Vu la requête et le mémoire complémentaire, respectivement enregistrés les 5 janvier et 27 avril 2011, présentés pour M. Alain Y et Mme Catherine X, demeurant ... par Me Madignier, avocat au barreau de Lyon ;
M. Y et Mme X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-3638 du tribunal administratif de Rennes en date du 2 décembre 2010 qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices résultant du refus opposé à la demande d'admission de M. Y à faire valoir ses droits à la retraite avec jouissance immédiate d'une pension ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 51 017 euros en réparation de leurs préjudices ;
3°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraites à l'article 141 du Traité instituant les Communautés européenne ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2012 :
- le rapport de M. Lemoine, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;
1. Considérant que M. Y, fonctionnaire affecté au centre hospitalier régional universitaire de Rennes et père de trois enfants, a, par un courrier en date du 31 mars 2008, demandé à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales à pouvoir bénéficier de la jouissance immédiate de sa pension en application de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, cette demande ayant fait l'objet d'une décision de rejet en date du 10 juin 2008, l'intéressé a saisi le ministre de la fonction publique le 29 octobre 2008 d'une demande indemnitaire, qui a été implicitement rejetée ; qu'estimant la responsabilité de l'Etat engagée du fait des lois, M. Y et son épouse Mme X ont saisi le tribunal administratif de Paris de conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis et, subsidiairement, à la saisine par le tribunal de la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ; que, par une ordonnance du 14 mai 2009, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de la demande de M. et Mme Y au tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement en date du 2 décembre 2010, a rejeté cette demande ; que ces derniers relèvent appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004 : "I. - La liquidation de la pension intervient : (...) / 3°) Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article" ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité de l'Union européenne : "Chaque Etat membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail. / Par rémunération, il faut entendre, au sens du présent article, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail" ; que, cependant, l'article 6 de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité instituant la Communauté européenne, après avoir rappelé les règles fixées par l'article 141 du traité, précise en son paragraphe 3 que : "Le présent article ne peut empêcher un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à compenser des désavantages dans leur carrière professionnelle" ; qu'eu égard à l'objet du droit, ouvert par la loi, d'entrer en jouissance immédiate de sa pension avant d'avoir atteint l'âge de la retraite, le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il est garanti par l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne n'interdisait pas que la réglementation nationale fixe, par une disposition également applicable aux deux sexes, une durée minimale de deux mois à l'interruption d'activité ouvrant droit à cette entrée en jouissance et prévoie, parmi les positions statutaires donnant droit à son bénéfice, le congé de maternité, alors même que, de ce fait et en raison du caractère facultatif des autres congés, pour la plupart non rémunérés et dont certains n'étaient pas encore ouverts aux hommes à la date à laquelle leurs enfants sont nés, le dispositif nouveau devrait bénéficier principalement aux fonctionnaires de sexe féminin ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté ; qu'il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de la méconnaissance, d'une part, de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'article 14 de la même convention ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ouvrent aux fonctionnaires une bonification d'un an par enfant afin de compenser les inconvénients causés à leur carrière par l'interruption de leur service, à l'occasion d'une naissance, d'une adoption ou de périodes consacrées à l'éducation des enfants ; que, dès lors que cet avantage est ouvert tant aux hommes qu'aux femmes, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec le principe d'égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu'il a été interprété par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt n° C366-99 du 29 novembre 2001 ; qu'eu égard à l'objet de cette bonification, ce principe n'interdisait pas que l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 6 du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003, prévoie parmi les positions statutaires donnant droit à son bénéfice, le congé de maternité, pour les mêmes motifs que ceux indiqués plus haut ; que, dans ces conditions, M. Y n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article R. 13 du même code dont il lui a été fait application ne seraient pas compatibles avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et à la directive n° 86/378 du Conseil du 25 juillet 1986 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que M. et Mme Y ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme Y de la somme demandée au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Y et de Mme X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain Y et Mme Catherine X, et au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur, chargé du budget.
''
''
''
''
2
N° 11NT00026