Vu la requête et le mémoire de production de pièces, enregistrés respectivement le 25 octobre 2011 et le 10 janvier 2012, présentés pour l'association " Evasion en Pays d'Accueil et de Loisirs " (EPAL), dont le siège est 10, rue Nicéphore Niepce à Brest (29200), par Me Mion, avocat au barreau de Brest ; l'association EPAL demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900439 du 31 août 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 14 novembre 2008 par laquelle le ministre chargé du travail, annulant la décision du 4 juillet 2008 par laquelle l'inspecteur du travail de la deuxième section de l'inspection du travail du Finistère a refusé d'autoriser le licenciement de Mme Sylvaine A, a accordé l'autorisation de licencier Mme A ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de Mme A le versement de la somme 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2012 :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public,
- et les observations de Me Mion, avocat de l'association EPAL ;
1. Considérant que l'association " Evasion en Pays d'Accueil et de Loisirs " (EPAL), qui a pour objet de développer les loisirs, l'animation et l'éducation populaire pour tous, assure notamment la gestion du " Centre Permanent de Tourisme et de Découverte de l'Environnement " situé à Brasparts (Finistère), lequel comporte un club équestre fonctionnant toute l'année ; que l'association a engagé à compter du 11 août 2005 Mme A, titulaire du brevet d'Etat d'éducateur sportif du 1er degré, option activités équestres, en qualité d'enseignante équestre au sein de ce club ; que Mme A a, par ailleurs, été désignée en juin 2007 en qualité de déléguée syndicale, ce qui lui a conféré le statut de salarié protégé ; que l'association EPAL ayant saisi l'inspection du travail du Finistère d'une demande d'autorisation de licencier Mme A pour faute, cette autorisation lui a été refusée par une décision du 4 juillet 2008 ; que, par décision du 14 novembre 2008, le ministre chargé du travail, faisant droit au recours hiérarchique introduit par l'association, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 4 juillet 2008 et autorisé le licenciement de Mme A ; que l'association EPAL fait appel du jugement en date du 31 août 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 14 novembre 2008 du ministre chargé du travail ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; que ces dispositions, qui ont pour objet de mettre le justiciable en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, d'y présenter utilement des observations orales à l'appui de son argumentation écrite et, le cas échéant, de produire une note en délibéré, impliquent nécessairement, à peine d'irrégularité du jugement, que la communication ainsi prévue porte non seulement sur la solution que le rapporteur public propose à la formation de jugement d'adopter mais encore sur le ou les moyens lui paraissant, à titre principal, fonder cette solution, lorsque, comme en l'espèce, il envisage de proposer à la formation de jugement de donner satisfaction au requérant ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la copie d'écran éditée par la requérante, que le système d'information du suivi de l'instruction renseigné par le rapporteur public indiquait aux parties qu'il concluait à l'annulation totale de la décision litigieuse, sans préciser le ou les moyens sur lesquels il entendait se fonder ; qu'en l'espèce cette information était trop imprécise pour permettre à l'association requérante d'en discuter utilement le contenu lors de l'audience publique ; que dès lors et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre moyen d'irrégularité invoqué par elle, l'association requérante est fondée à soutenir que le rapporteur public n'a pas correctement respecté l'obligation posée par l'article R. 711-3 précité du code de justice administrative et, par suite, à demander l'annulation du jugement attaqué comme rendu sur une procédure irrégulière ;
4. Considérant qu'il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Rennes ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis d'un mandat de représentant du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. / Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;
6. Considérant que pour prendre la décision contestée, par laquelle il a autorisé le licenciement de Mme A, le ministre chargé du travail s'est fondé sur la méconnaissance par l'intéressée des règles de sécurité, à savoir l'absence d'accompagnement des enfants lorsqu'ils allaient chercher leur poney dans le pré et l'absence de vérification de l'installation de la selle, le fait que le soin d'assurer certains enseignements avait été laissé à de jeunes stagiaires d'un lycée agricole ne disposant d'aucune qualification pour ce faire, le fait que pendant les enseignements qu'elle dispensait Mme A faisait accomplir des exercices d'un niveau supérieur à celui des élèves, ainsi que le fait que, lors de la préparation d'un concours hippique organisé par le centre équestre, elle aurait laissé conduire le tracteur acheminant du matériel par une élève âgée de quatorze ans ;
7. Considérant, toutefois, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la direction de l'association aurait appelé l'attention de Mme A sur les problèmes de sécurité avant l'entretien préalable à son licenciement qui s'est déroulé le 18 juin 2008 ; que, par ailleurs, les deux parties produisent des attestations et témoignages contradictoires ; que, dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés à Mme A, qui les conteste, ne peut être regardée comme établie ; qu'il ne ressort pas davantage de l'ensemble des pièces du dossier que les faits reprochés à Mme A, en l'absence d'avertissements préalables, présenteraient un degré de gravité tel qu'ils puissent justifier le licenciement de l'intéressée ; que Mme A est dès lors fondée à soutenir que le ministre chargé du travail a commis une erreur d'appréciation en autorisant son licenciement ; qu'il y a lieu pour ce motif d'annuler la décision contestée ;
Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'association EPAL demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite association le versement à Mme A d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais exposés par elle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Rennes en date du 31 août 2011 est annulé.
Article 2 : La décision du 14 novembre 2008 par laquelle le ministre chargé du travail a annulé la décision du 4 juillet 2008 de l'inspecteur du travail de la deuxième section de l'inspection du travail du Finistère et a accordé l'autorisation de licencier Mme A est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par l'association EPAL est rejeté.
Article 4 : L'association EPAL versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Evasion en Pays d'Accueil et de Loisirs ", à Mme Sylvaine A et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 11NT02797