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16/11/2012 | FRANCE | N°12NT01134

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 16 novembre 2012, 12NT01134


Vu, I, sous le n° 12NT01134, le recours, enregistré le 27 avril 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 11-3951 et 11-7322 du 29 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 24 février 2011 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ainsi que la décision du 4 juillet 20

11 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités terri...

Vu, I, sous le n° 12NT01134, le recours, enregistré le 27 avril 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; le ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 11-3951 et 11-7322 du 29 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 24 février 2011 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ainsi que la décision du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration refusant de délivrer à M. Gratien A un visa en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. A devant le tribunal administratif de Nantes ;

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Vu, II, sous le n° 12NT01146, le recours, enregistré le 30 avril 2012, du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement nos 11-3951 et 11-7322 du 29 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions du 24 février 2011 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, ainsi que la décision du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration refusant de délivrer à M. Gratien A un visa en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration demande à la cour de prononcer l'annulation et le sursis à exécution du jugement en date du 29 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. Gratien A, les décisions du 24 février 2011 et 4 juillet 2011 par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France puis le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ont rejeté sa demande de visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

2. Considérant que les requêtes nos 12NT01134 et 12NT01146 présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " (...) le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. " ; qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale ; qu'elles ne peuvent opposer un refus à une telle demande que pour un motif d'ordre public ; qu'elles peuvent, sur un tel fondement, opposer un refus aux demandeurs ayant été impliqués dans des crimes graves contre les personnes et dont la venue en France, eu égard aux principes qu'elle mettrait en cause ou au retentissement de leur présence sur le territoire national, serait de nature à porter atteinte à l'ordre public ;

4. Considérant, par ailleurs, que si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; qu'il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative puis, le cas échéant, au juge administratif d'apprécier si les mêmes faits sont établis ;

5. Considérant que si M. A a été acquitté par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, au motif que la juridiction internationale n'a été en mesure d'établir, au-delà de tout doute raisonnable, ni la nature exacte de son autorité de commandement, ni sa participation directe à des exactions contre la population civile, il ressort notamment de cette décision que l'intéressé a cependant assuré le commandement opérationnel des forces armées rwandaises (FAR) dans le secteur de Byumba (préfecture du Rwanda), dans lequel en janvier 1993 des massacres de populations civiles tutsie et d'opposants hutus ont été opérés ; que l'intéressé a également occupé de septembre 1993 jusqu'en juillet 1994 le poste de chef du bureau G3 de l'état-major général de l'armée rwandaise, d'abord en tant que colonel puis en tant que général à la mi avril 1994, et notamment pendant toute la durée des massacres d'avril à juillet 1994 ; qu'il a ainsi occupé d'importantes fonctions au sein de l'état-major général de l'armée rwandaise à la tête des FAR, le bureau G3 étant responsable de la planification et de la conduite opérationnelle des opérations militaires ; que si sa participation directe à des massacres de civils n'a pas été établie, il n'est pas davantage établi qu'il aurait agi pour atténuer ou prévenir ces massacres, qu'il ne pouvait ignorer compte tenu de la nature de ses fonctions ; que, contraint à l'exil à la suite de la chute du régime responsable de ces massacres, M. A a ensuite été commandant adjoint du Haut Commandement des FAR constituées en exil et membre du Mouvement pour le retour des réfugiés et la démocratie au Rwanda, marquant ainsi son attachement avec l'ancien gouvernement ; que, par suite, même si M. A soutient qu'il n'avait aucun pouvoir de décision politique, il doit être regardé, eu égard aux responsabilités éminentes qu'il a exercées au sein des FAR pendant le génocide et au soutien qu'il a maintenu au gouvernement responsable des massacres de la population civile d'avril à juillet 1994, comme ayant été impliqué dans des crimes graves contre les personnes ; qu'ainsi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration n'ont pas inexactement qualifié les faits de la cause en estimant qu'ils étaient constitutifs d'une menace à l'ordre public ; que ces autorités ont pu, dès lors, sans méconnaitre l'autorité de la chose jugée au pénal, légalement se fonder sur ce motif pour prendre les décisions contestées ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur l'absence d'une telle menace pour annuler lesdites décisions ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif de Nantes ;

7. Considérant qu'eu égard au motif d'ordre public sur lequel reposent les décisions du 24 février 2011 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et du 4 juillet 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration refusant de délivrer à M. A un visa en qualité de conjoint d'une ressortissante française, lequel est étayé par des éléments précis et circonstanciés, et compte tenu des troubles à l'ordre public que l'arrivée en France de M. A risquerait d'entraîner eu égard aux principes qu'elle mettrait en cause et au retentissement de sa présence sur le territoire national, ces autorités n'ont pas, dans les circonstances de l'espèce, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnu, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, les décisions qu'elles ont prises ne sont pas contraires aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 selon lequel " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

8. Considérant, enfin, que le requérant ne saurait utilement invoquer ni la circonstance que la France a, par le passé, accueilli d'anciens hauts responsables rwandais, ni la demande que la présidente du Tribunal pénal international pour le Rwanda a adressée le 7 janvier 2011 aux Etats pour que la réinstallation des personnes acquittées par cette juridiction soit facilitée, celle-ci n'emportant aucune obligation pour les autorités françaises de lui délivrer le visa sollicité ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions en date du 24 février 2011 et du 4 juillet 2011 rejetant la demande de visa de long séjour présentée par M. A en qualité de conjoint d'une ressortissante française ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

11. Considérant que le présent arrêt statue sur l'appel du ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration tendant à l'annulation du jugement du 29 février 2012 du tribunal administratif de Nantes ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête 12NT01146 tendant au sursis à exécution du même jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, le versement des sommes demandées par M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 février 2012 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. A devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête 12NT01146.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Gratien A.

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Nos 12NT01134, 12NT01146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT01134
Date de la décision : 16/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. Entrée en France. Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. MILLET
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : VARAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-11-16;12nt01134 ?
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