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10/01/2013 | FRANCE | N°10NT01069

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 10 janvier 2013, 10NT01069


Vu l'arrêt en date du 19 juillet 2012 par lequel la cour, saisie, d'une part, par M. B... A...sous le n° 10NT01069, de conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 08-2933 du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 682,92 euros en réparation des préjudices subis par lui du fait de la discrimination syndicale dont il affirme avoir été victime dans le déroulement de sa carrière d'ouvrier d'Etat affecté au sein de l'établissement de Cherbourg de la société DCNS, et à la con

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Vu l'arrêt en date du 19 juillet 2012 par lequel la cour, saisie, d'une part, par M. B... A...sous le n° 10NT01069, de conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 08-2933 du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 682,92 euros en réparation des préjudices subis par lui du fait de la discrimination syndicale dont il affirme avoir été victime dans le déroulement de sa carrière d'ouvrier d'Etat affecté au sein de l'établissement de Cherbourg de la société DCNS, et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme demandée, et, d'autre part, sous le n° 10NT01070, par la Fédération nationale GCT des Travailleurs de l'Etat, a, en premier lieu, rejeté les conclusions de la requête n° 10NT01070 de la Fédération nationale GCT des Travailleurs de l'Etat, en deuxième lieu, n'a pas admis l'intervention de cet organisme au soutien de la requête n° 10NT01069 de M. A... et a, enfin, sursis à statuer sur les conclusions de la requête de M. A... et invité le ministre de la défense à produire tous éléments, et notamment les documents de notation ou d'évaluation, de nature à établir, ainsi qu'il en a la charge, l'existence de motifs autres que discriminatoires justifiant le retard de carrière de M. A... entre 1999 et 2002 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 octobre 2012, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- il n'est pas en mesure de produire les éléments demandés par la cour, qui n'ont pas été conservés par la société DCNS ; les seules informations disponibles sur la période font état de l'avancement de M. A... au 6ème échelon du groupe V, à l'ancienneté, au 1er janvier 2000 ;

- l'intéressé ne pouvait prétendre à un avancement au groupe VI entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001 dans la mesure où il ne remplissait pas les conditions statutaires d'âge et d'échelon énoncées par l'instruction n° 47676/DN/DPC/CRG du 30 mars 1973 relative aux conditions d'avancement des ouvriers de la défense nationale, applicable au moment des faits, pour prétendre à un avancement au choix au groupe VI entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001 ; il a par ailleurs atteint le 7ème échelon du groupe VI le 1er janvier 2002 après un essai professionnel ; aucun retard d'avancement lié à une discrimination professionnelle ne peut être relevé ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 novembre 2012 présenté pour M. A..., par lequel il conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et demande en outre qu'il soit enjoint au ministre de la défense de procéder dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard à son reclassement au groupe VII, échelon 7, avec une ancienneté dans cette position à compter du 1er janvier 2007 avec toutes les conséquences de droit qui en découlent en terme de déroulement de carrière et de rémunération ; il soutient en outre que :

- le ministre de la défense n'est pas en mesure d'expliquer sa mise à l'écart ;

- si, au titre de la période 1999-2001, il n'est pas contesté qu'il ne pouvait prétendre à un avancement au choix dans le groupe VI, c'est la voie d'avancement par essai professionnel qui est en cause en l'espèce ; la discrimination résulte de ce qu'il a été écarté, tous les ans, pour passer l'essai professionnel pouvant lui donner accès au groupe VI alors qu'il ne bénéficiait durant cette période d'aucune dispense d'activité ; sa candidature au passage d'essai n'a été retenue qu'en 2002 et il a réussi cet essai et accédé directement au 7ème échelon du groupe VI compte tenu de la bonne note obtenue ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret du 26 février 1897 relatif à la situation du personnel civil d'exploitation des établissements militaires, ensemble le décret du 1er avril 1920 relatif au statut du personnel ouvrier des arsenaux et établissements de la marine et le décret du 8 janvier 1936 fixant le statut du personnel ouvrier des établissements et services extérieurs du ministère de l'air ;

Vu le décret n° 2002-832 du 3 mai 2002 relatif à la situation des personnels de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale prévue à l'article 78 de la loi n° 2001-1276 du 28 décembre 2001de finances rectificative pour 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un jugement du 18 mars 2010, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande présentée par M. A..., tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 682,92 euros en réparation des préjudices subis par lui du fait de la discrimination syndicale dont il affirme avoir été victime dans le déroulement de sa carrière d'ouvrier d'Etat affecté au sein de l'établissement de Cherbourg de la société DCNS ; que, par un arrêt avant dire droit du 19 juillet 2012, la cour, saisie par M. A... de conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme demandée, a estimé qu'en l'état de l'instruction un certain nombre d'éléments faisaient présumer l'existence d'une discrimination syndicale à l'égard de celui-ci, recruté en 1989, ayant occupé les fonctions de secrétaire général adjoint de l'union locale CGT de Cherbourg en 1996, réélu en 2000 et 2004, puis de délégué syndical d'atelier en 2001, se matérialisant par la mise à l'écart de l'intéressé entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001 de l'avancement au groupe VI du statut dont il relève auquel il pouvait prétendre, et a demandé au ministre de la défense de produire tous éléments, et notamment les documents de notation ou d'évaluation, de nature à établir, ainsi qu'il en a la charge, l'existence de motifs autres que discriminatoires justifiant le retard de carrière de M. A... pour cette période ;

Sur l'existence d'une discrimination syndicale :

2. Considérant qu'en réponse au supplément d'instruction ordonné par la cour le ministre de la défense fait valoir que M. A... ne remplissait pas, pour la période du 1er janvier 1999 au 1er janvier 2002, les conditions d'âge et d'ancienneté pour un avancement au choix au groupe VI ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et en particulier des listes nominatives produites à l'instance que l'avancement au groupe VI des ouvriers recrutés comme M. A... au cours de l'année 1989 et dont les conditions d'âge et d'ancienneté étaient similaires ne s'est pas effectué par cette voie mais par le biais d'essais professionnels ; qu'ainsi ni l'argument de droit énoncé ci-dessus, ni la circonstance tenant à ce que l'intéressé a été promu au groupe VI, 7ème échelon au 1er janvier 2002 après sa réussite à un essai professionnel, ne sont de nature à remettre en cause les constatations effectuées par la cour dans l'arrêt avant dire droit susvisé et selon lesquelles l'avancement professionnel de l'intéressé a été ralenti sans autre motif que syndical ; que le ministre de la défense n'a été en mesure de produire aucun des documents demandés pour la période considérée qui auraient permis d'infirmer une telle présomption ; qu'ainsi M. A... doit, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, être regardé comme établissant avoir été illégalement privé de l'avancement au groupe VI à compter du 1er janvier 1999 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2002-832 du 3 mai 2002 relatif à la situation des personnels de l'Etat mis à la disposition de l'entreprise nationale prévue à l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 susvisée : " Le pouvoir de gestion et d'administration du personnel civil mis à la disposition dans les conditions de l'article 1er du présent décret, notamment en matière de discipline, d'avancement et de notation, relève du ministre de la défense sous réserve des dispositions de l'article 10 du présent décret. L'avis du président de l'entreprise nationale est recueilli pour toute décision individuelle, y compris en matière disciplinaire. " ; qu'aux termes de l'article 10 du même décret : " Les décisions individuelles concernant ces ouvriers sont prises par le président de l'entreprise nationale ou par toute personne déléguée par lui à cet effet. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les décisions d'avancement concernant les ouvriers de l'Etat mis à disposition de la société DCNS à compter du 1er janvier 2003 sont prises par le président de l'entreprise nationale, le ministre de la défense étant seulement chargé de les mettre en oeuvre ; que, par suite, la responsabilité de l'Etat (ministre de la défense) à raison d'une discrimination syndicale ne peut être recherchée qu'en tant qu'elle porte sur une période antérieure au 1er janvier 2003 ;

Sur le préjudice :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la rémunération dont M. A... a pu être privé durant la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001, soit trente-six mois, à raison de l'avancement dont il n'a pas bénéficié, doit être fixée selon la méthode de calcul " par triangulation " exposée par l'intéressé et non contestée, à la moitié de la perte de salaire mensuel d'un montant de 239,78 euros, soit un total de 4 316 euros ; qu'il y a lieu de lui accorder cette somme, ainsi qu'une indemnité de 3 000 euros au titre du préjudice moral, en réparation de la faute commise par le ministre de la défense à son encontre ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

6. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A... tendant à ce que soit reconnue la responsabilité de l'Etat pour la période postérieure au 31 décembre 2002, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions présentées par M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense, sous astreinte, de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er janvier 2007, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 08-2933 du 18 mars 2010 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 7 316 euros (sept mille trois cents seize euros).

Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la Fédération Nationale CGT des Travailleurs de l'Etat, au ministre de la défense et à la société DCNS.

Une copie en sera adressée au défenseur des droits.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2012 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Specht, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2013.

Le rapporteur,

F. SPECHTLe président,

I. PERROT

Le greffier,

C. GUÉZO

La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 10NT01069, 10NT010702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01069
Date de la décision : 10/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Christophe HERVOUET
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : TARAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-01-10;10nt01069 ?
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