Vu la requête et la pièce complémentaire, enregistrées les 9 décembre 2011 et 10 février 2012, présentées pour Mme Yelena B épouse A, demeurant ..., par Me Régent, avocat au barreau de Nantes ; Mme A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1106122 en date du 15 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2011 du préfet de la Loire-Atlantique portant rejet de sa demande de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique d'examiner sa situation aux fins de lui délivrer une carte de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé valant autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Coiffet, premier conseiller,
- et les observations de Me Régent, avocat de Mme A ;
Sur les conclusions dirigées contre les décisions du préfet de la Loire-Atlantique en date du 21 avril 2011 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi :
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a, postérieurement à l'introduction de la requête, délivré à Mme A une autorisation provisoire de séjour valable du 11 juillet 2012 au 10 janvier 2013 ; que le préfet a ainsi implicitement mais nécessairement abrogé les décisions susmentionnées en date du 21 avril 2011, lesquelles n'ont pas reçu application ; que, par suite, les conclusions tendant à leur annulation présentées par Mme A sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de la Loire-Atlantique en date du 21 avril 2011 portant refus de titre de séjour :
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Loire-Atlantique :
2. Considérant que la décision ci-dessus visée par laquelle le préfet a délivré à Mme A une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois ne donne pas satisfaction à l'intéressée qui a sollicité l'asile et doit donc être regardée comme ayant présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-13 et L. 314-11, 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue d'obtenir une carte de résident de 10 ans ou une carte de séjour temporaire valable un an ; qu'elle n'a pas eu pour effet de retirer ou d'abroger la décision contestée refusant à Mme A le titre de séjour qu'elle sollicitait ; qu'il s'ensuit que les conclusions du préfet tendant à ce que soit prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions ci-dessus mentionnées de la requête de Mme A doivent être rejetées ;
Sur la légalité de la décision contestée :
3. Considérant, en premier lieu, que M. Bernard Boulogne, directeur de la réglementation et des libertés publiques à la préfecture de la Loire-Atlantique, a, par arrêté en date du 25 février 2011 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, reçu délégation du préfet pour signer " tous arrêtés et décisions individuelles relevant des attributions de la direction " et notamment les décisions portant refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté comme manquant en fait ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du 21 avril 2011 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé à Mme A, ressortissante arménienne, la délivrance d'un titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et en particulier, contrairement à ce que soutient la requérante, des éléments suffisants relatifs à sa situation personnelle et familiale ; qu'il est, dès lors, suffisamment motivé au regard des exigences posées par la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de Mme A en tenant compte des éléments d'information portés à sa connaissance ; qu'il a également examiné les risques que la requérante alléguait encourir en cas de retour dans son pays d'origine ; que la circonstance qu'il a pris l'arrêté en litige peu de temps après la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'est pas de nature à faire regarder comme insuffisant l'examen auquel il a procédé de la situation de Mme A ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est uniquement délivrée à l'étranger lui-même malade et non à l'accompagnant de ce dernier ; que, par suite, Mme A, qui se réfère seulement à l'état de santé de son époux et de sa fille, ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour contester la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée par le préfet à la suite du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile de sa demande d'asile ; que, par ailleurs, elle n'établit pas avoir déposé une demande de titre de séjour en qualité d'accompagnant d'étranger malade ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que si Mme A, entrée irrégulièrement en France le 5 octobre 2009, soutient qu'elle s'y est établie avec son époux, ses deux enfants et sa belle-mère, il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de l'arrêté contesté, M. A faisait également l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il n'existait pas d'obstacle avéré à la reconstitution de la cellule familiale en Arménie où la requérante a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme A en France, et alors même que ses enfants y sont scolarisés, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
11. Considérant que Mme A et son époux étant, à la date de l'arrêté contesté, tous les deux en situation irrégulière sur le territoire français, rien ne faisait obstacle, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à ce qu'ils repartent avec leurs enfants en Arménie et y reconstituent leur cellule familiale ; que les certificats médicaux produits par Mme A ne permettent pas d'établir que l'état de santé de sa fille nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, par suite, et alors même que ses deux enfants sont scolarisés en France, Mme A n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour présentées par Mme A, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de procéder à un examen de sa situation et de lui délivrer, sous astreinte, un récépissé valant autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
14. Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Régent, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Régent de la somme de 750 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A dirigées contre les décisions du préfet de la Loire-Atlantique en date du 21 avril 2011 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
Article 2 : L'Etat versera à Me Régent, avocat de Mme A, la somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Yelena B épouse A et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
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N° 11NT03108