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18/01/2013 | FRANCE | N°12NT00805

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 janvier 2013, 12NT00805


Vu le recours, enregistré le 22 mars 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n° 1005859 du 1er février 2012 par lesquels le tribunal administratif de Nantes, après avoir annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 25 mars 2010 rejetant le recours de M. B... contre la déc

ision du 20 octobre 2008 du consul général C...à Oran lui ayant refusé ...

Vu le recours, enregistré le 22 mars 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n° 1005859 du 1er février 2012 par lesquels le tribunal administratif de Nantes, après avoir annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 25 mars 2010 rejetant le recours de M. B... contre la décision du 20 octobre 2008 du consul général C...à Oran lui ayant refusé un visa d'entrée et de court séjour pour visite familiale, lui a enjoint de faire délivrer à M. B... le visa de court séjour sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2010 et à ce que soit ordonnée la délivrance du visa demandé ;

Il soutient que :

- s'agissant de l'insuffisance des ressources de M. B..., le tribunal a inexactement apprécié les faits de l'espèce, dès lors que les justificatifs présentés par l'intéressé sont frauduleux et que, compte tenu du taux de change du dinar, les salaires perçus sont dix fois moins élevés que ce qu'il indique ; qu'en outre, l'attestation de retrait de devises du 9 septembre 2008 est sans valeur probante ;

- il n'est pas justifié de la capacité financière de l'accueillant ;

- il existe un risque manifeste de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, risque sur le seul fondement duquel la commission de recours aurait pris la même décision ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans fondement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressé à M. B... en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 15 octobre 2012 constatant le maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale au bénéfice de M. B... ;

Vu l'ordonnance du 29 octobre 2012 fixant la clôture de l'instruction au 21 novembre 2012 ;

Vu l'ordonnance du 21 novembre 2012 reportant la clôture de l'instruction au 6 décembre 2012 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2012, présenté pour M. B..., élisant domicile..., demeurant..., par Me Halgand, avocat au barreau de Nantes, qui conclut au rejet du recours et à ce que l'Etat paye à son conseil une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il fait valoir que :

- l'insuffisance alléguée de ses ressources n'est pas établie et le ministre ne saurait, sur ce point, se prévaloir de circonstances postérieures à la décision annulée par les premiers juges ;

- il ne s'est pas prévalu seulement de l'attestation bancaire du 9 septembre 2008 ;

- il n'existe pas de risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;

- la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'était pas régulièrement composée ;

- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 décembre 2012 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public,

- et les observations de Me Halgand, avocat de M. B... ;

Sur le recours du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : / (...) / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, où être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) " ; qu'il appartient aux autorités chargées de délivrer un visa d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si ces ressources, dont l'existence doit être étayée par des documents probants au vu de l'ensemble des pièces du dossier, sont adaptées au séjour envisagé ; qu'en outre et en vertu des articles L. 211-3 et L. 211-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois doit présenter une attestation d'accueil signée par la personne qui lui assurera le logement et validée par l'autorité administrative et cette attestation est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour en France de l'étranger accueilli au cas où celui-ci n'y pourvoirait pas ;

2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'au soutien de sa demande tendant à la délivrance d'un visa autorisant un séjour d'une durée de trente jours, M. B... a présenté une attestation du 8 septembre 2008 faisant état d'un emploi de peintre en bâtiment depuis le 5 août 2007, ainsi que des fiches de paie afférentes aux mois de juin à août 2008 mentionnant un salaire mensuel de 15 060 dinars algériens, soit environ 150 euros ; que le ministre, au soutien de son recours, peut se prévaloir de circonstances de fait postérieures de nature à établir l'insincérité des documents produits au soutien de la demande de visa présentée en 2008 ; qu'à cet égard, il justifie qu'au soutien de demandes ultérieures ayant le même objet, M. B... a présenté une attestation du 21 mars 2010, antérieure à la décision du 25 mars 2010 annulée par les premiers juges, selon laquelle il était employé en la même qualité par un autre employeur depuis le 15 janvier 2009 et établit également que le numéro d'inscription de cet employeur au registre du commerce, tel que figurant sur le document présenté, n'a pu être retrouvé auprès de la chambre de commerce et d'industrie de Relizane ; que M. B... a également présenté des bulletins de salaire au titre des mois de janvier à mars 2010 faisant état d'un salaire mensuel de 25 901,59 dinars algériens, soit environ 250 euros, ainsi que du versement d'allocations familiales, alors qu'il est constant qu'il est célibataire et sans enfant à charge ; qu'il ressort également des pièces produites au soutien du recours que M. B... a ensuite présenté une attestation datée du 9 février 2012, selon laquelle il était employé depuis le 14 janvier 2008 en qualité de peintre par un employeur différent de celui mentionné par la demande de visa introduite le 10 septembre 2008, laquelle ne faisait état que d'un seul employeur, ainsi que différent de celui dont, en 2010, il était attesté qu'il était le salarié depuis le 15 janvier 2009, alors que la demande de visa souscrite le 15 avril 2010 ne faisait, de même, état que d'un seul employeur ; qu'eu égard à ces éléments, le ministre établit le caractère insincère des documents présentés par M. B... avant le 25 mars 2010 à l'effet de justifier de sa situation professionnelle et du niveau de ses ressources ; que, dans ces conditions, M. B... ne justifie pas, par la seule production d'une attestation bancaire selon laquelle il a procédé le 9 septembre 2008 au retrait en espèces d'une somme de 600 euros, de sa capacité personnelle à supporter les frais de voyage et de durée du séjour en France correspondant à l'objet et à la durée du visa de court séjour sollicité ;

3. Considérant, d'autre part, que M. B..., qui est né en 1983, est célibataire et sans enfant à charge ; que, compte tenu de l'insincérité des documents successivement présentés par l'intéressé pour justifier de sa situation professionnelle, il n'établit pas avoir une telle situation en Algérie ; que son père réside en France depuis 1964 et y a été rejoint en 2003 par sa mère et son frère alors mineur au titre du regroupement familial, dont ne pouvait bénéficier M. B... compte tenu de son âge ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'existait un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 25 mars 2010, le tribunal administratif de Nantes a estimé que son auteur a commis une erreur dans l'appréciation des ressources de M. B... et n'aurait pas pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... ;

6. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la décision du 25 mars 2010 ne comporte pas l'indication de la composition de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'est pas de nature à établir l'irrégularité de cette composition ; que le moyen tiré d'une telle irrégularité doit être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la

convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, si le père de M. B... a été victime en 2003 d'un accident vasculaire cérébral et reste atteint de séquelles hémiplégiques occasionnant un handicap sévère, il n'est toutefois pas établi que des membres résidant en France de la famille du requérant seraient dans l'impossibilité de lui rendre des visites régulières en Algérie, alors d'ailleurs que ce dernier n'a sollicité pour la première fois qu'en 2008 la délivrance d'un visa pour se rendre en France ; que par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts dans lesquels a été prise la décision du 25 mars 2010 ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 25 mars 2010 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées devant le tribunal administratif par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il en résulte que les conclusions de la demande de l'intéressée tendant à ce que, sous astreinte, il soit ordonné au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa sollicité ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une somme à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er à 3 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2012 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 25 mars 2010 et à ce que ce soit ordonnée la délivrance d'un visa d'entrée et de court séjour, ainsi que celles présentées, en première instance et en appel, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 janvier 2013.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINE Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

C. GOY

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N° 12NT00805


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00805
Date de la décision : 18/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : HALGAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-01-18;12nt00805 ?
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