a commis une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son épouse n'a jamais adhéré à aucun mouvement islamiste radical, que les transferts de fonds étaient destinés à son fils, parti étudier au Yémen en octobre 2004, et que le voyage avec son épouse en Arabie Saoudite en 2005 avait pour seul but un pèlerinage rituel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que le principe du contradictoire n'a pas été méconnu dès lors que ses écritures en défense devant le tribunal administratif ont été communiquées à M. B... ;

- que la note du 10 juillet 2008 émanant du ministère de l'intérieur est précise, circonstanciée, et revêt un caractère probant suffisant ; qu'ainsi, il appartenait à l'intéressé de démontrer le caractère infondé des éléments y figurant ;

- que la communauté de vie avec son épouse étant durable, l'intéressé ne pouvait ignorer les agissements de celle-ci ; qu'en outre, M. B..., qui se contente de nier les faits, n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations qui soit de nature à remettre en cause les renseignements recueillis ; qu'en effet, des services spécialisés de sécurité du ministère de l'intérieur ont mis en évidence la proximité de son épouse avec le mouvement salafiste, pour lequel elle a organisé une collecte de fonds et le transfert de ceux-ci à l'étranger ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 décembre 2012 :

- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;

1. Considérant que M. B..., de nationalité algérienne, interjette appel du jugement du 5 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire rejetant sa demande de naturalisation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le ministre a produit à l'appui de son mémoire en défense enregistré, le 17 janvier 2012, au greffe du tribunal administratif de Nantes, une note datée du 10 juillet 2008 du ministre de l'intérieur, de l'Outre-mer et des collectivités territoriales sur laquelle il s'est fondé pour prendre la décision contestée ; que le mémoire en défense et sa pièce jointe ont été communiqués, le 18 janvier 2012, par le greffe de ce tribunal, à M. B..., qui y a répondu par un mémoire enregistré le 3 mars 2012 ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été dans l'impossibilité de contester les éléments mentionnés dans ladite note et qu'ainsi, il aurait été porté atteinte au principe du contradictoire rappelé par les dispositions précitées de l'article L. 5 du code de justice administrative doit être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations d'apprécier l'opportunité d'accorder ou non la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ;

4. Considérant que si, pour rejeter une demande de naturalisation pour un motif autre que le défaut de résidence en France, l'administration ne peut légalement se fonder que sur des faits imputables au demandeur et non à son conjoint, il lui est, toutefois, possible, pour opposer un tel refus, de prendre en considération la durée et l'effectivité de la communauté de vie et le comportement du conjoint lorsqu'il est établi que ledit comportement est susceptible de porter atteinte aux intérêts français ou à la sécurité du pays ;

5. Considérant que pour rejeter la demande de naturalisation de M. B..., le ministre s'est fondé sur la circonstance que son épouse est fortement impliquée en faveur de la mouvance salafiste lyonnaise dont les thèses sont incompatibles avec les valeurs de tolérance et de laïcité de la communauté française et que cet engagement ressort notamment de sa participation au transfert au Yémen et en Arabie Saoudite de fonds qu'elle avait collectés pour le compte de cette mouvance islamiste radicale ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une note du ministre de l'intérieur en date du 10 juillet 2008, qui a une valeur probante suffisante eu égard à son contenu et à sa précision, que l'épouse de M. B... est connue pour ses relations avec la mouvance salafiste lyonnaise, proche de mouvements islamiques radicaux, dont les thèses sont incompatibles avec les valeurs de la République française et que celle-ci a fait parvenir, entre les années 2003 et 2005, des fonds destinés à cette mouvance islamiste au Yémen et en Arabie Saoudite ; que si M. B... conteste l'affirmation selon laquelle son épouse serait proche dudit mouvement, soutient que les transferts de fonds au Yémen étaient destinés à son fils, étudiant dans ce pays d'octobre 2004 à juillet 2008, et fait valoir que lui et son épouse se sont rendus en Arabie Saoudite en 2005 dans le seul but d'y effectuer un pèlerinage religieux, ni ces dénégations, ni les pièces versées au dossier ne démontrent que les renseignements contenus dans cette note seraient matériellement inexacts ; que par ailleurs, M. B... n'apporte aucun élément justifiant les transferts de fonds au Yémen effectués à compter de l'année 2003 et ceux effectués à destination de l'Arabie Saoudite ; qu'en outre, la communauté de vie entre les époux, mariés depuis 1977, étant effective, le ministre pouvait légalement apprécier la situation de M. B... en prenant en considération des faits imputables à son épouse ; que, dans ces conditions, le ministre pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, légalement se fonder sur les renseignements contenus dans la note du 10 juillet 2008 pour rejeter la demande de naturalisation de M. B... ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce que la cour enjoigne, sous astreinte, au ministre chargé des naturalisations de réexaminer sa demande ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2013.

Le président-assesseur,

J-F. MILLETLe président-rapporteur

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 12NT01497 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01497
Date de la décision : 18/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Bernard ISELIN
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : ESQUERRE ; ESQUERRE ; ESQUERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-01-18;12nt01497 ?
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